Khamis ou la 32è brigade
Seïf El Islam a réfuté également l’accusation selon laquelle Khadafi est en train de recourir à des mercenaires et aux bombardements aériens. C’était peu de temps avant les vifs débats à l’Onu sur le gel des avoirs de Khadafi et de ses proches ainsi que leur possible mise en accusation devant la Cpi. Si elles n’excluent pas la chute possible du Guide, les capitales occidentales ne parient pas trop sur un tel schéma. « Le chaos et la guerre civile sont la forte probabilité », estime un expert qui voit dans les départs massifs d’étrangers la confirmation de cette hypothèse. La 32è brigade de l’armée libyenne appelée Khamis « du nom d’un des fils du Guide », selon plusieurs sources crédibles, est composée d’environ dix mille hommes.
Elle serait l’unité la mieux équipée de l’armée libyenne. Les occidentaux la connaissent bien et semblent la redouter. D’après Wikileaks, le gouvernement britannique avait refusé en 2008 de vendre des armes destinées à cette unité. Le même Wikileaks rapporte que ce problème a été résolu grâce à un contrat entre l’Etat libyen et un privé roumain portant sur la fourniture de 100 000 fusils d’assaut AK-47. Seïf El Islam aurait même tenté, en 2009, de convaincre les Américains de laisser cette unité acquérir des hélicoptères de combat. Pour ce qui est des éléments de la brigade Khamis, les instituts stratégiques, analystes militaires et groupes nomades de la zone saharo-saharienne sont formels : Khamis est essentiellement formée d’étrangers.
Des « milliers de Touaregs maliens et nigériens, de Tchadiens, d’Erythréens, de Soudanais constituent l’ossature de la 32è brigade ». Ils n’obéiraient également qu’au fils du Guide et fonctionnerait plutôt comme une milice privée. « Ce sont eux qui dirigent actuellement la contre-offensive sur Misrata où ils ont déjà fait beaucoup de morts », constate un diplomate libyen qui a rejoint la « révolution ». Jeudi, des informations relayées par la presse libyenne ont fait état de renforts de centaines de mercenaires du Polisario pour aider Khadafi à reprendre l’Est de son pays aux insurgés. Des sécuritaires libyens connus ont été nommément cités dans le recrutement de ces mercenaires auxquels on ferait plus confiance qu’aux contingents d’autres nationaux sahélo-sahariens qui n’auraient pas fait forte impression chez Khadafi lors des premières batailles.
Somalisation ?
Alger prise à partie dans plusieurs médias dont Aljazeera pour le transport des troupes du Polisario vers la Libye a vivement démenti toute implication le samedi. Comme quoi l’affaire libyenne contribue à pourrir davantage le climat déjà très délétère des relations entre les pays de l’Afrique du Nord. Pourtant, selon un analyste malien, une des grosses craintes, « si Khadafi chutait » est la déstabilisation des Nord malien et nigérien notamment qui sont déjà très précaires. Une allusion au retour « tout à fait probable » de ces combattants dans leurs zones d’origine où ils pourraient, comme par le passé, retomber dans la rébellion. L’allusion, il est vrai est relativisée par un politique et un acteur très avisé de l’espace sahélo-saharien pour lequel un tel schéma est improbable, les justifications socio-économiques des rébellions des années 1990 sont faibles en 2011.
Ce qui, par contre n’est pas contesté, c’est le risque de guerre civile prolongée en Libye au treizième jour d’une insurrection qui n’a pas encore eu raison de Khadafi. Pour plusieurs observateurs, il est improbable que de Benghazi parte une expédition militaire contre le Guide. Ce qui est probable, ce sont les logiques de sécession dans ce pays où la gouvernance s’est toujours basée sur les grandes tribus. Khadafi sera certes devenu alors un chef de clan plutôt que le Guide jusque-là puissant qu’il était. Mais rappelle l’analyste malien, il ne faut pas sous-estimer la capacité de Khadafi à résister et à rebondir. Qui a survécu, en effet, à un embargo d’une extrême sévérité et à pas moins de « vingt deux tentatives de coups d’Etat ou d’assassinats ».
Adam Thiam
Le Républicain 28/02/2011