Les victimes du séisme ont tout perdu… sauf l’espoir

Pas moins de 2.930 douars, 60.000 constructions lourdement impactées, dont 20.000 complètement détruites et 40.000 partiellement. Ces dernières sont inhabitables. Les familles ont peur d’y entrer et de provoquer un effondrement. Certaines sont sur le flanc des montagnes et peuvent basculer dans le vide sous le poids d’une personne. Parfois, un habitant s’y aventure dangereusement pour récupérer un objet ou des papiers d’identité. La majorité des maisons partiellement touchées sont inhabitables.

Le séisme a également détruit une grande partie de l’économie.

Les dégâts sont énormes chez une population déjà précaire, vulnérable, qui vivotait par des petits emplois, parfois saisonniers.

L’agriculture a été saccagée. Les outils des paysans sont ensevelis ou endommagés. Les terrains, en montagne, sont petits. Ils assuraient à peine une autoconsommation ou des revenus qui assuraient le minimum vital.

Les habitants vivaient de céréales, l’orge et le blé en bour (irrigués par la pluie), au rendement faible, et des potagers et des vergers qui donnaient des légumes et des fruits. L’effondrement des montagnes et des habitations a englouti beaucoup de terrains agricoles et d’arbres, tels que les oliviers et les arganiers.

L’eau et l’irrigation sont affectées: les ruines et les grosses pierres ont endommagé les puits, les sagyates (canaux d’irrigation), les châteaux d’eau, les canalisations, les robinets collectifs d’eau potable installés par l’Etat dans les douars…

La zone possède un élevage de bétail intensif. Le séisme a frappé la nuit. Les animaux étaient déjà rentrés dans zriba (étables) qui, situés souvent au sous-sol des habitations, ont été écrasés avec le bétail. Il reste peu de bovins, de moutons, de chèvres et de poulets, qui donnaient du lait, du beurre, des œufs, consommés ou vendus pour s’approvisionner en aliments de base.

Parmi les pertes, il y a les ânes et les mulets, indispensables dans les reliefs pour transporter les habitants et les marchandises ainsi que pour l’agriculture: précaires, les montagnards n’ont pas de tracteurs. En plus, les terrains sont en relief, minuscules, inclinés, ne pouvant supporter de tracteur. Le paysan continue à labourer à almahrate, l’araire en bois ou en fer, tiré par un âne ou un mulet.

La région est connue pour sa production de miel, bio, parfumé aux plantes aromatiques qui tapissent nos montagnes. De nombreuses ruches ont été enterrées.

Après les récoltes, les producteurs entreposent leurs produits dans des chambres frigorifiques pour qu’ils ne pourrissent pas en attendant les ventes. Beaucoup de frigos ont été endommagés.

L’activité économique dans les souks hebdomadaires est stoppée: beaucoup d’échoppes et d’abattoirs sont détruits. Il en est de même pour la majorité des épiceries et autres lieux de commerce.

Le séisme a entrainé un chômage intensif. Pas moins de 1.000 écoles ont été détruites. Leur personnel autre que le corps enseignant est sans revenus.

Dans ces régions, il y a peu de création d’emplois. Seuls l’agriculture et l’agroalimentaire permettaient de travailler dans des fermes qui ne fonctionnent plus aujourd’hui. Beaucoup ont perdu leur emploi qui consistait à s’occuper du bétail de familles plus ou moins nanties ou des unités d’élevage intensif.

Le tourisme intégré était prospère pour une population sans diplôme, tels les guides, les muletiers… Les maisons d’hôte offraient des emplois de cuisine, ménage, jardinage et gardiennage… Beaucoup d’habitants louaient des chambres aux touristes.

Al Haouz est une région où les coopératives abondent sous l’impulsion de l’Etat et des associations pour générer des revenus et valoriser le terroir.

Au Maroc, 70% des coopératives œuvrent dans le secteur agricole. Cette dernière décennie, il y a eu 10.000 créations agricoles. Elles occupent 90.000 bénéficiaires, dont 80% de femmes!

Des coopératives produisaient de l’huile d’olive et la prestigieuse huile d’argan et leurs dérivés: produits alimentaires, cosmétiques, d’hygiène…

Dans les coopératives, les femmes produisaient divers articles à partir de la laine, du cuir, de la vannerie… Tout un savoir-faire artisanal ancestral qui a été touché.

Beaucoup de femmes confectionnaient, chez elles, divers articles qui leur rapportaient un peu d’argent pour aider leur famille ou la faire vivre. Mais tout est sous les ruines: métier à tisser, matériel pour travailler la laine, machine à coudre, équipement de broderie, rha (meule pour écraser les noyaux d’argan), qattara (alambic pour l’eau de fleur d’oranger, de rose ou autre)…

Les coopératives jouent un grand rôle dans l’autonomisation des femmes. Quand une mère a un peu de revenus, elle veille à ce que ses enfants étudient au lieu de travailler précocement. Elle protège ses filles du mariage précoce.

Aujourd’hui, ces femmes ont tout perdu. Nombreuses ont perdu les maris et/ou les enfants qui les faisaient vivre.

De nombreux hommes ont également perdu des épouses et/ou des enfants qui les aidaient financièrement ou les entretenaient.

Mais il leur reste l’espoir. Un grand espoir dans la solidarité publique et privée ne s’essouffle pas. La gestion de la catastrophe par l’Etat est exemplaire.

Les familles vont recevoir mensuellement 2.500 dirhams pendant un an, soit au total 30.000 dirhams. La solidarité publique et privée ne s’essouffle pas.

Une Agence nationale chargée de la reconstruction et de la mise à niveau du Grand Atlas a été créée. Les sinistrés sont soutenus financièrement pour se reloger.

Reste à reconstruire tout le tissu économique, dans un Haouz nouveau, à la population sécurisée, bénéficiant d’infrastructures modernes et d’équité territoriale.

Source:Soumaya Naamane Guessous