C’est vers 15h30 que le président de la République est arrivé au terrain de Magnambougou, tout de blanc vêtu, le visage marqué par la tristesse. Ibrahim Boubacar Kéita a élevé la défunte au rang d’officier de l’Ordre national du Mali. Dans son oraison funèbre dédiée à ce monument de la culture malienne, le ministre de la Culture, Mme N’Diaye Ramatoulaye Diallo, d’une voix étreinte par l’émotion, s’est exclamée : «Quel difficile aveu d’impuissance que de se plier à cet exercice douloureux et atroce qui consiste à s’ouvrir le cœur pour témoigner de liens de fraternité, d’amitié ou tout simplement de liens professionnels, face à cette sœur, face à cette amie de tous les instants et face à cette artiste qui n’est plus». S’adressant à l’époux de Fantani Touré, elle a lancé : «Cher Habib, le courage ne te manquera point pour surmonter cette tragédie puisque, chacun de nous ici présent te demande, à toi et à toute ta famille éplorée, de puiser votre force morale dans nos recueillements et dans notre douleur».
La disparation de Fantani Touré est une grande perte pour notre pays car elle était une artiste complète : chanteuse, danseuse, comédienne, a rappelé Mme N’Diaye Ramatoulaye Diallo. Réputée pour sa forte personnalité, la «princesse de Bozola», comme on l’appelait, n’a jamais cessé de travailler malgré le fardeau de la maladie durant des années, a rappelé le ministre de la Culture qui a présenté la défunte comme une sœur, une battante, une protectrice en symphonie d’espoir pour les faibles. «Nous ne pleurons point car elle ne nous a jamais habitué à la tristesse. Il nous revient de faire bénéficier les générations nouvelles du talent, du savoir-faire et de l’engagement intrinsèque à son domaine d’artiste c’est pourquoi nous allons garder l’espoir pour pérenniser ses actions», a indiqué Mme N’Diaye Ramatoulaye Diallo. Au nom du président de la République, de tous les membres du gouvernement, elle a salué l’artiste pour son initiative, son amour pour l’art et le Mali : «nous l’accompagnons avec des prières et des bénédictions dans sa dernière demeure.»
Beaucoup de témoignages ont rappelé les bienfaits et l’engagement de l’artiste. Le père de Guimba a salué tous les partenaires de son fils et remercié infiniment le gouvernement pour l’organisation des obsèques nationales. Amadou Bakayoko, au nom de la FEDAMA, a mis l’accent sur les actions de l’illustre disparue. Michel Sangaré, artiste et compagnon de route de la famille Dembélé, n’a pu retenir ses larmes en prenant la parole. Le Grand chancelier des ordres nationaux, le colonel Djingarey Touré, a rappelé les différents prix et médailles de la défunte, son parcours scolaire et artistique.
Chevalier et désormais officier (à titre posthume) de l’Ordre national du Mali, Prix Unesco, Tamani d’or de l’année 2014, meilleure soliste et danseuse de la Biennale artistique de 1978 et de 1986… Fantani Touré a collectionné les récompenses. Elle a participé à plusieurs festivals internationaux et était l’initiatrice du festival international «les Voix de Bamako». Elle a trois albums à son actif : N’tin Naar en 1997, Bozola en 2000 et Benkan en 2002. Fantani Touré a organisé un poignant hommage à l’artiste Ali Farka Touré en 2009, pour saluer le talent de cet immense artiste disparu. Patriote engagée, elle avait le sens élevé du devoir et de la loyauté. Après la prière sur sa dépouille mortelle, dirigée par Koké Kallé, l’iman de la Grande mosquée de Bamako, Fantani Touré a été conduite à sa dernière demeure au cimetière de Magnambougou.
Que son âme repose en paix !
Source: L’Essor
Ibrahim Boubacar Keïta : «Fantani était pour tout le monde»
«Nous rendons grâce à Allah, elle nous devance nous la suivrons, prions pour le repos de son âme, tout ce qu’elle a fait, elle l’a fait pour le Mali. Nous ne pouvons assez parler d’elle, mais on sait simplement qu’elle a été artiste pour tout le monde. Nous remercions tous ceux qui sont venus, tous ceux qui ont aidé et soutenu sa famille en ces moments difficiles. Prions tous pour le repos de son âme, Fantani était pour tout le monde, elle l’a démontré en plusieurs occasions. Que son âme repose en paix !»
