«Non! L’Assemblée nationale n’est pas une chambre d’enregistrement»

Il dresse également le bilan de la législature finissante, donne des conseils aux futurs nouveaux députés et s’inscrit en faux contre l’assertion selon laquelle l’Assemblée nationale serait une chambre d’enregistrement à la merci du Gouvernement.

 

Les Echos du Parlement: Vous venez d’autoriser le Gouvernement à légiférer par Ordonnances dans certains domaines. Pour la première fois, la Loi de finances est concernée par cetteLloi d’habilitation. Qu’en est-il réellement?

Younoussi Touré: Merci beaucoup, vous faites bien de me poser cette question. Effectivement, le Parlement a été saisi par le Gouvernement pour l’adoption d’une Loi d’habilitation. Habituellement, on le fait quand le Parlement est en fin de session. Cette année, la particularité est que, dans les domaines concernés par la Loi d’habilitation, le Gouvernement a souhaité qu’on intègre la Loi de finances. Pourquoi? Pour une raison très simple. C’est que le Parlement n’a pas la possibilité d’examiner comme il se doit cette Loi de finances, étant données les circonstances politiques dans lesquelles nous nous trouvons. Nous sommes en fin de transition et le collège électoral est convoqué pour le 3 novembre. Donc, à partir de cette date, les députés seront en campagne. Il ne sera pas possible de les réunir pendant cette période pour examiner une question aussi fondamentale que la Loi de finances, qui met à la disposition du Gouvernement les ressources nécessaires pour gérer son budget 2014.

Une autre raison, c’est que la Loi de finances 2014 ne peut pas être reconduite comme une Loi de finances simple. Habituellement, quand l’Assemblée nationale n’arrive pas à décider avant la fin de la session, c’est-à-dire avant la fin du mois de décembre, le Gouvernement est autorisé à adopter le budget par 12ème. C’est-à-dire que l’ancien budget peut être adopté, mais il est exécuté par 12ème jusqu’à ce que l’Assemblée nationale soit en mesure de voter la Loi de finances pour l’année à venir.

Le problème, c’est que le budget de 2014 est différent de celui de 2013, qui était un budget de restrictions. Les ressources prévues pour 2013 ne peuvent pas couvrir les besoins de 2014. De nouvelles institutions sont en place et le Gouvernement a été élargi. Il y a d’autres objectifs qui sont fixés et il faut donner les moyens au Gouvernement d’y faire face. D’autre part, les bailleurs de fonds ont prévu d’aider le Mali abondamment. Il est donc bon de mettre en place des mécanismes qui permettent de mobiliser ces ressources sans difficultés. On ne peut pas le faire si on vote à temps le budget de 2014. Le gouvernement, en quelque sorte, a voulu anticiper et il a sollicité que le Parlement adopte le budget par ce dispositif d’habilitation, que nous avons discuté. Nous avons donné tous les arguments nécessaires et nous avons traité constitutionnellement ce dossier. Sur le plan de l’opportunité politique, nous avons également jugé utile de le faire.

La législative actuelle tire vers sa fin. Il y a certainement eu des hauts et des bas. Peut-on connaitre vos satisfactions et vos déceptions?

Je pense qu’on peut retenir un certain nombre d’enseignements. C’est que jamais l’Assemblée nationale n’avait été sollicitée pour faire face à une crise majeure. Une double crise sécuritaire et politique, dont l’ampleur a failli emporter notre pays et l’ensemble de ses institutions. J’ai tenu à dire cela aussi bien dans mes entretiens avec nos partenaires extérieurs que dans mes entretiens avec les autorités de ce pays. L’Assemblée nationale est restée debout, parce qu’elle s’est alignée sur les principes qui sont essentiels pour la continuation d’un Etat, de son existence, la continuation des institutions. Malgré les turbulences, l’Assemblée nationale a tenu à ce que le retour à une vie constitutionnelle normale soit respecté. Nous l’avons obtenu, même si ce langage a été difficile à admettre par les uns et les autres. Mais, finalement, je crois que tout le monde a compris que le Mali, s’il ne revenait pas à une vie constitutionnelle normale, allait à une dérive que personne ne pouvait limiter.

Donc, l’Assemblée nationale a entrepris, non seulement sur le plan local, de travailler à cela, mais également dans ses relations avec ses partenaires.

Que ce soit en Afrique, en Europe, en Asie ou en Amérique, la voix de l’Assemblée nationale a porté, pour que le Mali soit aidé et que ses institutions soient remises en place. C’est ce qui s‘est passé durant toute la transition. Du fait que les institutions ont été remises en place, l’Assemblée nationale a été reconduite, le Haut conseil des collectivités aussi. Le fait est que des élections ont été organisées, pour aboutir à la présidentielle et maintenant aux législatives. C’est ma plus grande satisfaction.

