Les exemples de haute trahison les plus simples sont : participer à une guerre contre son propre pays, la collusion avec une puissance étrangère, le complot visant par exemple la tentative de coup d’État ou l’assassinat du Chef d’État, la sédition et l’insurrection. Mais dans l’histoire, il s’agit d’une notion élastique qui recouvre les actes les plus graves, du moins jusqu’à ce que l’on invente les notions de crimes contre l’humanité et de génocide.
Un sujet de droit interne aux limites floues
En tout état de cause, il s’agit d’une question interne du ressort de la souveraineté de chaque pays, non recevable devant la Cour pénale internationale, par exemple. Toutefois, il ne fait guère de doute que si les responsables nazis n’avaient pas été jugés en 1945 pour crimes contre l’humanité par le tribunal international de Nuremberg, ils l’auraient été par les nouvelles autorités allemandes pour haute trahison envers l’Allemagne. D’ailleurs, l’ex-président Saddam Hussein fut jugé en Irak en 2004-2006 sous l’inculpation principale de crimes contre l’humanité. Si l’incrimination de haute trahison permet aussi de résumer les actes graves à l’égard des valeurs fondamentales d’une nation, elle n’est donc pas toujours suffisante à symboliser l’atrocité des crimes reprochés à un dirigeant et l’opprobre que l’on veut signifier. Cette élévation du crime permet aussi de sembler dépolitiser le chef d’inculpation. Pour les pays européens, l’inculpation de haute trahison devrait être conforme en 2008 avec les exigences de l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, quant au droit à un procès équitable.
Son invocation semble subjective et opportuniste
L’appréciation de la haute trahison est rarement impartiale. Son invocation tient beaucoup aux circonstances (temps de paix, de guerre ou de troubles) et elle est, de surcroît, souvent relative au niveau et au statut de l’accusé. L’accusation peut d’ailleurs n’être aussi qu’un prétexte pour se débarrasser d’un adversaire politique ou légitimer une révolution ou un coup d’État réussis. Enfin, l’incrimination elle-même n’est pas toujours soumise à la définition des crimes et délits pénaux du pays concerné, ce qui laisse toute latitude pour l’apprécier.
Une technique juridique incertaine
Techniquement, l’accusation de haute trahison est souvent employée à défaut pour résumer un faisceau de faits diffus, faute de pouvoir étayer suffisamment des chefs d’inculpation plus précis justifiant de condamnations d’une gravité équivalente. Inversement, l’accumulation de ces chefs d’inculpation sera préférée à la notion vague de haute trahison surtout si celle-ci n’est pas explicitement prévue par les textes. Ce chef d’inculpation peut donc être explicite ou implicite. Lorsqu’elle est invoquée, la haute trahison s’apprécie globalement autant par son extrême gravité en soi, que par ses intentions de déstabiliser les autorités légales et l’efficacité des méthodes pour y arriver. Ajoutons l’embarras du droit et de la justice qui, à un comportement souvent de nature politique, sont conduits à apporter des solutions généralement de nature pénale inspirées du droit commun.
Une sanction à la mesure du danger qu’il faut éliminer
Par le passé, et encore aujourd’hui dans les dictatures et les pays instables, ce chef d’inculpation conduisait en général à la condamnation à mort, prononcée et mise en œuvre, parfois, dans des conditions plus ou moins régulières (cas de l’exécution sommaire du président roumain Nicolae Ceausescu en 1989). Cependant, aujourd’hui, la majorité des États démocratiques prévoit des solutions plus modérées[1] : la destitution ou la révocation, suivant qu’il s’agisse d’un Chef d’État, d’un haut fonctionnaire ou d’un militaire, sans préjudice des poursuites pénales, ou seulement une peine de réclusion dans les autres cas.
Mais, par définition, la haute trahison suppose une situation de crise qui, comme telle, amène souvent à des solutions hors normes, en fonction de la gravité ressentie et de la peur engendrée dans la population ou chez les dirigeants, ou suivant la motivation de ces derniers. En fait le niveau de la peine dépendra plus du danger que représente l’accusé pour les autorités en place (ou les nouvelles), compte tenu de sa personnalité ou du symbole qu’il représente, que de la seule gravité de l’acte. Il s’agit d’éradiquer radicalement le risque, sur l’instant et à court et moyen terme. Le caractère politique de l’inculpation semble donc évident, quelles que soient la juridiction et les précautions juridiques prévues : d’où, le caractère exemplaire de la sanction sur le moment et surtout son efficacité par rapport à l’objectif politique poursuivit (ce qui peut tout aussi bien se traduire par l’exil forcé, la réclusion que par la mort); d’où, les mesures d’élargissement généreuses avec le temps si la peine capitale n’a pas été appliquée sur le champ.
Rassemblés par Ben Dao
L’ Indicateur Renouveau 12/04/2011