Les Eléphants de Côte d’Ivoire / La grande désillusion

Il était 22 heures à Abidjan, juste après le match Zambie-Côte d’Ivoire, comptant pour la finale de la 28ème Coupe d’Afrique des Nations de Football. Tandis que les Zambiens exultaient sur le petit écran, pour saluer leur victoire, les rues étaient désespérément vides. La grande fête préparée depuis des jours en prévision de la victoire des Eléphants se transforma subitement en un véritable cauchemar pour des millions de supporters Ivoiriens. Le monde rassemblé devant les écrans géants disséminés à travers la Capitale Economique et mêmes dans les coins les plus reculés du pays se retira petit à petit dans un silence de cimetière. La déception était totale. Des insultes à l’endroit de Drogba étaient sur toutes les lèvres. « Il nous a tué, s’il mettait ce pénalty au fond, on n’en sera pas là… », lance ce supporter tout en sueur et complètement retourné ne sachant même pas ce qui lui arrive. Que de regret pour la Cote d’Ivoire !

Et pourtant, avant cette CAN, la Côte d’Ivoire était donnée hyper favori du tournoi, pour la simple raison que les grands ténors qui pouvaient compromettre les Eléphants, comme le Cameroun, l’Egypte et même le Nigéria, étaient absents. Tout le pays s’est pris à rêver d’une deuxième Coupe d’Afrique après Sénégal 92, il ya exactement vingt ans. A commencer par le Gouvernement qui a montré, à un match de Gala, le chemin à suivre aux Eléphants pour ramener la Coupe, en chaussant les crampons. Tous les signes en Côte d’Ivoire prédisaient la victoire finale de la Can 2012 aux Eléphants. Chaque victoire des Pachydermes à Bata où à Mapouto, réconfortait les inconditionnels dans leur logique. Surtout que l’équipe ne prenait aucun but pendant ses matches. On s’attendait à tout sauf à une chute de l’équipe en finale face aux modestes Zambiens qui ne constituaient pas un réel danger aux yeux des Ivoiriens, tellement ils avaient confiance en leur équipe.

Le réveil fut très difficile ce matin pour nombre d’Ivoiriens qui continuaient encore, dans leur sommeil, de réfuter l’évidence. C’est tout un pays qui est en pleure.

Descendu de leur piédestal, les stars Ivoiriennes n’étaient plus ce que les Ivoiriens pensaient. En effet, peu après la fin du match, à Abidjan la déception était plus que palpable, on brulait les maillots dans les quartiers comme à Abobo, les maquis parés aux couleurs des Eléphants prêts à recevoir du monde, après la victoire, fermaient les uns après les autres à Yopougon et dans d’autres quartiers. Certains criaient à la malédiction d’Akradio (allusion faite aux féticheurs de Dabou qui avaient été cités comme artisan de la victoire contre le Ghana lors de la finale de Sénégal 1992 à Dakar, mais qui attendraient encore leur salaire de la part du Ministère des Sports).

D’autres démoralisés, assis sur le bord de la route, croient à la poisse d’Alassane Ouattara, qui ne devrait, selon eux, pas faire le déplacement à Libreville.

Les Ivoiriens sont déçus et évoquent ouvertement pour les nombreux rencontrés, la honte, l’humiliation d’avoir été battus en finale contre la Zambie. «C’est la honte pour nous dans la sous région, on va bien se moquer de nous», se lamente Yao qui a déjà enlevé son maillot orange.

Tout près de lui, Fatou renchérit «en plus ils veulent qu’on aille les accueillir eux tous à l’aéroport, ils rêvent, des tocards comme ça!». A Abobo, non loin de la cité policière c’est aux politiciens qu’on s’en prendra ouvertement, dans le viseur, le président et le premier ministre pour leur déplacement inopportun en Guinée Equatoriale et au Gabon qui sembleraient avoir porté malchance aux éléphants. «Pourquoi Ouattara est allé là bas les déranger et leur mettre la pression pour rien à la veille d’une finale? Vous trouvez ça normal ?, lança désabusé un autre jeune homme.

A leur descente d’avion, hier dans l’après midi, ce n’était pas le grand monde qu’on attendait à l’Aéroport. Cependant, le Gouvernement avait décrété la journée du lundi fériée et chômée pour permettre à la population de digérer ses émotions et partir accueillir les finalistes malheureux de la CAN 2012. Hélas, le découragement a pris le pas sur les supporters. En cas de victoire la fête devrait continuer, selon des indiscrétions, sur deux jours.

De Gildas, Correspondant du Républicain à Abidjan.

Le Républicain Mali 14/02/2012