Vous avez parlé de satisfactions et peut être de déceptions. Je ne peux parler de déceptions. Je veux parler tout simplement d’un certain nombre de regrets, par rapport à certains projets que j’ai voulu réaliser, en particulier des réformes concernant l’Assemblée nationale elle-même. J’ai engagé durant cette période de crise beaucoup de réformes: réformes dans la gestion administrative et financière de l’Assemblée nationale, dont les textes ont été adoptés, réformes dans la restructuration de sa politique de communication…

Des pas de géant ont été effectués. On vient d’obtenir une fréquence pour la radio du Parlement, on vient également de sortir le 1er numéro de notre revue, «Jama», qui, désormais, aura pignon sur rue, j’espère. Je voulais même aller plus loin, je voulais qu’on engage des travaux pour avoir une télévision parlementaire. Pourquoi? Parce que je pense que le Parlement a un rôle essentiel à jouer pour renforcer la démocratie dans notre pays, pour renforcer la stabilité entre les institutions, pour instaurer le dialogue entre les hommes politiques et les populations. Donc, les voies de communication me paraissent les meilleures pour le faire, par la presse écrite, la radio, mais également par la télévision. Je n’ai pas réussi à faire aboutir ces réformes avant mon départ, qui aura lieu dans quelques semaines. Ça, je l’ai regretté.

Autre chose que j’ai regrettée de ne pas voir se réaliser, la réforme du statut du personnel parlementaire. Figurez-vous que, jusqu’à présent l’Assemblée n’a pas de statut pour son personnel. Donc, j’ai créé une fonction publique parlementaire, qui malheureusement n’a pas pu être adoptée par les députés, parce que beaucoup n’ont pas compris la nécessité d’une telle instance, qui permet pourtant de recruter les meilleurs cadres et agents pour l’institution et d’avoir un profil de carrière pour tous ceux qui travaillent à l’Assemblée nationale.

C’était également une politique de renforcement du personnel et des parlementaires. Car, figurez-vous, le Parlement repose sur les gens qui y travaillent. Les députés vont et viennent, et, pour la plupart ils retournent d’où ils venaient. Nous, nous avons été élus au cours d’une législature où 80% des députés n’avaient été renouvelés. Il n’y avait que 20% des élus de l’ancienne Assemblée parmi nous. Pour le Parlement qui va venir, je ne connais pas encore le taux de renouvellement des mandats, mais je sais qu’il sera certainement dans les mêmes proportions, soit 20%, ou peut-être moins. Donc, c’est le personnel qui travaille dans l’institution qui constitue la mémoire de l’Assemblée nationale, son support. J’aurais voulu donné toute la dimension nécessaire à cette fonction  parlementaire. Cette réforme n’a pas été  adoptée par la commission chargée de son examen. Je l’ai regretté. Je souhaite que mon successeur poursuive cela, parce que, dans tous les Parlements du monde, l’accent est mis sur cette question, que ce soit en Afrique, en Europe ou ailleurs.

Monsieur le Président, l’Assemblée nationale est perçue par une bonne partie de l’opinion comme une chambre d’enregistrement à la merci du Gouvernement. Partagez-vous cette opinion?

Non! Je ne partage pas cette opinion du tout. Avant de venir à l’Assemblée nationale, j’avais en quelque sorte à peu près cette impression. Mais, depuis que je suis devenu parlementaire, j’ai senti que c’était une assertion gratuite. Les rapports qui existent entre l’Exécutif et le Législatif sont bien réglementés. Si chacun joue son rôle, si personne n’empiète sur les responsabilités de l’autre, je pense qu’on peut faire en sorte qu’il n’y ait pas de hiérarchisation ou de subordination entre l’Exécutif et le Législatif.

Les textes sont soumis selon un certain nombre de procédures. Quand le Gouvernement fait des projets de lois, il les amène à l’Assemblée nationale. Il y a des Commissions qui sont saisies et qui les examinent. Ces commissions font des observations, parfois même des amendements, sur les textes proposés par le Gouvernement, notamment les projets de loi. Tant qu’il n’y a pas eu accord sur ces textes, c’est-à-dire sur les amendements formulés par les Commissions de l’Assemblée, avec le Gouvernement, l’Assemblée nationale ne vote pas ces textes. Donc, ce que le public voit, ce sont des textes déjà amendés et adoptés. Ce qui fait qu’il a l’impression que tout qu’on nous donne nous le votons tel quel.

