La mobilisation de la jeunesse de Gao face à ses préoccupations nous a donné la preuve que les peuples restent les seuls maîtres de leur destin. Face à la répression qui s’est abattue sur eux, les mouvements de résistance civile ont opposé, à mains nues, une détermination dont les dirigeants doivent tirer les leçons.
Les journées étaient mouvementées ces mardi et mercredi à Gao. Un groupe de jeunes réunis au sein des « Mouvements de résistance civile » a décidé de marcher contre ce qu’ils qualifient d’ »exclusion » du processus de cantonnement, de désarmement et de réinsertion (DDR) et contre l’installation des autorités intérimaires. Une marche normale dans un pays d’ »Etat de droit » où la manifestation est un droit constitutionnel consacré.
Mais des autorités régionales, sans doute mal inspirées, avaient cru bon interdire la marche. C’était sans compter avec la détermination de jeunes engagées à ne peut se laisser marcher sur les pieds. En témoigne la marche de 2012 contre les groupes jihadistes qui occupaient le Nord du pays. Gao a donc adhéré à l’idée qu’un peuple qui dort ne mérite pas qu’on pleure sur sort.
Un gouvernement sourd aux appels du peuple
Après leur lettre ouverte du 23 mai dernier, adressée au président de la République, mais restée sans suite, la marche de cette semaine a eu le mérite d’obliger le gouvernement à les entendre.
La rencontre tenue mercredi soir avec la délégation gouvernementale dépêchée par Bamako était obligée de prendre des engagements, que les jeunes attendent d’être respectés : leur inclusion dans le processus de DDR, la non installation des autorités intérimaires dans cette localité (pourtant exigée par les groupes armés), la libération des camarades détenus (ce qui est déjà fait), la révocation du gouverneur et des chefs de la police et de la gendarmerie, accusés d’être complices des tirs à balles réelles sur les manifestants.
Une série de revendications face auxquelles le gouvernement était obligé de prendre des promesses. Attendons de voir. Pourtant, il y a quelques mois ce même gouvernement était resté sourd à l’appel de ces jeunes-là. Est-ce nos dirigeants lancent-ils un mauvais message aux citoyens que pour se faire entendre, il faut passer par des actions fortes ?
Le bilan des manifestations est certes lourd (trois morts et une trentaine de blessés). Mais au-delà des martyrs, la marche de Gao a eu le mérite d’être un signal à deux niveaux : un avertissement à IBK qui doit davantage s’investir à réduire l’injustice et les inégalités sous son régime, mais un message fort à cette jeunesse malienne molle, clochardisée par les hommes politiques, tentée par l’appât du gain facile et véritablement incapable de prendre son destin en mains.
L’effet de contagion suscité par Gao (à travers les marches de Bamako et de Tombouctou) peut constituer un bon début dans la marche vers une jeunesse débout. Dans les pays, aucun dirigeant ne se comporte bien de son propre chef. C’est la pression des sentinelles (société civile, journalistes, opposition, etc.) qui le pousse à épouser les principes de bonne gouvernance.
La marche de Gao nous rappelle celle de 2009 contre le Code de la famille adoptée par une certaine Assemblée nationale dont l’appréciation était loin des aspirations des Maliens. Après un vote à l’écrasante majorité des élus considérés comme des « représentants du peuple », la rue s’est enflammée. Et le président ATT était obligé de retirer le texte et l’adapter au contexte malien, en prenant en compte certaines aspirations de son peuple. La leçon a été bien apprise.
Par nature, aucun dirigeant ne se comporte bien. Mais c’est la pression des peuples qui l’y oblige. Mais « l’esclave qui refuse d’assumer sa propre révolte », mérite-t-il qu’on s’apitoie sur son sort ?
Ibrahim Nasser
Journaldupeuple.com