Ce détour, presque obligatoire, a pris un sens particulier. À 94 ans, Madiba lutte pour la vie dans un hôpital de Pretoria, fauché par une défaillance pulmonaire liée aux conditions de détention dans le bagne. Le président américain, accompagné de sa femme et de ses filles, s’est longuement recueilli, en un moment presque religieux. «Au nom de notre famille, c’est emplis d’une profonde humilité que nous nous tenons ici, où des hommes d’un tel courage ont fait face à l’injustice et refusé de plier», a-t-il écrit dans le livre d’or de l’ancienne prison. Outre, Nelson Mandela, la plupart des figures de l’African National Congress (ANC), alors interdit, ont goûté à Robben Island, y compris, pendant dix ans, l’actuel président, Jacob Zuma. «Je suis heureux que vous vous rendiez dans notre ancienne maison», a-t-il d’ailleurs plaisanté.
«Le monde est reconnaissant aux héros de Robben Island, qui nous rappellent qu’aucun fer ou aucune cellule ne peuvent égaler la force de l’esprit humain», a répondu Barack Obama en un nouvel hommage au père de la nation sud-africaine dont il a fait «un modèle personnel». «Nous prions pour Nelson Mandela aujourd’hui, car il a transformé ce pays, inspiré le monde, et il nous inspire encore aujourd’hui.»
Appel contre la corruption
Barack Obama devait ensuite rencontrer l’ancien archevêque anglican du Cap et prix Nobel de la paix, Desmond Tutu. La Maison-Blanche ne souhaitait pas que les honneurs dus à Nelson Mandela soient l’unique souvenir laissé par cette visite d’Obama, qui entendait séduire un continent qui le boude un peu, et relancer une coopération économique qui patine. Côté séduction, le président américain a réussi son pari, samedi, devant des jeunes de l’université de Soweto. «J’ai confiance en vous. Vous incarnez le dynamisme, l’imagination, la créativité de votre continent», leur a-t-il lancé en les appelant à la vigilance face à la corruption.
Le chapitre économique s’est ouvert dimanche au Cap. Dans la soirée, Barack Obama devait prononcer un discours et annoncer un plan de 7 milliards de dollars destiné à soutenir et développer le réseau électrique en Afrique. L’électricité est un des grands points faibles de ce continent, où nombre de villes subissent des coupures de plus en plus fréquentes en raison du manque d’investissement dans les infrastructures. Dans les campagnes, la situation est pire. Selon Washington, 85 % des ruraux africains n’y ont pas accès. African Power, le premier projet d’envergure lancé en Afrique par l’Administration Obama, entend s’appuyer sur l’énorme potentiel énergétique de l’Afrique.
La présidence américaine a également annoncé, de manière nettement plus surprenante, son intention d’organiser en 2014 à Washington un sommet de dirigeants d’Afrique subsaharienne. «Le premier du genre», a expliqué Ben Rhodes, conseiller adjoint à la sécurité. La réunion semble clairement calquée sur les sommets France-Afrique, inaugurés en 1973, et dont la prochaine édition est prévue à Paris à la fin de l’année. Mais surtout sur les plus récentes grands-messes Union européenne-Afrique et Chine-Afrique. Le succès des réunions organisées par Pékin fait des émules et des jaloux. «C’est quelque chose que d’autres nations ont fait», a d’ailleurs reconnu Ben Rhodes.
Si à Johannesburg, Barack Obama s’est défendu de vouloir engager une guerre économique avec la Chine «qui est la bienvenue en Afrique», le futur sommet laisse clairement apparaître la volonté de Washington d’endiguer l’expansionnisme de Pékin. En quelques années, la Chine est devenue le premier partenaire économique de l’Afrique en volume d’échanges selon l’OCDE. Or l’Afrique possède des matières premières et des consommateurs que les États-Unis ne veulent pas négliger. Sans jamais citer Pékin, Barack Obama s’est ingénié à griffer le modèle chinois, dénonçant ceux qui utilisent l’Afrique comme un simple réservoir de matières premières. «Il faut mettre un terme à l’exploitation des richesses d’Afrique quand la valeur ajoutée s’échappe ailleurs», a-t-il affirmé à Soweto.
Le Figaro