Lesdites mesures ont été annoncées par M. Choguel Maïga, ministre en charge de l’Economie numérique, de la communication et de l’information, porte-parole du Gouvernement. Il était l’invité du journal Télévisé de l’Ortm le mardi 21 juillet 2015.
La première question adressée à l’invité du jour, autant la réponse de celui-ci, s’avèrent en elles-mêmes compromettantes pour les acteurs en charge du document de voyage malien : «Doit-on parler de pénurie ou de spéculation ?». La réponse du Ministre : «La question relative à l’obtention du passeport malien a fait beaucoup de débats dans l’opinion, et même à l’Assemblée Nationale. Le Gouvernement a été interpellé plusieurs fois sur la question. Le caractère récurrent des débats, j’allais dire des polémiques autour de cette question de passeports, a conduit le chef du Gouvernement, à l’issue d’une réunion tenue le 16 juillet dernier, à instruire à un comité interministériel mis en place à cet effet, de trouver définitivement une réponse à cette question lancinante de passeports. Et cela, sur des orientations très fermes du président de la République, SEM Ibrahim Boubacar Kéita. C’est donc ce comité interministériel qui a rendu compte au Premier ministre, lors d’un conseil de cabinet, tenu le mardi 21 juillet 2015. Le Premier ministre a pris une série de décisions que je suis chargé d’annoncer solennellement à l’opinion publique…».
Mais qui donc, dans un passé récent et prenant le peuple malien à témoin, a prétendu qu’il n’y a nullement de crise de passeports au Mali ? N’est-ce pas le Ministre Sada Samaké ? Intervenant en effet à l’Assemblée Nationale sur la question, le Généralissime a, en effet, affirmé qu’il n’existait pas de crise de passeport au Mali.Auparavant, son directeur général de Police, M. Hamidou Kansaye, dans un reportage commandité à travers l’Ortm, tenait le même discours: «Point de pénurie, point de crise» ! Aujourd’hui, la lumière est. Le mensonge, dit-on, ne peut servir que de manière éphémère. La vérité finit toujours par triompher.
Risque de poursuites judiciaires
Le Porte-parole du Gouvernement poursuit :
«C’est donc ce comité interministériel qui a rendu compte au Premier ministre, lors d’un conseil de cabinet, tenu le mardi 21 juillet 2015… L’Etat a pris ses responsabilités à partir d’aujourd’hui à travers les conclusions que le Chef du Gouvernement a tirées, et qui doivent s’appliquer impérativement à partir de ce jeudi…».
«(…) Nous avons aussi pris la décision au niveau du comité interministériel, qu’au ministère de la Sécurité et de la protection civile, soit mis en place un contrôle interne qui permettra de déceler tous les cas de fraudes».
On le voit: le gouvernement prend désormais la question très au sérieux au point de créer une commission interministérielle laquelle, force est de l’admettre, se substitue désormais ou presque, à la Direction de l’Immigration. C’est en effet cette nouvelle entité (la Commission interministérielle) qui coordonne toutes les activités, du dépôt de la demande à la délivrance du passeport. Tout se passe désormais comme si la Direction des Services de l’immigration était placée sous tutelle. Un désaveu pour le Ministre et son DG de la Police.
Il s’agira désormais, comme l’a soutenu le Ministre Porte-parole, de mettre en place un contrôle interne au niveau de la même Direction et qui permettra de déceler tous les cas de fraudes et de les sanctionner. Et c’est là que commence le risque pour les deux personnages, à savoir, le Ministre Sada Samaké et le DG de la Police; lesquels ont nié l’existence de la crise pour une raison que l’on devine aisément.
En clair, si l’enquête promise par le Ministre Porte-Parole était menée de manière sincère et impartiale (ce sur quoi il faudra douter), les deux responsables seront indubitablement interpellés. Et pour cause !
C’est bien le ministre Samaké qui, de manière unilatérale, a résilié le contrat de conception de carnet de passeport par la Canadian Bank au profit d’une entreprise française («Oberthur Technologies»,). Toute chose ayant incité le partenaire canadien à arrêter la livraison pendant que celle française peinait à exécuter sa part de contrat. D’où la pénurie et la spéculation y afférente.
Puisqu’il fallait dès lors limiter la délivrance du nombre de documents, il revint au DG de la police, M. Hamidou Kansaye d’appliquer cette mesure. De 750 à 1000, le nombre tomba alors à 250 par jour (et même là…). Cette révélation, s’il en est une, a été faite au Ministre Sada en personne lors d’une de ses visites sur les lieux, par le Commissaire Arby, Directeur de l’immigration. En clair, le visiteur savait de quoi il s’agissait et les raisons de la baisse drastique du nombre de documents à délivrer.
Avec la réduction du nombre de passeports délivré par jour, la spéculation s’organisa et s’installa à outrance. Et ce sont les mêmes personnages (et non les simples agents et intermédiaires) qui seront encore sollicités pour l’acquisition du fameux document dont le prix passa de 50 à 250.000 F CFA, voire plus. Et l’on retrouve encore et toujours, dans le circuit, de nombreuses demandes entachées d’irrégularités. Il ne tient qu’aux enquêteurs de les mettre à jour. Là est toute la question.
Batomah Sissoko
journallesphynxmali.com 26/07/2015