Q : Qu’est-ce que vous avez fait en amont par rapport à cette situation-là ?
R : C’est que trois ans avant l’agression du Mali, la communauté arabe a pris les armes contre les terroristes et les islamistes. Nous avons perdu le Colonel Labana Ould Bou, qui a été assassiné devant sa femme et ses enfants dans sa maison à Tombouctou. Pour cette raison, la communauté arabe a organisé une expédition punitive contre les terroristes. Nous avons perdu 40 hommes ; les islamistes en ont perdu autant. Trois ans avant, nous l’avons fait. Nous avons pris nos distances avec ces islamistes et nous les avons combattus.
Q : Est-ce que vous aves approché l’Etat pour dénoncer cette situation ? Ou bien ce n’était pas déjà votre rôle ?
R : A partir du moment où les communautés, de façon spontanée, ont engagé le combat avec les islamistes… Nous avons perdu un second colonel : le colonel Hamma est mort dans ces combats…
Q : On disait que c’était un règlement de comptes…
R : C’était la communauté contre les islamistes. Oui, règlement de comptes, parce qu’ils ont assassiné un colonel devant sa femme et ses enfants, qui était dans l’exercice de ses fonctions. C’est pour la qualité de ses services : c’était un officier de renseignements ; c’est à cause de l’efficacité de son action qu’il a été assassiné.
Q : Est-ce que l’Etat vous a laissés seuls ?
R : Nous avons compris et nous avons fait comprendre que la sécurité du territoire est une exclusivité de l’Etat. Les communautés ne peuvent pas faire la guerre, elles ne peuvent pas faire la paix. Faire la paix, la guerre, c’est le pouvoir du Président de la République, exclusivement. Ce que nous pouvons faire, c’es nous mettre à la disposition de l’Etat. L’Etat a besoin d’hommes ? Nous mettons des hommes à sa disposition.
Q : El Oumrany, il y a le MUJAO, il y a Ansar Eddine, il y a Al Qaïda, le MNLA, dont vous avez parlé au début de notre entretien : qu’est-ce qu’ils représentent pour la communauté arabe que vous représentez ?
R : Eh bien, ces structures représentent des entités étrangères. Pour nous, la communauté arabe, les salafistes transformés en Al Qaïda, constituent des éléments étrangers ; le MUJAO est constitué d’éléments étrangers. Ils se sont implantés au Mali du fait de la faiblesse de l’Etat. C’est l’Etat qui n’a pas réagi ; c’est l’Etat qui n’a pas pris ses responsabilités. Nous avons dénoncé leur présence, nous avons dit que nous sommes prêts à aider l’Etat à les bouter dehors. Mais si l’Etat n’intervient pas, qu’est-ce que nous pouvons faire ?
Q : Est-ce qu’après dénonciation, vous n’êtes pas simplifiables auprès de ces envahisseurs qu’on appelait Al Qaïda ?
R : Après la chute rapide de Gao, Tombouctou et Kidal, les islamistes se sont installés confortablement, comme une puissance qui exerce le pouvoir. Il y a eu des manipulations de toutes les communautés, les communautés ont été victimes de ces manipulations. Les communautés arabes aussi ont été victimes de ces manipulations. De façon absolue, je déclare que la communauté arabe est en dehors de ces mouvements, les a rejetés de façon totale et sur l’ensemble des médias.
Q : Vous reconnaissez qu’il y a eu amalgame quelque part face à cette situation. Votre message à l’endroit des autres communautés avec lesquelles nous vivons, pour une harmonie ?
R : Après la colère des femmes de Kati, le pays est entré dans une situation incontrôlable, ingérable. On était donc en janvier. Après Aguelhoc le ressentiment était très fort, en raison des exécutions, en raison des exactions qui ont été faites sur les prisonniers, les militaires prisonniers. C’est une situation qui arrive dans beaucoup de pays, nous en avons souffert ici à Bamako, nous en avons souffert dans toutes les villes du Mali, alors que nous sommes une communauté qui est très connue dans l’ensemble du pays : nous sommes partout dans le commerce, nous exerçons des activités sur l’ensemble du territoire, nous avons des liens de parenté avec toutes les communautés : songhoï, dogon, peul. Je rappellerai que la princesse Da Monzon Diarra avait été la reine de notre communauté à Tombouctou.
Q : En guise de conclusion, en guise de message des pères fondateurs de ce pays, votre message ?
R : Après les multiples agressions contre le Mali, l’Etat est tombé, mais l’espoir demeure, la volonté est là, la volonté de tous les Maliens est là : nous allons reprendre ce travail de construction. L’armée du mali, les armées de la CEDEAO sont en train de compléter la reconquête du Nord ; les forces vives se retrouveront, elles vont redresser le nouveau Mali, où il y aura nécessairement les raisons du vivre ensemble, pour la raison d’Etat, où chacun se trouvera à sa place. La décentralisation, qui a été mal exécutée, qui n’a pas été suffisamment soumise à l’exercice, sera la solution. La solution sera également de mettre les citoyens, le citoyen malien, au centre du développement et de la sécurité. Tant que le citoyen est objet, il ne va pas contribuer à la sécurité du pays. Mais lorsque le citoyen est un acteur de sa sécurité, est un acteur de son développement, en ce moment-là on aura fait de la sécurité du Mali un fait démocratique, un fait qui est l’affaire de tous. On ne peut faire la paix s’il y a des groupes armés sur le territoire. Les groupes, tous ceux qui vulent la paix, qui veulent participer à la négociation, doivent d’abord déposer les armes, doivent reconnaître la forme de l’Etat, l’intégrité et la forme républicaine de l’Etat. Maintenant, ceux qui ont fait le crime, qui ont les crimes de sang sur les mains, ils doivent obligatoirement être présent&s à la Justice. Nous sommes tous pour ça ; toutes les communautés du Nord sont pour ça. Les quelques éléments qui ont pris les armes contre leur pays, ils ont pris les armes malgré leur communauté ; et si ce n’était pas la faiblesse et l’erreur de l’Etat, on ne serait pas dans cette situation.
Q : Pour terminer, les élections en juin 2013, c’est possible sans la présence des casques bleus ?
R : Les élections sont possibles s’il y a des électeurs ! Je veux parler du retour des expatriés : les réfugiés qui sont au Niger, en Mauritanie, en Algérie et au Burkina. Les gens doivent revenir si les opérations militaires se terminent et si le Mali déclare que la paix est revenue. Ca, c’est le premier point. Deuxièmement, ces populations sont parties en raison de certaines inquiétudes. Le gouvernement, leurs leaders, doivent rassurer ces populations que les conditions de leur retour sont réunies. On les aide à revenir et à ce moment-là les élections se tiennent.
Q : Merci, M. El Omrany ! le journal de madikama 2013-03-09 02:14:19