La Ruche de Bamako- coura vit des heures de convulsions et cette atmosphère risque de durer jusqu’à la prochaine élection présidentielle, en 2012. Pour plusieurs observateurs, le parti rouge et blanc est, au fur et à mesure que nous nous approchons de la grande échéance, comme un aéronef défectueux s’enfonçant dans la zone de turbulence. « C’est tout simplement que l’Adéma-Pasj n’est plus un parti politique digne de ce nom », tranche un militant désabusé, quasiment à un doigt du désespoir. Pourquoi ? En réponse à cette question que nous avons osée en réplique logique, il nous sera tout benoîtement répondu que c’est parce que le parti des Professeurs Dioncounda Traoré et Ali Nouhoum Diallo, des Ousmane Sy et Moustaphe Dicko, des Mohamédoun Dicko et des Tiémoko Sangaré, pour ne citer que ceux-là, n’a pas de candidat pour l’élection présidentielle de 2012.
En d’autres termes, il nous faut bien comprendre que la machine qui a porté Alpha Oumar Konaré aux plus hautes fonctions de l’Etat est grippée, si elle n’est pas tout simplement tout indiquée pour le musée des épaves politiques. Les plus optimistes diront que le Pasj servira efficacement comme point d’appui à un candidat extérieur à la Ruche ou qu’il se voit bien pour longtemps dans le rôle de force supplétive à un pouvoir qui lui fera la gentillesse de lui octroyer quelques ministères par-ci et cinq à dix directions générales par là. Si, dans un élan d’extrême générosité, il lui ajoutait deux à trois présidences de conseils d’administration d’entreprises à budgets respectables, alors, tout va bien dans le meilleur des mondes. Eh bien, il n’y aura plus qu’à se vautrer dans l’attitude stérile du spectateur.
Mais l’Adéma-Pasj, dit-on, n’a vraiment pas de candidat pour l’élection présidentielle à venir. Sans cesse assénée par la presse qui va même jusqu’ à lui suggérer l’actuel Premier ministre, Modibo Sidibé, comme joker de bonne saison, cette affirmation, boutade pour certains et certitude pour d’autres, fait rougir dans la Ruche. Là, on soutient que le parti est une pépinière de cadres tous valeureux. Il faut y croire. Mais à la lumière de l’actualité politique, il n’est pas non plus déplacé de se risquer à dire qu’aucun des candidats virtuels du Pasj n’a le profil idéal du meilleur présidentiable.
Recettes staliniennes
Les différents prétendants cultivent les uns contre les autres une haine amicale qui n’a d’égale que leur volonté à favoriser autrui au détriment des intérêts de chapelle. La situation ressemble, à bien des égards, à cette cour du Roi Pétaud où nul ne veut reconnaître le leadership de qui que ce soit. Tout est fait pour qu’on en arrive à se déchirer encore. Crocs en jambes, coups tordus et coups sous la ceinture constituent désormais la bonne tactique. On a tout simplement l’impression que pour 2012, le parti n’aura que de seconds couteaux à proposer.
Pour faire de la figuration. D’où les luttes de jactance qui rythment la vie des abeilles. Au point que la maison n’est plus le lieu d’un combat politique sain mais est plutôt une pitoyable orgie pour le sacre des desseins et des intérêts de sectes animalières. Les ténors en sont à s’éliminer selon les vieilles recettes staliniennes.
L’Adéma-Pasj, à ce qu’il paraît, n’est plus qu’une façade pour cacher des jeux d’auto- démolition qui constituent le pilier central et le mobile inavoué de tous les comportements individuels et de toutes les décisions collectives majeures. Un parti sans idéal mené par des activistes tapis dans les rangs pour sauvegarder des affaires juteuses et qui ne manquent pas de tirer vers le bas les valeurs politiques consacrées. Bref, au Pasj, la politique n’est rien d’autre qu’un divertissement à trahir les siens.
Ainsi, l’ennemi mortel n’est autre que le président du parti. Pr. Dioncounda Traoré, pour les besoins de la cause, est vite devenu le pestiféré. On ne voit sur lui que plaies et bosses. S’il est le candidat à l’élection présidentielle de l’année prochaine, le parti perdrait immanquablement toutes les chances de la remporter. Il faut donc le détruire avant la précieuse échéance. Aux bazookas, militants : feu ! Le pauvre président de l’Assemblée nationale sera criblé de balles, cible qu’il est des tirs croisés de son propre camp. Sur sa dépouille se tiendra triomphalement le peloton d’exécution. Immonde victoire qui offre à l’opinion publique l’image de l’épouse maudite qui livre son mari à l’ennemi.
Et les cadres valeureux sortent du bois. Les grands commis de l’Etat font valoir leurs états de services. Par exemple, Ibrahima N’Diaye alias Iba, qui fut jadis maire de Bamako et qui aujourd’hui fait office de ministre de l’emploi et de la formation professionnelle, sorte de vice- Premier ministre dans la préséance gouvernementale, sort de son sarcophage pour se proposer en rédempteur de la nation. Sékou Diakité, ci-devant ministre du développement social, de la solidarité et des personnes âgées, se voit à son tour pousser tant d’ailes qu’il se prend pour l’invincible dragon de la nouvelle mythologie en cours d’être forgée sur les bords du Djoliba.
L’ennemi peut rire sous cape et jubiler par anticipation. Les luttes fratricides d’en face sont plutôt de bon augure.
Question de devinette, mais pas une énigme
Reste la donne Soumeylou Boubèye Maïga. S’il saute dans l’arène, il ne manquera ni de légitimité, ni de punch pour engager une vraie partie de lutte. Il a avec un passé de gladiateur qui lui a voulu trop de déboires. Par exemple, la conviction forte qu’un parti politique comme l’Adéma- Pasj ne peut pas se permettre de ne pas présenter un candidat à l’élection présidentielle est son credo régulièrement répété. Sur cette ligne que défend également Ousmane Sy, il s’est toujours tenu résolument. Attitude suicidaire dans un compagnonnage où nombre de compagnons sont connus pour leur fragilité et leur, disons-le sans sourciller, frivolité ? Le temps nous répondra.
Mais Soumeylou demeure un homme de l’ombre, un vrai spécialiste du travail souterrain qui, par ailleurs, cultive trop le secret. Cela peut se révéler être un lourd handicap dans une démocratie ouverte, en tout cas suffisamment des dégagée des pesanteurs des services secrets et autres connexions militaires qui ont ailleurs des prises sur le choix des hommes et sur le traçage des destins. Il a quand même un an au moins pour opérer la métamorphose.
En réalité, entre les mousquetaires déclarés ou supposés de l’Adéma- Pasj, les jeux sont ouverts. On sait qu’ils sont engagés dans une formidable chevauchée qui tarde à proclamer le porte-drapeau. Mais au regard de la détermination des uns comme des autres et des pratiques émaillées de baisers de Judas, l’Adéma-Pasj est-elle encore un parti politique ? Question de devinette peut-être, mais plus une énigme.
Housseyni Barry
Le National 28/02/2011