L’ŒIL DE LA MATIN : Assumer sa souveraineté face au péril écologique  

De nos jours, la préservation de nos richesses de toute prédation et la
protection de notre environnement sont des domaines où nos décideurs
doivent réellement exprimer notre «souveraineté retrouvée» ! Ils (richesses et
environnement) doivent être défendus sans état d’âme compte tenu des
enjeux (économique, socioculturels, politiques…) et des intérêts pour le
présent et l’avenir du pays.
Nos cours d’eau se meurent depuis des décennies à cause des activités
humaines, notamment l’orpaillage utilisant abusivement des machines
(dragues…) et des produits toxiques comme le cyanure. Ainsi, depuis des
semaines, l’eau du fleuve Niger est devenue jaunâtre alors qu’elle est
d’ordinaire bleuâtre. Nous connaissons tous la source de ce changement
périlleux aussi bien pour les humains que pour la faune et la flore :
l’orpaillage dans lit du fleuve et de ses principaux affluents !
Et cela ne date pas d’aujourd’hui. «Depuis plusieurs années, des entreprises
étrangères, avec la complicité d’acteurs locaux, exploitent nos ressources
naturelles sans aucun respect pour l’environnement ni pour la vie humaine…
Femmes, enfants et jeunes hommes périssent ensevelis sous des
éboulements, transformant notre terre en un cimetière à ciel ouvert», a
récemment dénoncé un citoyen de Kangaba dans une «Lettre ouverte» pour
interpeller le gouverneur de la région de Koulikoro et les autorités de la
transition.
Mais, il y a toutes les raisons qu’il soit déçu car, nos autorités n’ont jamais eu
le courage de prendre le taureau par les cornes face à ce péril humain et
écologique. Face à ce drame, on entend toujours que «la situation alarmante
du fleuve Niger doit interpeller chaque citoyen où qu’il se trouve car ce fleuve
est le moteur de notre économie». C’est à fendre le cœur parce que le niveau
de pollution dû aux activités illégales pratiquées par certains a atteint son point
culminant et nous savons tous que la sensibilisation a aussi montré ses
limites. Ceux qui se livrent à ces activités illégales sont conscients des risques
auxquels ils exposent nos cours d’eau et les activités socioéconomiques qui y
sont liées. Mais, préoccupés par leurs propres intérêts, cela les laisse
indifférents. Et surtout qu’ils sont conscients d’être protégés par l’impunité
acquise par la corruption de ceux qui doivent normalement s’opposer à leur
prédation.
«Notre maison brûle et nous regardons ailleurs» ! C’est ce qu’avait déploré
l’ancien et défunt président de la France, Jacques Chirac, le 2 septembre
2002 devant l’assemblée plénière du 4ᵉ Sommet de la Terre  (26 août- 4
septembre 2002). C’est le sentiment que les autorités maliennes nous donnent
aujourd’hui face à l’exploitation abusive, illégale et destructrice de
l’environnement à laquelle se livrent des étranges avec la complicité et la
cupidité de certains de nos compatriotes. Au lieu d’agir, nos décideurs se
perdent dans la conjoncture. Depuis quand un État est-il impuissant à protéger
ses richesses et son environnement de la prédation alors qu’il revendique une
souveraineté retrouvée à tout bout de champ ?

A Madame le ministre de l’Environnement, de l’Assainissement et du
Développement durable, nous disons que le temps «des instructions fermes»
est révolu. La situation est tellement dramatique qu’il faut agir aujourd’hui avec
toute la rigueur requise en appliquant strictement les textes en vigueur.
L’orpaillage dans le lit des cours d’eau est interdit. Et l’Etat doit prendre toutes
ses responsabilités pour qu’il en soit ainsi, pour que force reste à la loi si notre
génération ne veut pas porter devant l’histoire «la responsabilité de la
disparition» du fleuve Niger et d’autres cours d’eau comme la Falémé, un
affluent du fleuve Sénégal dont les eaux sont aujourd’hui polluées par
l’orpaillage sauvage. Il est temps que nos décideurs sortent de la fuite en
avant, de la politique de l’autruche pour pleinement assumer leur devoir en
matière de protection de nos richesses et de notre environnement. Il leur
revient d’imposer le respect à tous et par tous les moyens, notamment par la
répression sans état d’âme.
Il est temps que l’Etat travaille sur tous les leviers permettant de préserver
l’environnement et assurer un développement durable et équilibré du pays. Et
cela d’autant plus que le rôle de l’Etat dans le domaine de l’environnement et
du développement durable est de coordonner les actions de lutte contre les
menaces naturelles et les risques industriels majeurs. Trêve de discours !
Qu’on nous démontre par les actes concrets cette volonté affichée lors du
conseil des ministres du 22 janvier que nos autorités sont aujourd’hui
déterminées à combattre l’exploitation illégale de nos richesses et la périlleuse
destruction de notre environnement. Un Etat souverain est celui qui ne
tergiverse pas avec son développement et le bien-être de sa population, la
génération future.
Il est vrai que notre responsabilité commune n’est pas moins engagée dans ce
drame auquel nous assistons. Ne confondons pas notre indifférence avec
l’impuissance d’aller au-delà de la simple dénonciation pour pousser l’État à
s’assumer. À défaut, nous devons agir pour ne pas être jugés par l’histoire, à
la même enseigne que ceux à qui nous avons laissé la gouvernance du pays
et qui n’ont pas été capables d’assumer leur responsabilité régalienne !
Moussa Bolly

diasporaction.fr