Des joueurs du club Al-Zawrah de Bagdad lors d’un entraînement le 8 octobre 2017 dans la capitale irakienne / © AFP / SABAH ARAR
Il y a une dizaine d’années, Nadim Sabbagh accueillait dans son équipe syrienne de Techrine, à Alep, des joueurs irakiens qui fuyaient les violences dans leur pays.
Aujourd’hui, il a signé pour une deuxième saison comme défenseur d’un des clubs les plus célèbres de Bagdad, al-Zawrah.
Dès 2011, alors que débutaient les violences dans son pays, ce joueur de l’équipe nationale syrienne de 32 ans a saisi l’opportunité que lui offrait alors le club d’Erbil, la plus grande équipe du Kurdistan irakien, pour s’exiler.
Mahmoud Khaddouj, son coéquipier au sein de l’équipe nationale, a tenu quatre ans de plus. Il dit à l’AFP se « rappeler très bien » des jours où, avec son équipe, il a continué à « s’entraîner sous une pluie de roquettes et de balles » dans le stade alépin de l’Ittihad, l’un des plus célèbres clubs de Syrie.
Mais, en 2015, alors que sa ville avait été en grande partie détruite par les combats et les bombardements du régime de Bachar al-Assad, des rebelles, des jihadistes et de l’aviation russe, il a décidé de s’en aller.
C’est le club de Kerbala, ville sainte chiite du centre de l’Irak, qui lui a offert une porte de sortie.
« Je n’étais pas le seul, plusieurs de mes coéquipiers ont aussi rejoint des clubs hors de Syrie », explique à l’AFP ce trentenaire qui a signé à la rentrée un nouveau contrat. Il est désormais milieu de terrain du club irakien de Naft al-Wassat, l’un des premiers du championnat.
Pour lui, c’est la guerre mais aussi le manque de moyens qui poussent les sportifs syriens à quitter leur pays ravagé par six années de guerre.
– Gagner sa vie –
Du temps où j’étais en Syrie, « avant d’aller à l’entraînement, j’ouvrais ma page Facebook. Soit je découvrais qu’un de mes amis du club, soit quelqu’un de mon quartier, soit un proche avait été tué », se rappelle Nassouh Nakdali, 24 ans, qui évolue aujourd’hui au Naft al-Wassat de Najaf.
« J’ai été vraiment très touché, je ne pouvais plus continuer » à vivre et à jouer en Syrie, poursuit le jeune Alépin qui a d’abord joué dans plusieurs clubs du Golfe avant d’atterrir en Irak.
Avant que le régime ne réprime en 2011 les manifestations pacifiques et qu’armée, rebelles et jihadistes ne s’enfoncent dans un conflit armé qui a réduit à néant des quartiers entiers, « les joueurs syriens n’envisageaient pas de jouer à l’étranger », assure Nadim Sabbagh.
« Mais avec la guerre, ils ont choisi l’exil parce que nous, les joueurs de foot, n’avons pas d’autre boulot pour gagner notre vie », affirme-t-il à l’AFP au cours d’un entraînement, son maillot orange flanqué du numéro 32.
Il n’y a pas que les joueurs qui choisissent de partir à l’étranger. Dans le stade de l’Air Force Club, Al-Qowa Al-Jawiya de Bagdad, les ordres de l’entraîneur-adjoint résonnent entre les gradins. L’accent est syrien, tout comme Mohammed Aqil, 35 ans, qui entraînait autrefois l’Ittihad d’Alep.
Dans son pays, à Hama, Deir Ezzor ou Alep, « les installations sportives ont été détruites et de nombreux joueurs sont partis », dit-il.
Aujourd’hui, assure-t-il, le football syrien tente de revivre après des années durant lesquelles les stades sont devenus inutilisables et les équipes dispersées. Leurs joueurs sont en exil ou emportés dans le tourbillon des batailles rangées et des affiliations politiques antagonistes.
– Tremplin –
Pas de quoi convaincre Hussein Joueid, ancien joueur de l’équipe alépine d’al-Houriya, de revenir. A 27 ans, il assure avoir retrouvé dans la capitale irakienne, où des attaques surviennent pourtant parfois, « la stabilité » dont il jouissait en Syrie avant la guerre.
Arrivé en 2012, il espère maintenant « terminer sa carrière en Irak et avec al-Zawrah ».
D’autres, assure Mohammed Aqil, espèrent faire de l’Irak un tremplin vers « d’autres pays arabes ou européens ».
Un pari déjà réussi par certains, qui ont quitté les clubs de Bagdad ou de Bassora (sud) pour rejoindre des équipes saoudiennes ou koweïtiennes.
Le Naft al-Wassat de Najaf a, lui, perdu cette année une précieuse recrue. Le Syrien Alaa al-Chibli, après un passage par le Kurdistan puis Bagdad, s’est envolé vers la gloire. Il a intégré le très célèbre club égyptien de Zamalek au Caire, l’un des plus titrés d’Afrique.
Mais partir ne veut pas dire oublier. Nadim Sabbagh a expressément demandé à être libéré par son club d’al-Zawrah pour participer aux matches de qualifications du Mondial-2018 avec la sélection syrienne –passée proche d’un exploit en barrage contre l’Australie–.
Il n’est pas le seul: Hussein Joueid a aussi répondu présent.
Mahmoud Khaddouj, lui, n’a pas pu participer aux qualificatifs, mais sera du prochain match de l’équipe nationale… qui doit se jouer contre l’Irak. « Mon coeur a toujours été et restera toujours avec l’équipe de Syrie », dit-il.
(©AFP / 26 octobre 2017 10h07)