Mariam Doumbia : «Elle était avec tous les artistes»
«Fantani m’a soutenue lors du décès de ma mère au mois d’octobre. Elle était venue voir Amadou pour prendre des bénédictions, elle m’a demandé de me confier à Dieu, d’être très forte parce que personne ne peut rien contre la volonté de Dieu. Elle me conseillait et me donnait des exemples dans la vie, afin que je puisse me ressaisir. Même quand je voyageais au Canada et que j’avais trop de bagages, elle a accepté prendre mes bagages en son compte, chose rare en Europe ici. Fantani nous a laissés dans la nostalgie. Je ne sais comment apprécier la bonté et l’honnêteté de cette dame qui est toujours présente aux côtés des autres en des moments difficiles. Je prie pour elle, je prie pour nos morts, que leurs âmes reposent en paix !»
Salif Keïta : «J’ai produit son premier album»
«Moi, je ne produis pas n’importe quel artiste. Mais je l’ai fait pour Fantani, une artiste d’avenir. Fantani était une jeune dame qui se battait très bien ; elle était artiste comme moi. Quand j’ai entendu sa voix, je n’ai même pas hésité pour la produire. C’est ainsi que j’ai été son premier producteur. Elle nous a laissés à un moment difficile de la vie de notre nation ; nous allons prier pour elle. Nous allons tout faire pour que son festival les voix de Bamako puisse continuer. Nous demandons aux autorités d’aider ceux qui étaient avec Fantani pour que ce festival reste. Le Mali perd une voix sûre de la musique malienne et une valeur montante de l’art et de la culture malienne. Une grosse perte !»
Berthé Aïssata Bengaly : «Nous avons travaillé pour la cause des bonnes»
«J’ai travaillé avec Fantani bien avant que je ne sois nommée ministre. Elle venait me voir pour la cause des bonnes. Elle venait me voir afin de venir en aide aux démunis et autres aide-ménagères. Fantani travaillait de façon désintéressée pour la cause de la femme. C’est pourquoi, quand je suis devenue ministre, nous avons continué de travailler ensemble. Pendant la campagne du président de la République, bien avant la chanson, on a travaillé pour la victoire d’IBK. Je ne peux pas oublier ces moments que nous avons passés ensemble. Même quand j’étais au laboratoire de technologie alimentaire, nous avons travaillé ensemble. Que Dieu donne longue vie à ses enfants et l’accueille dans son paradis afin que son âme repose en paix.»
Babani Koné : «Nous pleurons une grande voix»
«Nous pleurons la perte d’une grande voix. Nous sommes là pour les obsèques de Fantani au nom des griots et griottes. Nous présentons nos condoléances. Fantani a travaillé avec nous tous, elle était de tous les grands événements culturels, au Mali ou en dehors du Mali. Elle a été une bonne petite sœur et un bon artiste.»
Thierno Oumar Hass Diallo : «C’est une perte pour la nation»
«Fantani était une artiste exceptionnelle, elle s’est battue pour être là où elle était. Nous sommes fiers de son parcours. Sa mort est une véritable perte pour la nation malienne, ses parents, les autorités. Car elle a consacré sa vie à la promotion de l’art et de la culture malienne. Elle était à la fois artiste, humaniste et défenseur des droits de la femme, ce qui n’était pas chose facile pour les femmes de sa génération. Elle nous a aussi fait honneur partout elle est passée, à l’Unesco, en France et aux USA, toujours égale à elle-même. Paix à son âme et que son parcours serve de levier pour la nouvelle génération.»
Isaac Sidibé : «Elle était une artiste complète»
«Fantani, je l’ai vue évoluer dans les compétitions de quartier, dans les activités de jeunesse. Elle a été danseuse et chorégraphe, chanteuse et comédienne. Elle a donné le meilleur d’elle-même pour la cause du monde de l’art et de la culture malienne, cela à bas âge. Mais elle a été brave, car rien n’était gagné d’avance pour elle. C’est pourquoi je dis bravo à cette dame, à cette femme, à cette mère qui a été aussi une artiste dans un environnement difficile. Les gens ne peuvent pas savoir comment Fantani s’est battue pour s’imposer dans ce monde. Mais, ceux qui sont de la commune II en savent quelque chose. Elle est une pionnière du monde des arts. Prions pour elle, prions pour que Dieu l’accueille dans son paradis.»
Source: Le Reporter Mag 2014-12-29 22:14:32