Dans le présent rapport, qui couvre la période du 1er mai au 29 décembre 2015, l’Expert indépendant sur la situation des droits de l’homme au Mali, Suliman Baldo, rend compte de sa cinquième visite au Mali, du 10 au 19 octobre 2015. Dans un diagnostic sans complaisance de la situation qui prévaut au Mali, l’expert indépendant à touché du doigt tous les tares qui empêchent la promotion et la protection des droits de l’homme. Dans ce rapport, Suliman Baldo affirme que le système de justice au Mali ne fonctionne pas comme il devrait.
Par ailleurs, il recommande aux autorités maliennes de mettre en place une politique de tolérance zéro en matière de violences sexuelles. Selon lui, tant que la lutte contre l’impunité ne sera pas résolue la paix durable aura des difficultés à s’installer au Mali.
«La situation sécuritaire dans le nord, le centre et le sud du pays s’est considérablement détériorée avec la résurgence des attaques terroristes et asymétriques dans les régions de Mopti, de Ségou et de Gao. Ces attaques visaient spécifiquement des membres des forces armées maliennes ainsi que les forces de la MINUSMA (Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation du Mali). En réponse à cette situation, de nombreuses opérations antiterroristes ont été menées dans le pays. Depuis une année, la MINUSMA est l’une des opérations de maintien de la paix les plus meurtrières, avec un total de 67 Casques bleus tués et plus de 200 blessés.
La Division des droits de l’homme a enregistré 105 cas de banditisme entre mars et septembre 2015 (62 cas à Tombouctou, 26 cas à Gao, 15 cas à Mopti et 2 cas à Kidal) qui ont un impact sur la situation sécuritaire et les droits de l’homme », c’est en substance ce qui ressort du rapport élaboré par Suliman Baldo, Expert indépendant de l’Organisation des Nations Unies sur la situation des droits de l’homme au Mali. Le rapport mentionne les cas de trafic de drogue qui a des effets préjudiciables sur la sécurité nationale, la stabilité régionale et internationale, la paix internationale et la souveraineté de l’État.
A travers ce rapport, l’Expert indépendant entend souligner l’importance de lutter contre l’impunité et la nécessité d’enquêter sur les violations flagrantes des droits de l’homme en vue d’établir les responsabilités et de poursuivre les auteurs de tels actes. A ce propos, l’Expert indépendant est préoccupé par le fait qu’aucune enquête judiciaire n’a été ouverte dans le dossier de 14 victimes qui se sont constituées partie civile contre Houka Houka pour plusieurs violations des droits de l’homme, notamment amputation, viol, traitements cruels, inhumains et/ou dégradants. Il note que l’auteur présumé de ces actes a été libéré le 15 août 2014 dans le cadre de négociations politiques sans que les victimes n’en soient informées.
« Le système de justice ne fonctionne pas comme il devrait. Les cas de violations des droits de l’homme enregistrés et rapportés aux tribunaux demeurent sans suite ou connaissent des lenteurs en ce qui concerne l’ouverture d’enquêtes judiciaires. À titre d’exemple, le dossier de 125 victimes, dont 40 personnes ayant survécu à des violences sexuelles à Tombouctou, pour lesquelles une association de victimes a déposé en novembre 2014 des plaintes auprès du parquet de Tombouctou, n’a pas encore connu de progrès. De même, aucune action publique n’a été déclenchée par les autorités judiciaires s’agissant des violations des droits de l’homme représentant des cas emblématiques qui n’ont pas fait l’objet de plaintes. Une stratégie claire de poursuites devrait être élaborée pour établir des priorités et traiter ces cas.
Pour les violations des droits de l’homme commises dans le cadre de la crise dans le nord du pays, les autorités compétentes devraient permettre l’attribution de cette compétence à une seule entité judiciaire », a souligné Suliman Baldo. L’Expert indépendant a rencontré des membres du Réseau Média et droits de l’homme, une coalition de journalistes créée il y a quelques mois, qui vise à sensibiliser le public aux droits de l’homme. L’Expert indépendant salue aussi le projet à impact rapide mis en place le 24 octobre par l’organisation non gouvernementale Association femmes battues. Le projet cible 106 femmes déplacées qui ont survécu à de graves violations des droits de l’homme commises par des groupes armés extrémistes lors de l’occupation du nord du Mali ou à des violences sexuelles dans la région de Tombouctou.
Suliman Baldo a souligné la nécessité de renforcer la présence d’acteurs humanitaires dans le nord du pays, où l’accès à l’aide humanitaire est encore très limité en raison de la détérioration de la situation sécuritaire. Selon le rapport de l’Expert indépendant, les groupes armés et extrémistes présents dans le nord du Mali continuent d’être impliqués dans des violations des droits de l’homme : atteintes au droit à la vie, enlèvements, traitements cruels, inhumains ou dégradants, détentions illégales, utilisation et enrôlement d’enfants par des groupes armés, attaques asymétriques et pillages.
Ainsi, il a invité les pays de la région d’approfondir les modalités de coopération afin de mener à bien la lutte contre le terrorisme. Il réaffirme que tant que la lutte contre l’impunité pour des crimes actuels et ceux du passé ne sera pas résolue de façon effective, la paix durable aura des difficultés à s’installer au Mali. Pour palier à ces insuffisances, Suliman Baldo a recommandé aux autorités maliennes de lutter contre l’impunité, en particulier en ce qui concerne les membres des forces de sécurité : de mettre en place une politique de tolérance zéro en matière de violences sexuelles et autres violations graves des droits de l’homme, et de condamner publiquement tous les actes de viol commis par les forces de sécurité.
D’enquêter sur les suspects, poursuit le rapport, y compris les officiers ayant la responsabilité de commandement, de poursuivre et de sanctionner sévèrement tout membre des forces de sécurité qui aurait commis ou ordonné le viol ou toléré d’autres violations des droits de l’homme, ainsi que de poursuivre et de punir les officiers portant la responsabilité de commandement pour des violations graves des droits de l’homme. L’Expert indépendant a également recommandé aux groupes armés de respecter le cessez-le-feu et l’accord pour la paix et la réconciliation. Enfin, il a recommandé à la communauté internationale d’apporter un soutien financier et de tenir les promesses faites lors de la conférence internationale organisée à Paris en octobre 2015.
Aguibou Sogodogo