Les débats ont bel et bien lieu dans les Commissions. Hier, par exemple, c’est-à-dire lorsqu’on nous a présenté la Loi d’habilitation, il y a eu énormément de concertations. Au niveau bilatéral, avec le Gouvernement, pour voir si la Loi de finances pouvait être incluse dans la Loi d’habilitation. Le Premier ministre lui-même s’est investi.  On a échangé entre députés, des concertations ont eu lieu. Au terme de ces concertations, le Premier ministre les a élargi à d’autres, jusqu’au niveau de la Cour Suprême. Ensuite, la Commission des finances a examiné ce projet avec le ministre de la Justice, venu défendre le dossier au fond.

Beaucoup de concertations et d’amendements ont permis d’aboutir au fait qu’effectivement l’Assemblée nationale peut mettre la Loi de finances dans la Loi d’habilitation, parce qu’elle est considérée une loi normale dans la Constitution du Mali, et parce que le Gouvernement est autorisé à demander à l’Assemblée nationale de pouvoir gérer par Ordonnances tout ce qui relève du domaine de la loi. Nous nous sommes mis d’accord sur cela. Dès l’instant que l’obstacle juridique est levé, tout le reste est une question d’aménagement. Donc, puisque la Loi de finances est du domaine de la loi et que le Gouvernement est autorisé à demander que tout ce qui relève de la loi soit dans la Loi d’habilitation, il ne reste plus que les modalités de mise en œuvre à adopter. Nous avons aussi discuté de celles-ci, en faisant des recommandations au Gouvernement.

Justement, Monsieur le Président, vos recommandations n’ont jamais été prises en compte par le Gouvernement. C’est pourquoi certains pensent que l’Assemblée nationale a une responsabilité dans la crise politico-sécuritaire que le pays a connue. Car vous avez toujours été avec le Gouvernement et n’avez jamais exigé ou imposé quoi ce soit au pouvoir précédent…

Là encore je voudrais réagir. En réalité, la crise que nous avons vécue remonte à très loin. Elle n’a pas née avec la législature actuelle. C’est un point important que je voudrais relever.  Ensuite, lorsque l’Assemblée nationale actuelle a senti la crise venir, elle a pris ses précautions. Elle a constitué une Commission de crise, constituée de plusieurs députés, provenant de plusieurs circonscriptions, pas seulement de députés du nord. Ils étaient au nombre de 15.

Qui a été jusqu’au Nord, à Zakat, dans les grottes, rencontrer les rebelles venus de Libye, pour leur demander: quelles sont intentions, que voulez-vous ? Je ne vais pas entrer dans les détails, mais l’Assemblée nationale a senti, au cours des entretiens avec ces gens, qu’il y avait une composante mixte. Certains, pacifistes, revenaient dans leur pays parce que la Libye n’existait plus. D’autres avait des intentions belliqueuses, ne reconnaissaient pas le drapeau malien, disent non à la Constitution malienne et disaient aux députés, vous n’êtes pas nos députés. Néanmoins, les députés ont continué le dialogue, se disant que le Mali était un pays et de dialogue. Nous avons dit aux députés de continuer à rencontrer les autorités administratives de Gao, de Tombouctou et de Mopti, ainsi que les populations de l’extérieur et celles qui ont reçu ces refugiés.

Nous avons produit un rapport assez parlant sur cette question, que nous avons remis au Chef de l’Etat. Je vais vous dire la conclusion de ce rapport, qui date de novembre 2011. Le rapport concluait que si le Gouvernement ne prenait pas les dispositions nécessaires pour étouffer dans l’œuf la crise qui était en train de naitre au Nord, le Mali allait rencontrer d’énormes difficultés. C’est écrit noir sur blanc dans le rapport, vous pouvez le vérifier. C’est alors que des Maliens lourdement armés ont quitté la Libye. Ils avaient pillé l’arsenal armé libyen et venaient de traverser la frontière malienne.

Mais, avant cela, il y avait eu notre rapport, pour attirer l’attention sur la situation sécuritaire. Il y a eu des interpellations du Gouvernement là-dessus. Peut être que toutes ces interpellations n’ont pas été publiques, à cause de leur caractère un peu confidentiel, mais les ministres de la Défense et de la Sécurité ont été interpellés à l’Assemblée nationale, ici. Ceci dit, si le Gouvernement n’a pas fait face à la situation, ce n’est pas parce que l’Assemblée nationale n’a pas réagi. Peut être, en était-il tout simplement incapable?.

