«La résilience est la capacité d’un individu ou d’un groupe à surmonter de
grandes difficultés et à s’épanouir en présence de grands risques. Il peut s’agir
d’un traumatisme, de l’extrême pauvreté, d’une maladie grave, d’un deuil ou
d’autres problèmes», précise un dictionnaire. Elle se définit aussi par l’aptitude
d’un individu à se construire et à vivre de manière satisfaisante en dépit de
circonstances traumatiques…
En la matière, les Maliens en ont fait une impressionnante démonstration
depuis le début de cette transition en août 2020. Et encore davantage depuis
le début du processus de rectification lancé en mai 2021. Ils ont presque tout
accepté sans broncher parce que convaincus de la nécessité des réformes
engagées dans le cadre de la refondation de l’État pour une gouvernance
vertueuse. Cette résilience était devenue une forteresse de défense de la
Transition à laquelle peu d’opposants osaient ouvertement s’attaquer de
crainte d’avoir le peuple sur le dos.
Les Maliens avaient donc jusque-là tout accepté. Tout ! Jusqu’à l’imposition
par les autorités de la Transition de nouvelles charges fiscales qui semblent
enfin les réveiller. Ils ne cessent d’exprimer leur mécontentement, estimant
que la mesure affectera directement leur pouvoir d’achat, notamment en ce
qui concerne les recharges téléphoniques et les transactions via le mobile
money. C’est en tout cas la mesure la plus impopulaire que le gouvernement
ait prise depuis le début de la Transition.
Cela va naturellement impacter négativement cette volonté de résilience. Tout
comme la crise sociale qui commence à s’intensifier au Mali avec une série de
grèves touchant plusieurs secteurs clés du pays. Après les enseignants, qui
ont entamé un mouvement de protestation dans plusieurs localités, les
pharmaciens ont également décidé de suspendre l’exécution des ordonnances
liées à l’Assurance Maladie Obligatoire (AMO). Selon eux, les retards de
remboursement de l’AMO et la complexité administrative de son application
les poussent à prendre une décision pouvant être jugée comme radicale.
«Nous ne pouvons plus continuer à fonctionner dans ces conditions. L’État
doit nous garantir des paiements réguliers», a déclaré l’un d’entre eux qui a
requis l’anonymat. Une situation embarrassante pour le gouvernement. Tout
comme la cherté de la vie qui alimente un climat social de plus en plus tendu.
«Avec une inflation persistante, l’augmentation des prix des produits de base
et les nouvelles charges fiscales, le mécontentement gagne du terrain…»,
analyse un économiste qui craint le durcissement de certaines positions dans
les jours à venir. En effet, selon certaines sources, plusieurs syndicats et
organisations de la société civile se disent prêts à lancer le mot d’ordre pour
une mobilisation générale dans les jours à venir.
On apprend aussi, que face à de multiples problèmes, dont le placement sous
mandat de dépôt de deux syndicalistes d’Ecobank, le Syndicat des banques,
assurances, établissements financiers et entreprises pétrolières (SYNABEF) a
tenu une assemblée générale extraordinaire jeudi dernier (13 mars 2025) à la
Bourse du travail sous la présidence de Hamadoun Bah, secrétaire général
dudit syndicat. Et que, tous engagés pour une lutte commune, les participants
ont opté pour le dépôt d’un préavis de grève afin que leurs revendications
soient prises en compte. Ce qui fait craindre le pire dans les jours à venir, car
une grève du Synabef paralyse toujours des secteurs névralgiques de
l’économie nationale, affecte l’ensemble des activités économiques et
socioprofessionnelles du pays. Une bombe qu’il convient donc de désamorcer
en extrême urgence.
En tout cas, ils sont aujourd’hui nombreux à trouver que le «climat social est
sous haute tension» dans notre pays. Cela d’autant plus que les brèches se
multiplient dans le mur de la résilience. Et il faudra les colmater avec tact. Les
autorités se doivent de réagir rapidement pour éviter une crise sociale encore
plus profonde. Si aucune solution n’est trouvée aux différentes doléances
exprimées ici et là dans les prochaines semaines, le risque d’une persistance
des tensions pourrait avoir des conséquences graves sur l’économie et la
stabilité du pays.
Certes, pour le moment, les autorités sont bien adossées pour craindre un
mouvement général. Le «Pacte social» signé le 25 août 2023 avec l’UNTM, la
CSTM et le patronat leur serve de bouclier contre des mouvements sociaux
d’une certaine envergure. En effet, ce pacte vise à «faciliter l’instauration et la
consolidation d’un climat social apaisé propice à l’émergence économique».
Ce pacte a été élaboré par un comité d’experts avec l’implication des
partenaires sociaux et sur la base des recommandations de la Conférence
sociale tenue du 17 au 22 octobre 2022. Les centrales des syndicats et le
Conseil national du patronat du Mali (CNPM) ont justifié leur adhésion à cette
initiative par le fait que le pays a besoin d’une stabilité sociale en vue de faire
face aux grands défis de développement. Raison de plus pour privilégier le
dialogue. Toujours est-il qu’elles (centrales) auront du mal à se confiner dans
le silence et l’inaction si la contestation sociale devait atteindre un certain
niveau.
Et il faut être naïf pour croire aussi à une résilience sans fin. Les brèches ainsi
ouvertes doivent être analysées dans le sens du dépit d’une population
désabusée qui se sacrifie pour le changement, mais qui est de plus en plus
dépitée par le refus de ses dirigeants de faire de même. Certaines définitions
nous disent qu’une «personne résiliente est en mesure d’affronter les
événements difficiles qui se présentent sans s’effondrer. Elle sait les analyser,
prendre du recul et peut ainsi parvenir à y faire face. Être résilient, c’est savoir
accepter ce qu’il se passe, puis se donner les moyens de rebondir». C’est
certainement cette phase qui commence à se manifester dans notre pays. Les
langues commencent à se délier face aux difficultés au quotidien. «On accepte
volontiers un sacrifice quand on sait à quoi cela va effectivement servir et
quand cela va finir. Or, aujourd’hui, personne ne sait quand est-ce que cette
transition va finir et sur quoi cela va réellement aboutir. Et, chaque jour, on
veut nous imposer de nouveaux sacrifices au nom de la résilience», dénonce
un leader communautaire.
C’est pourquoi, pour une fois, il faut aller à l’essentiel pour proposer des
solutions concrètes au lieu d’opter pour la politique de l’autruche comme
stratégie défendue par des pseudo-activistes manipulés, mais de plus en plus
maladroits ces derniers temps dans leurs argumentaires qui offensent les
Maliens au lieu de les rallier aux autorités. Comme l’écrivait récemment un
ancien député sur sa page Facebook, «la multiplication des mouvements de
soutien à la transition donne l’illusion d’une adhésion populaire massive aux
autorités en place».
C’est vraiment juste une illusion, comme nous l’avons toujours écrit pour attirer
l’attention des dirigeants actuels du pays. Cependant, a ajouté le député, «ces
initiatives sont souvent le fait de figures déjà bien établies dans les appareils
politiques et de l’État, voire dans les organisations de la société civile,
cherchant à préserver leurs privilèges. Plutôt que de mobiliser les citoyens
autour des enjeux cruciaux, ces mouvements créent une bulle
d’autosatisfaction, éloignant les dirigeants des réalités du pays…».
Ces pseudo-soutiens sont comme des chasseurs de primes qui ne sont pas
obnubilés par ce que cela leur apporte. Il ne faut donc pas être surpris de les
voir tenir un autre discours dès que le vent va changer de direction !
Moussa Bolly
diasporaction.fr