Oui à la libération des voies publiques partout où les kiosques, les terrasses, les hangars dépassent et débordent, mais dans un ordre juste et non juste de l’ordre !
Les opérations de déguerpissement-démolitions des kiosques et autres constructions qui empiètent sur les voies publiques ne sont pas une première dans la capitale malienne. Il me souvient d’une telle opération déjà initiée et mise en œuvre dans les années 1980 par le célèbre gouverneur du district de l’époque, Yaya Bagayoko un homme à poigne qui avait déjà suscité une vive tension au sein même de l’exécutif et avait nécessité la montée au créneau du non moins célèbre et puissant Boubacar Diallo (paix à son âme) n°2 du bureau exécutif central de l’ex parti unique l’UDPM (Union démocratique du peuple malien). D’autres opérations du même genre ont déjà eu lieu dans un passé récent, c’est pour dire qu’il y eut des précédents en ce qui concerne ce sujet brûlant.
Cela étant, il convient d’analyser cette situation dans sa globalité :
Voilà un pays où tout le monde n’a pas la chance d’avoir un emploi public eu égard aux possibilités très limitées de l’administration malienne en termes de postes, et celles du privé également qui sont généralement réservées aux plus qualifiés et à la sphère familiale.
Les masses laborieuses sont donc reversées dans ce qu’il est coutume d’appeler l’informel, la grande débrouille pour chercher son pain quotidien : qui du vendeur de marchandises, de produits de beauté, du mécanicien réparateur, du restaurateur, du vendeur de journaux, du vendeur de carburant, du menuisier, de la vendeuse de brochettes, de fruits, de l’artisan… liste non exhaustive.
Les voies publiques sont investies de ce fait souvent dans un désordre indescriptible depuis des décennies, dans une situation d’insalubrité chronique (il faut le dire) ; toute la zone du « Rail da », de l’Assemblée nationale en passant par le Grand marché en plein centre-ville, le « Dabanani », la zone de l’ORTM, le « Dibidani », la zone de Malitel n’échappent pas à ce constat, et la circulation devient un « enfer » lorsqu’on se retrouve dans ces endroits.
Situation similaire dans toutes les zones de concentration d’activités commerciales…
A qui la faute ? A ceux investis de l’administration de la capitale en vertu des pouvoirs qui leurs étaient conférés et qui ont laissé faire, qui ont laissé le désordre s’ériger et s’enraciner petit à petit, la nature ayant horreur du vide, là où la norme n’existe pas, le désordre et l’anarchie prennent le pas.
La faute aussi à nos comportements, de ceux qui pensent que tout est permis, que l’Etat ne doit pas être respecté !
Avant une telle opération d’envergure, il eût été nécessaire d’avoir un véritable plan en amont :
– Réorganisation,
– Restructuration,
– Dégagement de nouveaux emplacements (et leurs constructions)
– Sensibilisation, dialogue approfondis et fructueux avec tous les représentants des commerçants, tenanciers de kiosques, de hangars, terrasses et autres gargotes,
– Délai suffisant de déguerpissement,
– Enveloppe financière pour dédommagements compte tenu du manque à gagner pour toutes ces personnes,
– Une communication efficiente sur la base d’une bonne pédagogie, le dialogue étant toujours possible et ayant toujours réglé les problèmes les plus difficiles dans notre société depuis des temps immémoriaux.
Oui, force doit rester à la loi
Oui Bamako, vitrine du pays, ne doit pas rester dans une situation de désordre et d’anarchie qui apparaissent comme une verrue sur le beau visage de la coquette. Mais, la situation du pays est catastrophique, l’exaspération est à son comble, le sentiment d’injustice dévore beaucoup de nos compatriotes qui sont des laissés pour compte et n’ont d’autre espoir que ces difficiles gains quotidiens issus de leurs activités dans ces kiosques et autres installations. Attention à ne pas craquer l’allumette qui risque de mettre le feu aux poudres !
Oui à la libération des voies publiques partout où les kiosques, les terrasses, les hangars dépassent et débordent, mais dans un ordre juste et non juste de l’ordre !
Il faudrait également la mise en place d’une brigade de vigilance pour un suivi régulier, car ces opérations n’auraient servi à rien si les installations revenaient du jour au lendemain. Il s’agit d’une véritable mobilisation citoyenne et il en va du maintien de l’équilibre d’une certaine cohésion sociale.
Sory Ibrahim Sakho
Titulaire d’un 3e cycle en droit de l’Université de Paris XIII