Du 5 au 6 février 2022, les chefs d’États et de gouvernements de l’Union africaine se sont réunis à Addis-Abeba pour le 35e sommet du nom. Les dirigeants du continent n’ont eu aucun problème et surtout aucune gêne à fouler le sol de la capitale éthiopienne qu’ils avaient pourtant abandonné assiégée entre novembre et décembre 2021 par des rebelles tigréens menaçant de donner l’assaut à chaque instant.
En effet, il y a un peu plus de deux mois, les rebelles du Front populaire de libération du Tigré (TPLF) menaçaient Addis-Abeba après avoir pris le contrôle de Dessie et de Kombolcha, situées sur une autoroute reliant la capitale au nord du pays et à Djibouti. Ils affirmaient avoir atteint Shewa Robit, à 220 kilomètres au nord-est d’Addis-Abeba. Une situation qui avait amené de nombreux pays à évacuer leurs ressortissants.
La prise de la capitale éthiopienne était, selon les rebelles, «une question de mois, si ce n’est de semaines». Ils n’avaient sans doute pas misé sur le courage du Premier ministre Abiy Ahmed qui a pris la situation en main en se positionnant sur le front. En quelques jours, l’étau s’est desserré autour d’Addis. Enchaînant victoire sur victoire et galvanisée par la présence du PM au commandement opérationnel, l’armée régulière a vite repris du poil de la bête en poussant les rebelles dans leurs derniers retranchements.
Avec cette victoire militaire sur le terrain, la tenue du 35e sommet de l’UA dans cette capitale est aussi un succès diplomatique pour Abiy Ahmed qui a tout mis en œuvre pour réunir les chefs d’Etat du continent chez lui. En plus d’avoir accueilli ce sommet en «présentiel» (et non un sommet virtuel comme souhaité par certains), il a même réussi à peser sur l’ordre du jour. Ainsi, à part António Guterres (le Secrétaire général de l’ONU), aucun intervenant n’a implicitement fait référence à la «guerre civile éthiopienne» dont le Tigré subit aujourd’hui les conséquences économiques, politiques et surtout humanitaires.
Ce n’est qu’un secret de polichinelle que cette offensive tigréenne avait été planifiée ailleurs pour freiner l’Ethiopie dans son élan de puissance émergente. En effet ce pays, en quelques années, est devenu une référence dans le monde à cause de sa croissance économique presque insolente. Et cela parce que, à la différence de la majeure partie des pays africains, l’Ethiopie a fait du transfert des technologies la base de sa coopération, de son partenariat avec des pays comme la Chine. L’habillement, le thé, les fleurs… Le pays a su rapidement valoriser son potentiel humain et ses richesses pour soutenir les progrès réalisés grâce à l’autre fleuron de son économie : Ethiopians !
Une compagnie aérienne dont la gestion et les performances financières sont enviées dans le monde. Que n’a-t-on pas fait dans le monde, dans les pays développés notamment, pour casser les ailes de cette compagnie ? Toutes les stratégies de bloquer l’émergence de l’Ethiopie ayant échoué, il fallait trouver un autre moyen de l’isoler en réveillant par exemple les vieux démons de la guerre civile en armant lourdement les rebelles tigréens. L’échec de cette tentative de déstabilisation a été encore plus cuisant.
Dans son discours d’ouverture du 35e sommet de l’UA, le Premier ministre éthiopien n’a d’ailleurs pas manqué de pointer du doigt ce qu’il a dénoncé comme «les efforts de la communauté internationale destinés à créer une atmosphère de peur et d’empêcher les voyageurs de se rendre en Ethiopie». Il faisait allusion logiquement aux nombreux ordres de rapatriement des ambassades donnés en novembre, au moment de l’avancée des rebelles tigréens. «Ces efforts ont échoué», s’est-il réjoui. Et, comme l’a affirmé un observateur de l’UA, «la venue des chefs d’Etat africains, est l’occasion parfaite pour lui de réaffirmer la stabilité de l’Éthiopie».
A l’aise dans la condamnation des putschs, les dirigeants du continent n’avaient pourtant pas levé le petit doigt pour secourir ce pays qui abrite le siège de l’organisation panafricaine. Ils ont tourné le dos au pays hôte de l’unité africaine livré à son sort. L’Ethiopie ne doit son salut qu’au courage et à la bravoure de son Premier ministre monté sur la ligne de front pour conduire la contre-offensive de l’armée régulière éthiopienne.
Une belle leçon pour les autres pays africains qui continuent toujours de miser sur des principes biaisés ou de faux alliés pour leur sécurité et sur l’aide au développement pour poser les jalons de leur émergence socio-économique. Toute honte bue, les chefs d’États et de gouvernements de l’UA ont donc séjourné Addis qui leur a réservé son traditionnel accueil chaleureux !
Moussa Bolly