Est-ce à dire que l’Assemblée a pleinement joué sa partition?

L’Assemblée nationale a pleinement joué sa partition, en effet.

La diplomatie parlementaire a-t-elle bien fonctionné elle aussi?

Notre diplomatie parlementaire a atteint cette année un niveau jamais égalé. Lorsque la crise a éclaté, le monde entier s’est déplacé pour venir au chevet de notre pays, et l’Assemblée nationale a été sollicitée. Nous avons pris deux directions, voire trois même. La première, c’est que nous avons vu toutes les représentations diplomatiques au Mali, les ambassadeurs de l’Union européenne, de la France, de l’Allemagne, soit individuellement, soit regroupés dans les organisations internationales communautaires, pour leur dire la position du Mali, qui est celle-ci: l’Assemblée nationale condamne l’envahissement du Mali par des djihadistes et des narcotrafiquants et condamne l’indépendance déclarée de l’Azawad, elle n’acceptera jamais la partition du Mali et elle condamne le coup d’Etat.

Il faut le dire, parce que le coup d’Etat a facilité la progression rapide et l’envahissement de notre pays par des terroristes et leurs complices. L’Assemblée nationale a demandé à la communauté internationale de soutenir l’Etat malien pour qu’il soit en mesure de faire à cette situation. Deuxième axe, nous avons reçu ici même, dans mon bureau, beaucoup de diplomates, les chefs de ces diplomates et des délégations étrangères, des Américains, des Allemands, des Britanniques, des Français. Pour les délégations des parlementaires qui venaient, l’idée, pour la plupart, était d’organiser les élections, de ne pas attendre que le Mali soit libéré, puisque nous avons 80 à 85% de la population malienne au sud. On n’avait qu’à organiser les élections au Sud, le Nord on s’en occuperait après.

Nous avons dit niet. Nous, parlementaires, représentant le peuple, nous n’accepterons jamais d’organiser des élections sur une partie du Mali et de laisser tomber l’autre. Cela équivalait à nous demander de poser un acte qui consacrait définitivement  la partition du Mali, et ça nous ne l’accepterons jamais. Nous avons dit cela aux diplomates américains, britanniques et français. Objectivement, c’était les Américains et les Anglais qui nous ont demandé ça, pas les Français. Nous avons été catégoriques, alors que, d’autres côtés, ce son de cloche a failli faire mouche.

Ils sont allés jusqu’à dire: écoutez, combien y a-t-il de partis politiques représentés à l’Assemblée nationale? Ces partis politiques représentent combien de députés? Nous leur avons répondu que ces partis politiques représentaient 80 à 90% des députés au Parlement. Ils nous ont dit: écoutez, si on fait les élections tout de suite, c’est vous qui revenez. Nous leur avons répondu que nous n’avions pas besoin de revenir, mais plutôt besoin de dignité de notre pays. Nous avions besoin de la stabilité et de la sécurité de notre nation.

Troisième volet, les missions conduites à l’extérieur du pays, notamment celle dirigée par Assarid Ag Imbarcawane. Nous l’avons envoyé au Parlement européen contrer justement les représentants du Mnla, qui ont pignon sur rue dans cette instance. Cela parce que le Gouvernement de transition ne donnait pas de la voix, tout le monde le savait. Je ne sais pas par quoi ils étaient préoccupés, mais, en tout cas, le terrain de la communication à l’extérieur était complètement envahi par le Mnla. Nous avons envoyé cette mission au Parlement européen, au Danemark, en Belgique. Nous avons aussi envoyé une mission aux USA.

Personnellement, j’ai conduit une mission en France et j’ai été reçu par le Président de l’Assemblée nationale française et par le Président du Senat. C’est à la tête d’une importante délégation parlementaire que nous avons exposé la position de l’Assemblée nationale du Mali, qui n’était autre que la position du peuple tout entier. Et, également, j’ai été aux USA, à la tête d’une délégation parlementaire. J’ai été reçu par le Secrétaire d’Etat adjoint Yamamoto pour expliquer la position du Mali au Département d’Etat. J’ai été également au Congrès, et cela a été un succès total. La Voix de l’Amérique s’en est emparée. J’ai été dans leurs studios, j’ai parlé au nom de l’Assemblée nationale et je crois que cela a été diffusé partout.

Donc, en clair, vous pensez l’Assemblée nationale sortante présente  un bilan positif?

Je pense que si l’Assemblée nationale, telle qu’elle est aujourd’hui, avait cédé en disant que ce n’était pas la peine de rester dans une vie constitutionnelle normale, si elle s’était mise du côté des putschistes, pour parler clairement, si elle n’avait pas été exigeante, si elle avait cédé aux menaces, je pense que le Mali ne serait pas ce qu’il est aujourd’hui. Ça je vous le dit franchement et avec fierté.

