Monsieur le Président,
Le Mouvement vert-jaune-rouge a décidé d’attirer votre attention sur la dégradation du réseau routier à travers le pays et à Bamako. Cela menace gravement la sécurité des usagers et l’économie chancelante du pays. Les routes maliennes sont «malades» et pratiquement impraticables. À titre d’exemple nous citons pêle-mêle :
• Sévaré-Gao
• San-Sévaré
• Ségou-Bla
• Bougouni-Sikasso
• Sikasso-Zégoua (Frontière de Côte d’Ivoire)
• Kati-Diéma
• Diéma-Kayes
Cette liste n’est pas exhaustive.
Monsieur le Président,
Sur la plupart de ces routes, les chauffeurs sont contraints de choisir leurs trous, car la chaussée a cédé le pas aux nids de poules. Le Mali, pays continental, ravitaillé à partir des ports de Dakar (Sénégal), d’Abidjan (Côte d’Ivoire), de Tema (Ghana), de Lomé (Togo), de Cotonou (Bénin) et dans une moindre mesure de Conakry (Guinée) et de Nouakchott (Mauritanie), ne doit pas admettre que son réseau routier soit dans un tel état.
Aujourd’hui, nous constatons, avec beaucoup d’amertume que les politiques publiques inconséquentes de privatisation ont pratiquement mis la Régie des chemins de fer du Mali à genoux. Instrument stratégique de développement socio-économique du pays, elle est aujourd’hui devenue l’ombre d’elle-même. Heureusement que des initiatives sont annoncées pour sa réhabilitation.
En l’absence d’outil de développement privilégié qu’est le chemin de fer, le ravitaillement régulier du pays à partir du port de Dakar relève aujourd’hui d’un miracle. Tant la route Kayes-Bamako a atteint, en certains lieux, un niveau de dégradation inimaginable. Quelle est l’utilité des postes de péage qui écument nos routes à travers le pays, si l’entretien des routes est le dernier souci de l’autorité routière ?
Monsieur le Président,
C’est regrettable que le pays s’endette pour plusieurs centaines de milliards de FCFA pour construire des routes qui se dégradent avant leur réception. N’eut été une vigilance exceptionnelle, l’Etat du Mali allait faire la réception de la nouvelle route Bamako-Ségou dans un état révoltant.
Fort heureusement, un sursaut d’orgueil à vouloir une route Bamako-Ségou, qui respecte un minima de normes, a mis le trésor public malien à l’abri de ce qui allait être considéré comme le scandale du siècle : «débourser des milliards de FCFA pour une route amortie dès la réception».
Monsieur le Président,
En même temps que l’Etat doit être très regardant sur le travail des structures de contrôle de la construction de nos routes, il doit se donner les moyens d’appliquer avec la dernière énergie les règles édictées en matière de pesage. Il est inadmissible, pratiquement révoltant, que l’Etat assiste impuissant à la destruction de biens publics, réalisés grâce à la contribution de citoyens maliens et des partenaires de notre pays, sans lever le petit doigt.
L’Etat ne doit plus admettre que des camions de 70 à 80 tonnes, empruntent nos routes conçues pour ne recevoir que des camions de 35 à 40 tonnes. L’Etat et les citoyens maliens, doivent-t-ils assister impuissants à la destruction de nos routes, parce qu’un individu, pour son gain personnel décide de ne pas respecter les règles en matière de charge à l’essieu.
Monsieur le Président,
La situation n’est pas du tout rose à Bamako, la capitale du Mali. Bamako, autrefois la coquette est en passe de devenir la capitale du «Tougou-Tougou-Barri». À Bamako, les nids de poules, les goudrons mal raccommodés et les gendarmes couchés (dos d’âne) anarchiques se disputent la vedette. Aujourd’hui, dans la capitale malienne, aucune voie principale n’est à l’abri du phénomène de dégradation. C’est seulement à Bamako qu’on a la chance de voir des entreprises se payer le luxe d’endommager une route nouvellement construite pour leurs besoins de canalisation.
Monsieur le Président,
Le bitume coûte cher, et très cher. Pour cela, il faut que ces pratiques qui portent atteinte aux biens publics que sont nos routes cessent. Il faut au moment de la construction des routes prendre des dispositions pour prévoir des endroits où toutes les canalisations devront passer. Et, toutes les entreprises qui ne respecteraient pas cela, doivent être punies de la plus belle manière.
Monsieur le Président,
Le Mali est aussi le pays où les autorités se payent le luxe dès leur nomination d’utiliser les moyens de l’Etat pour le bitumage des artères qui vont à leur domicile. Elles deviennent des VIP qui ne doivent plus connaître la souffrance que connaît le peuple. On se demande sur quelle base, elles justifient ces brusques changements d’orientation de la politique de désenclavement de l’Etat, pour satisfaire leurs besoins personnels. Avons-nous dans notre législation, des dispositions légales qui les autorisent à poser de tels actes ?
Cette pratique discriminatoire doit cesser parce qu’elle donne l’impression qu’il y a des Maliens privilégiés : ceux qui bénéficient des largesses de l’Etat et ceux qui ne sont bons qu’à payer seulement leurs impôts, sans être dans les grâces de la nation.
Monsieur le Président,
En cette veille du sommet France-Afrique que notre pays a l’honneur d’abriter, Bamako a besoin d’un programme urgent de réhabilitation de certains axes routiers. Du moment qu’il a été demandé à la population de faire des sacrifices à travers la fameuse «opération Ami Kane», il va de soi que ce même peuple assiste avec beaucoup de bonheur à l’engagement des autorités à embellir la ville par la réhabilitation des voies. En effet, avec le programme d’urgence de réhabilitation des voies, vous ferrez d’une pierre deux coups : en même temps que les invités du Mali trouveront une capitale avec des routes bien faites, en même temps les contribuables maliens auront le sentiment que leurs impôts servent à quelque chose.
Bamako, le 20 septembre 2016
Yagaré Baba DIAKITE
Président du Mouvement Vert-Jaune-Rouge
Source: LE REPORTER MAG 02102016