Le choix du parrain de la CMAS, de l’autorité morale du M5 RFP et de l’ancien Président du Haut Conseil islamique, pour être l’homme de l’année, se justifie humblement par le rôle combien de fois important qu’il a joué dans la chute du régime d’IBK. L’Imam Mahmoud Dicko, au-delà de tous les reproches qu’on pourrait lui faire est celui qui a fait parler de lui pendant une bonne partie de l’année 2020. L’on se souvient de son meeting géant, un 5 avril 2020 pour exiger le départ du premier ministre d’alors Soumeylou Boubèye Maiga.
Qui ne se rappelle de ses prises de parole dans les rassemblements organisés par le M5 RFP au boulevard de l’indépendance pour d’abord demander au Président IBK d’écouter son peuple et de se débarrasser de son premier ministre Boubou Cissé, avant d’exiger le départ pur et simple du régime. Qui pourrait douter de l’implication de l’imam dans les choix des dirigeants de la transition ? Même si beaucoup de ses compagnons de lutte lui reprochent d’avoir trahi la révolution, l’Imam de Badalabougou demeure celui qui a marqué les esprits des maliens et même de la communauté internationale par la pertinence des messages véhiculés et la noblesse des combats qu’il a menés jusqu’à la chute du régime IBK. Donc sans passion notre choix s’est porté sur lui pour adosser le Numéro 10 et leader incontesté de l’année 2020.
Comment celui qui aurait dû être tous les vendredis, devant ses fidèles à la mosquée en train de faire son koutouba s’est-il retrouvé au-devant de la scène politique et joué le premier rôle ?
La réponse à cette question suscitera une polémique sans fins au sein de la classe politique et pourtant elle saute à l’œil nu, c’est simplement à cause de la faillite de la classe politique qui a non simplement perdu toute crédibilité aux yeux de l’opinion nationale, mais aussi et surtout dans sa fuite en avant, avait déroulé le tapis rouge devant les religieux. Aujourd’hui ces religieux, toutes tendances confondues, sont incontournables. Donc que l’Imam Dicko joue le premier rôle dans l’arène politique ne doit guère surprendre, surtout qu’il appartient à une tendance religieuse, le Wahhabisme, qui ne cracherait jamais sur le pouvoir pour faire prospérer l’idéologie pour laquelle se bat. Il est incontestablement l’homme de l’année 2020 pour avoir fait tombé le régime que les maliens dans leur écrasante majorité ont qualifié de corrompu et d’incapable à sortir le pays du chaos, à savoir le régime IBK.
Pour rappel, l’homme pour qui notre choix s’est porté n’a pas commencé son combat politique sous IBK, mais il fait partie du Mouvement démocratique. Mais c’est sous ATT, que l’Imam Dicko étant le Président du Haut Conseil Islamique du Mali, a fait beaucoup parler de lui.
Il s’est opposé au code de personne et de la famille qu’il a jugé blasphématoire et antivaleurs maliennes, ATT a été obligé de retirer ce projet. Ayant fortement contribué à l’élection d’IBK en 2013, l’Imam Mahmoud Dicko est tombé en disgrâce avec ce dernier vers la fin de son premier mandat ce qui lui a valu d’être éjecté de la présidence du Haut Conseil Islamique au profit de son rival de toujours, Chérif Ousmane Madani Haidara. Le croyant mort l’Imam Dicko a eu les ressorts nécessaires pour rebondir. Son premier baptême de feu après son départ de la présidence du Haut Conseil Islamique a été sa farouche opposition au projet d’éducation sexuelle complète, qui s’apparentait à la promotion de l’homosexualité.
Le 10 Février 2019 restera une date emblématique dans l’histoire récente de notre pays, car c’est ce jour que l’Imam Dicko a invité plus de 60 000 maliens au stade du 26 Mars pour dire non à l’éducation sexuelle complète ; le gouvernement dirigé par le premier Ministre Soumeylou Boubèye Maiga, a capitulé face à la forte pression de l’Imam et le projet est mis dans les placards. Auréolé de cette grande mobilisation, l’Imam Dicko, face à la déliquescence de l’Etat, à la corruption à ciel ouvert, à la crise sécuritaire qui va crescendo et qui s’est transformée en conflits intercommunautaires au centre, a décidé de mettre la tête du premier Ministre Soumeylou Boubèye Maiga à prix. Les Dés ont été pipés pour SBM, le 5 Avril 2019 avec un grand meeting jamais égalé pour demander son départ pur et simple du gouvernement, ce qui fut fait, Boubèye a rendu le tablier à la veille d’une motion de censure déposée par l’Opposition et la majorité à l’Assemblée Nationale. L’Imam est devenu incontournable, bien qu’il ne soit pas à la tête du Haut Conseil Islamique. Il choisirait même le successeur de Soumeylou Boubèye Maiga, en l’occurrence Boubou Cissé au poste de Premier Ministre. Il le présente au Chérif de Nioro comme étant son fils.
Fort de ses prouesses politiques l’Imam, pour se donner une nouvelle notoriété va parrainer la création de la CMAS, un Mouvement politico religieux. Tombé en disgrâce avec son fils de premier Ministre, l’Imam Dicko a eu l’intelligence de créer un grand regroupement pour assouvir ses ambitions, celle de faire chuter le régime IBK. Le Mouvement du 5 juin Rassemblement des forces patriotiques, précédemment la Troïka, a vu le jour après un grand meeting. Dicko devint la pièce maitresse de ce vaste Mouvement et fut même baptisé son autorité morale. Pendant trois mois et de façon discontinue le mouvement a tenu la dragée haute en transformant le boulevard de l’indépendance en place Tahrir du Mali, pour réclamer le départ du régime IBK. Le 18 Août 2020, une junte militaire dirigée par le Colonel Assimi Goita mit fin à sept longues et pénibles années de règne du Président IBK. Le meeting qui a suivi le coup d’Etat a vu la participation d’une délégation de la junte conduite par son vice-président, le colonel Malick Diaw, et qui est venue témoigner de toute leur reconnaissance au M5 RFP en affirmant qu’elle n’a fait que parachever l’œuvre du Mouvement du 5 juin. L’Imam Dicko a été salué en héros par une écrasante majorité du peuple malien qui en avait assez du régime IBK.
L’élogieux parcours de l’Imam semble s’arrêter à la chute d’IBK, car aujourd’hui il fait l’objet des critiques acerbes, de suspicion et on le taxe d’être complice avec la junte pour mettre à l’écart l’aile politique du M5 RFP. Des preuves tangibles non irréfutables sont venues étayer cette allégation, comme entre autres la nomination de Mohamed Salia Touré comme Ministre de l’Emploi et de la Formation Professionnelle, ou Issa Kaou Djim, le coordinateur de la CMAS comme membre du Conseil National de Transition, CNT, ou encore la Présidente des femmes de la CMAS au CNT. Il serait reproché à l’Imam Dicko d’avoir proposé l’actuel Premier Ministre Moctar Ouane, au moment où le M5 RFP se battait pour avoir ce poste et travailler pour le changement escompté.
En somme, l’Imam Mahmoud Dicko est incontestablement l’homme de l’année 2020, malgré tout ce qu’on peut lui reprocher.
Youssouf Sissoko