Ici, on a été séquestrés au moins pendant un mois et demi. Tout le monde le savait, des gens armés étaient là, devant notre porte, nous empêchant de rentrer. Nous avons tenu. Nous avons transporté notre plénière à l’extérieur. Des députés ont été agressés, enfermés, mais, malgré tout, nous n’avons pas cédé..

Si nous avions adopté l’analyse de nos partenaires, qui voulaient que le Mali organise les élections au Sud, à l’époque, si nous avions marché dans cette logique, le Mali ne serait pas ce qu’il est aujourd’hui. Ça, je vous le confirme, et je pense que tout député honnête peut le confirmer.

Monsieur le Président, la campagne pour l’élection des nouveaux députés démarre le 3 novembre prochain. Vous n’êtes pas sur la ligne de départ. Que s’est-il passé? Avez-vous été bousculé par Soumaïla Cissé?

Bousculé par Soumaïla? Il n’y a pas de bousculade à l’Union pour la République et la Démocratie. Il y a un fonctionnement normal dans notre formation politique. C’est très simple, j’ai décidé moi-même de me retirer de la politique, donc de ne plus me représenter comme député de Niafunké. J’ai estimé qu’il fallait laisser la place aux jeunes, et, en même temps, faire en sorte que celui qui a représenté notre formation politique au plus haut niveau, c’est-à-dire comme candidat à l’élection présidentielle, avec un score honorable, soit présent à l’Assemblée nationale pour continuer à porter le message de l’URD.  Voilà la raison pour laquelle j’ai décidé de ne pas me présenter, en raison de mon âge et de cette nécessité politique. Je n’ai été bousculé par personne, les choses se sont passées normalement, dans la sérénité.

En homme d’Etat expérimenté, quel conseil donneriez-vous aux candidats et aux futurs députés?

Deux choses surtout. Je dirais tout d’abord aux futurs députés qu’ils doivent défendre la République, au lieu de défendre leurs intérêts personnels et qu’ils doivent débattre de toutes les questions relatives à la vie de la nation à l’Assemblée nationale, lorsque ces questions leur sont posées par le Gouvernement, à travers les procédures législatives, c’est-à-dire sous la forme de projets de lois. Même des questions pour lesquelles ils n’ont pas été saisis doivent être discutées à l’Assemblée nationale.

Je dirais aussi aux députés de renforcer le contrôle de l’action gouvernementale. C’est-à-dire que les lois qui sont votées ici doivent être appliquées effectivement. Les députés doivent aller sur le terrain pour constater si ces lois ont été appliquées. Si tel n’est pas le cas, ils doivent revenir à l’Assemblée nationale pour exiger du Gouvernement de rendre compte.

Je dirais également aux députés de renforcer la diplomatie parlementaire. Il ne sert à rien de s’occuper des problèmes maliens ou de sa circonscription si l’on n’a pas une appréciation réaliste de la dimension politique internationale. La géopolitique est telle qu’aujourd’hui on ne peut rien chez soi si l’on n’a pas une compréhension des intérêts qui nous cernent. Nous avons vécu cela récemment et il est important d’avoir une politique parlementaire très dynamique. C’est d’ailleurs pourquoi je voudrais qu’on renforce les capacités du personnel et des députés. Les meilleurs cadres de notre pays, les juristes, les communicateurs, les journalistes, les informaticiens doivent être là.

L’Assemblée Nationale doit élargir ses médias. Il faut qu’on ait une presse régulière, une presse écrite, une presse parlée, et il faut prépare également la télévision parlementaire. Cela se fera progressivement, mais il faut mettre tout cela en place. Je dirais également que le nouveau Président devra tout faire pour que l’Assemblée nationale ait un nouvel immeuble, moderne, fonctionnel et bien sécurisé. Avec ce que nous avons vécu l’année dernière, je peux dire que c’est Dieu qui nous a sauvés, sinon, nous attaquer ici était très facile, même si nous n’avons pas cédé. J’ai initié le processus mais, malheureusement, mes démarches n’ont pas pu aller très loin.

Je dirais enfin que le député doit être à l’écoute du peuple. Il doit communiquer avec lui, car c’est primordial. Vous aussi, communicateurs, avez un grand rôle à jouer dans le renforcement de la démocratie au Mali

Interview réalisée par Chahana Takiou et Youssouf Diallo

Les Echos Du Parlement 2013-10-31 23:20:16