Si j’avais été mandaté par les Maliens pour faire une résolution au compte de
2025 voire de l’avenir, je me serais engagé à ne rien ménager pour que ce
Mali Kura si évoqué dans les discours officiels ces dernières années ne soit
pas une chimère, un mirage, une désillusion. Je me serais engagé à sacrifier
mes propres intérêts au profit de l’émergence socio-économique du Mali, quel
que soit le prix à payer.
S’oublier au profit du pays ! C’est ce qui fait malheureusement défaut dans
notre pays. Ainsi, nous voulons tous que le pays change, que les autres
épousent une mentalité positive. Mais, malheureusement, aucun d’entre-nous
ne veut renoncer à sa zone de confort, personne n’est réellement prêt aux
sacrifices personnels souvent indispensables pour faire avancer les causes
communes. Le changement est un choix. Alors faisons un choix judicieux pour
pouvoir récolter les dividendes de ces longs mois de résilience acceptée pour
que la transition aboutisse à un meilleur ancrage de la gouvernance vertueuse
dont ce pays à aujourd’hui besoin pour s’éloigner définitivement du spectre
d’un retour à la case-départ, d’une nouvelle ère de déstabilisation.
Pour que le Mali Kura ne soit pas une chimère, le meilleur choix à faire est
celui des hommes et des femmes qui auront la lourde responsabilité de gérer
les affaires publiques dans les années à venir. Qui choisir pour éviter un retour
à la case-départ ? C’est la question que nous devons toujours avoir à l’esprit à
l’approche des prochains scrutins électoraux, notamment de la présidentielle
qui ne saurait plus tarder si l’on se réfère aux déclarations des autorités de la
transition. Qui peut incarner notre rêve de changement ? Qui a la capacité de
rassembler les Maliens sur des valeurs et non sur des intérêts personnels ou
claniques sordides ? Il ne s’agit plus de faire un choix partisan, mais pertinent.
Autrement, nos prochains dirigeants doivent être élus en mettant de côté
toutes les considérations partisanes. Il est temps que nous comprenions que
le pays compte plus que les hommes et les femmes qui se battent pour le
servir.
Depuis l’avènement de la démocratie, nous avons toujours été détournés de
nos vraies préoccupations et des vrais défis à relever pour l’émergence du
pays par ceux à qui nous avons accordé une sorte de blanc-seing. Faisons de
la démocratie le tremplin du développement durable, de la justice, de la
cohésion…Ce qui suppose que nous ayons la capacité de tirer les
enseignements du passé afin de pouvoir nous élever à un niveau supérieur de
la citoyenneté. Il nous faut cette capacité de nous transcender pour l’avenir du
pays.
Et cela d’autant plus qu’il ne s’agit plus d’accorder le blanc-seing à nos élus ou
à élire des hommes et des femmes en leur laissant la liberté de nous conduire
vers le chaos. L’autre défi, c’est de nous constituer en force de veille. Une
sentinelle de la bonne gouvernance, incorruptible et implacable sur les valeurs
sociales et républicaines. Nous devons constituer cette épée de Damoclès
prête à frapper que nos décideurs doivent sentir sur leurs têtes dans leurs faits
et gestes, dans les actions menées et des actes posés.
Si chacun de nous doit s’engager à être un élément de cette sentinelle, les
jeunes sont plus interpellés que les autres couches. Une mission sacerdotale
qui nécessite la rédemption totale de cette couche qui doit être le fer de lance
du Mali Kura. Rédemption ! Le mot n’est pas trop fort d’autant plus que notre
jeunesse a de plus en plus du mal à se hisser à hauteur de souhait en termes
d’engagement citoyen voire patriotique. Dans l’arène politique, par exemple, le
suivisme a tué le vrai militantisme et la cupidité est train d’avoir raison du vrai
leadership. Pressé de réussir, nos jeunes se laissent manipuler par les
politiciens (qui ne font aucun effort pour leur formation idéologique et leur
réarmement moral pour les préparer à assumer des responsabilités dans la
gouvernance) pour des basses manœuvres au point de compromettre toute
leur carrière politique. Sans compter que nos jeunes sont toujours dans la
facilité, incapables d’affirmer une personnalité bâtie sur des valeurs et de
vraies convictions.
C’est ainsi qu’une étude a par exemple révélé que, en 2016, 65 % des jeunes
Maliens expriment «une attitude passive» face à la corruption et 21 % sont
admiratifs. On comprend alors pourquoi la majorité de nos jeunes diplômés
n’aspirent qu’à la Fonction publique. En effet, leur conviction est que les
agents publics ont pour vocation de s’enrichir en exerçant leur fonction.
Principales victimes de la corruption et de la délinquance financière, les jeunes
devaient être sur la première ligne du front contre ces mauvaises pratiques.
Mais, comment peuvent-ils efficacement les combattre alors que, au lieu d’être
indignés, ils sont fascinés par la «réussite» des fossoyeurs du Trésor public
qui sont leurs références ? Combien de jeunes responsables hésiteraient
aujourd’hui à puiser dans la caisse quand l’occasion se présentera ? Tout le
problème est là : résister à la tentation en disant qu’on a une grande
responsabilité vis-à-vis du pays, du peuple !
Le hic, c’est qu’ils sont nombreux à confondre ambition et cupidité,
mégalomanie. Tant que la jeunesse malienne n’est pas prête à ce sacrifice, la
corruption et la délinquance financière ne cesseront pas de prospérer. Les
jeunes seront alors disqualifiés pour constituer cette sentinelle de la bonne
gouvernance. Il est vrai qu’ambition rime avec désir ardent d’obtenir les biens
qui peuvent flatter l’amour-propre (pouvoir, honneurs, réussite). Elle se doit
aussi d’être noble en ne portant pas préjudice au bien public et à l’intérêt
général. Malheureusement, le réveil risque de prendre plus de temps parce
que, le plus souvent, nos jeunes sont pris pour de bon dans le piège des
loisirs, de la perversité, de la débauche…
La rédemption, parce que la grande majorité de nos jeunes sont des partisans
du moindre effort qui aspirent pourtant à la belle vie dès qu’on leur confie un
poste, une fonction. Leur préoccupation devient aussitôt s’enrichir
rapidement ! L’ambition la plus noble est celle de vouloir réussir à la sueur de
son front en contribuant à son propre épanouissement au développement de
la patrie. Avec le cœur, la volonté et la détermination, on peut toujours réaliser
quelque chose pour soi, sa famille, sa communauté, la société voire la patrie.
Ayons donc la force du caractère et nourrissons des convictions fermes qui
impulsent la satisfaction morale d’être utile à son pays. Si chaque Malien et
chaque Malienne pouvaient enfin s’inspirer de l’acte patriotique de Junior
Diakhaté, un jeune enseignant qui a construit en 25 jours une classe pour son
village où les écoliers prenaient leurs cours sous un hangar qui ne tenait plus
bien. Il se charge aussi de leur offrir des fournitures à ceux dont les parents
n’ont pas les moyens de le faire ! Voilà le vrai patriotisme !
Aujourd’hui, il est plus que jamais évident qu’il nous faut de véritables ruptures
si nous voulons réellement et positivement entrer dans le cercle des pays
émergents. En la matière, le premier pas consiste d’abord au changement de
mentalité, à la reconstruction citoyenne et civique du Malien !
Moussa Bolly
Diasporaction.fr