Soumaïla Cissé se trouverait aux mains du GSIM (Groupe de Soutien à l’Islam et aux Musulmans), le mouvement du Sahel affilié à Al Qaïda qui est en train par ailleurs de négocier avec le pouvoir malien.
D’après plusieurs sources, le chef de l’opposition malienne serait retenu en otage dans le nord du Mali. Mais sa situation reste encore très incertaine. De même que les conditions précises de son enlèvement.
Tueries entre Peuls et Dogons
Soumaïla Cissé a été enlevé par une faction de la « Katiba Macina » dirigée par un certain Sekou Cissé, qui a fait allégeance au GSIM d’Yiad Ag Ghali et d’Amadou Koufa. Avant de déposer les armes dans le cadre du processus de négociation engagé entre le président IBK et une partie des djihadistes, la Katiba a été mêlée aux conflits ethniques qui ont déchiré ces derniers mois le Mali.
La Katiba Macina est composée en effet de Peuls, qui contrôlaient la zone de Saraféré (Niafunké), la circonscription où Soumaïla Cissé, Peul lui aussi, a été élu et où il a été enlevé.
Selon certaines sources, Sekou Cissé aurait été au coeur des affrontements qui durent depuis plus d’un an entre son groupe et la milice dogon, qui pourchasse les islamistes avec la complicité de l’armée. La Katiba de Sekou aurait été mêlée de près à la séquence de crimes de masse qui a commencé à Ogossagou, le 23 mars 2019 lorsque 134 civils peuls ont été tués. La vengeance n’a pas été longue à venir avec, le 9 juin 2019 à Sobane Da des dizaines de civils dogons liquidés. La riposte, ce fut la tuerie d’Ogossagou, le 14 février 2020 où 35 civils peuls ont été tués.
Sekou Cissé aurait été tué il y a un peu plus d’une semaine par la milice dogon Dan Nan Ambassagou dans la zone de Borko, à quelques dizaines de kilomètres au sud de sa zone d’activité principale.
Des questions sans réponse
L’enlèvement de Cissé est-il un hasard, comme peut le laisser penser le mode opératoire très brutal, marqué par des tirs sans sommation sur les deux véhicules du convoi de l’opposant malien? C’est une hypothèse probable.
Isolé de ses compagnons et emmené à l’arrière d’une moto, qu’est devenu ensuite le chef de file de l’opposition malienne ? A qui a-t-il été remis ? Le groupe dirigé par Sekou Cissé était-il toujours lié à la katiba Macina et sous l’autorité d’Ag Ghali et d’Amadou Koufa? Sans doute, puisque Sekou a été filmé en tenue militaire djihadiste en avril, en train d’haranguer les fidèles de la Katiba.
A partir de là, plusieurs scénarios sont possibles dont un discréditerait entièrement l’actuel pouvoir malien. Sekou Cissé, après avoir approuvé le principe de négociations avec les autorités de Bamako comme ses chefs Ag Ghali et Koufa, aurait-il été utilisé par les services secrets maliens ?
L’ombre portée des services maliens
Selon une source spécialisée, il y a plus de trois mois, environ 300 membres de la katiba Macina ont déposé les armes, sous l’impulsion de quelques chefs devenus les principaux interlocuteurs du gouvernement. A la faveur de ce rapprochement avec les services secrets maliens, ils auraient été utilisés comme des sources de renseignement, mais aussi comme le moyen de diviser la mouvance islamiste
Dans un audio diffusé juste après l’enlèvement de Soumaïla Cissé en langue peule, un homme se présentant comme l’un des ravisseurs lui avait reproché son opposition aux négociations engagées par le Président malien. Le ravisseur avait qualifié Soumaïla Cissé de « très gros poisson » qui serait négocié en échange de beaucoup d’argent et de la libération de prisonniers. « Nous le gardons pour lui enseigner le Coran et les lois islamiques. A la fin, il aura une grande barbe et sera couvert de poils », avait-il promis.
La question brutale qui se pose aujourd’hui est de savoir si la responsabilité de certains services sécuritaires maliens est engagée dans la non libération de Soumaila Cissé. Dans ce scénario calamiteux « à l’algérienne » où certains clans sécuritaires manipulent les groupes armés, la neutralisation du chef de l’opposition malienne serait une sorte de service rendu par les partisans d’Al Qaida à leurs interlocuteurs gouvernementaux.
Dans une telle hypothèse, la situation au Mali serait encore pire qu’on ne pouvait même l’imaginer.