Quand la patrie est en danger aucun compris n’est de trop, a dit un grand penseur. Il y va de l’intérêt de tous. Suite à l’attaque du MOC, deux images ont fait les choux gras de la presse malienne la semaine dernière. C’est celle du rassemblement de la Majorité et de l’Opposition à la place de la paix pour un recueillement conjoint et l’image de la forte délégation de la classe politique toute tendance confondue qui est allée soutenir les militaires blessés dans les Hôpitaux de Bamako et de Gao. Ce rapprochement circonstanciel entre la Majorité et l’Opposition a donné lieu à beaucoup d’interrogations et rappelé un mauvais souvenir et une expérience à la malienne, celle du consensualisme sous ATT dont on sait la suite.
Ce rapprochement ne crée-t-il pas la confusion au sein de l’opinion ? Va-t-on vers une gestion consensuelle du pouvoir comme sous ATT ? L’Opposition se meurt-elle ? Mordrait-elle finalement à l’hameçon d’une Majorité en débandade cherchant une nouvelle légitimité ?
Bocar Tréta et Soumaila Cissé, les deux leaders de la Majorité et de l’Opposition au coude à coude, rappellent la grande marche républicaine en France après les attentats sanglants de Charlie Hebdo qui ont mobilisé non seulement la classe politique française toutes tendances confondues, mais aussi et surtout toutes les grandes sommités du monde, y compris IBK lui-même. La Majorité et l’Opposition ont, par ce rassemblement citoyen, prouvé à la face du monde qu’au delà de leurs divergences, seul le Mali comptait. Mais, quelle n’a pas été la surprise de constater le même rassemblement comme un « playback » de l’image du monument de la paix, dans les hôpitaux de Kati, de Bamako et de Gao.
La question que certains observateurs de la scène politique se posent est celle de savoir si la classe politique malienne ne veut pas finalement actualiser le consensus d’ATT ? Pour rappel, sous l’ancien Président Amadou Toumani Touré, le Mali a expérimenté un Consensus qui n’existait nulle part au monde dans un régime démocratique. Ce Consensualisme politique à la malienne n’était autre chose qu’un appel lancé à la classe politique autour du gâteau Mali au détriment du peuple. La suite on la connait. Le manque d’opposition comme cela sied en démocratie a ouvert la brèche à toutes les faiblesses et dérives.
C’est un groupe de sous-officiers qui s’est emparé du pouvoir sans coup férir un certain 22 mars 2012. Fort de cette malencontreuse expérience et à 18 mois des élections considérées comme cruciales, le malien lambda a vu d’un mauvais œil ce rapprochement qu’il a qualifié de complicité voir d’un complot contre le peuple. Il a certes approuvé la compassion et le soutien ferme et entier de toute la classe politique aux forces de défense et de sécurité, mais se méfie d’un tel rapprochement circonstanciel et soudain de la Majorité et de l’Opposition, aux objectifs si antagoniques. L’Opposition aurait dû mettre le doigt dans la faiblesse du dispositif sécuritaire du MOC, tel que conçu par le gouvernement et ses partenaires, à travers son chef de file. Elle a plutôt, par ce rapprochement soudain, quelque peu absout le gouvernement de son entière responsabilité. On se rappelle aussi que l’attaque du MOC est venue comme un rideau qui ferma la triste polémique autour du communiqué conjoint sur l’accord ou non de réadmission des immigrés maliens en situation irrégulière en Europe. La question n’est pas totalement purgée autant que celle de l’utilisation des fonds publics dans l’organisation du Sommet Afrique-France dont le bilan même embelli n’est pas moins critiquable en terme de retombées sur le quotidien des maliens.
En définitive, après plus de trois ans de gestion du pouvoir par la majorité, ils sont nombreux les maliens qui jugent le bilan très en deçà de ce qu’ils eussent espérer d’un IBK. Les blasés de la République sous IBK semblent fourbir leur arme que représente « la carte NINA » qui fait désormais office de carte d’électeur que les maliens chérissent si fièrement comme un butin de la démocratie pour sanctionner la gestion d’un pouvoir qu’ils jugent chaotique. L’Opposition va-t-elle donner des ailes à la majorité en débâcle, pour rempiler en 2018 ?
Youssouf Sissoko
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