Les brèves du Nord Mali

L’Adjudant ne connaît apparemment pas leur nombre, mais a décidé de fuir avec les autres. Cela veut dire que, même si les assaillants n’étaient même pas 10, il fallait d’abord fuir. Il y a quelques jours, ce sont des policiers (sept au total) qui avaient, eux aussi, jeté leurs tenues. Sans omettre d’alerter leurs proches, en mentant «les Tamasheqs sont en train de tuer les Noirs et l’armée a déserté la ville de Kidal». Voilà des propos, entre autres, qui ont mis le feu aux poudres et poussé les femmes à marcher mercredi et jeudi. Et le Président de la République ne s’y est pas trompé, mettant un accent particulier sur «les mensonges rapportés par certains soldats». Au-delà de ces désertions, c’est surtout le mode de recrutement des éléments des forces armés et de sécurité qui est remis en cause. Il y a encore quelques mois, ce sont les ressortissants du Nord qu’on accusait de déserter. Les Sudistes sont en passe de leur emboîter le pas.

Encore plus inquiétant, le mutisme qu’observent les chefs militaires. Rappelons que tout déserteur de l’armée est normalement passible de la Cour martiale.

Tessalit et Tinzaouatène encerclées, Kidal fortement menacée

Dans la nuit du mardi 31 janvier au mercredi 1er février 2012, les rebelles sont arrivés aux portes de la ville de Tessalit. Depuis, la localité est encerclée par des assaillants qui, selon les dernières informations, auraient envoyé une partie de leurs troupes vers la capitale de l’Adrar des Ifoghas, Kidal. Leur tactique étant d’occuper le terrain en premier. Selon certains habitants de  Tessalit, actuellement réfugiés à Kidal, que nous avons contactés, les rebelles ont, dès leur arrivée, ordonné à la population de vider les lieux. C’est le maire qui, ayant appris la nouvelle, a demandé aux populations de regagner leurs domiciles. Il faut noter que les assaillants, des «bandits armés», ne se livrent pas seulement au combat, mais surtout à un pillage systématique des maisons. A Adiel Hoc, ils ont même fait venir des camions pour embarquer les objets volés dans les magasins et boutiques. A Tessalit, seul le camp militaire d’Amashash tient encore tête aux éléments du MNLA, AQMI & Co. C’est d’ailleurs sur ce dernier rempart que doivent s’appuyer les autorités militaires pour ravitailler et renforcer les éléments présents dans le camp, nous a affirmé un haut gradé de l’armée basé à Kidal. «Il nous faut rapidement l’appui de l’aviation, puisque nous avons un aéroport et des troupes au sol, sinon nous risquons de vivre le même enfer qu’à Adiel Hoc». L’autre force sur laquelle l’armée malienne peut s’appuyer se trouve à une trentaine de km de Tessalit. En effet, une forte communauté de combattants maliens venus de Libye y est postée et, lors de la dernière attaque de Tessalit, elle a carrément refusé de suivre les rebelles et se dit toujours prête à servir le Mali.

A Tinza, c’est toujours le qui-vive. Malgré le nombre peu élevé d’éléments des forces armées et de sécurité, les troupes sont en alerte maximum. Et pour cause, depuis environ une semaine, les rebelles rodent aux alentours, comme des vautours, et attendent une occasion pour attaquer. Ici aussi, les renforts seront les bienvenus.

Kidal tient toujours bon. Depuis le vendredi 3 février vers 21 heures 35, et jusqu’à samedi dans la matinée, le Colonel Gamou et ses hommes ont envoyé des messages clairs aux bandits armés,  à coups d’obus. Ces derniers ont été contraints d’abandonner leurs positions. Au moment où nous mettions sous presse, la ville était calme, mais les troupes toujours en position de combat.

TOMBOUCTOU: Deux officiers déserteurs arrêtés (ou exécutés)?

Ce qu’on peut désormais appeler un incident majeur s’est produit, le vendredi 3 février au crépuscule, dans le Camp militaire El Farouk, situé en plein Tombouctou. En effet, selon nos sources, deux officiers de l’Armée (un Commandant et un Lieutenant) se sont emparé d’un véhicule de l’armée et ont pris la direction de Ber. A bord des véhicules, quelques autres éléments et complices. Arrivés au niveau des Logements sociaux, les fugitifs ont été interceptés par des unités civiles d’appui à l’armée. Ils ont alors changé de direction, pour repartir vers le Sud de la ville. Au niveau de la Direction régionale de la Promotion de la Femme, la cavale a pris fin avec l’accident de l’un des deux véhicules, dont les pneus ont été crevés par ceux qui les avaient pris en chasse. Samedi dans l’après-midi, une confusion totale régnait encore sur la capture ou l’exécution des déserteurs. Les nombreuses personnes que nous avons contactées dans la Cité des 333 Saints nous ont toutes affirmé ne pas savoir si les officiers et leurs complices étaient encore en vie ou pas. Car, selon nos sources, les consignes données sont d’abattre sur le champ tous les éléments des forces et de sécurité qui s’adonneraient à de telles pratiques.

BAMAKO: exode massif des Touaregs et des Arabes

Du mercredi 4 au jeudi 5 janvier 2102, Bamako a connu sa plus grande vague de départ de populations touarègues et arabes. Sur toutes les directions terrestres qui mènent vers les pays frontaliers, c’était la course contre la montre. A certains péages de la sortie de la capitale, on a souvent recensé le passage de plus de 200 véhicules par heure, tous transportant certains de nos compatriotes Touaregs et Arabes. Dans les aéroports, c’était aussi le rush. Et pour cause, la ville, pendant ces deux jours, était en ébullition. Certains esprits mal intentionnés se sont dirigés vers des particuliers pour «régler leurs comptes». Les mots ne sont pas trop forts, si l’on mesure l’ampleur des dégâts, par exemple à la clinique du Dr. Elmeidi ou encore au domicile de Mme l’ex ministre Zakiatou Walett à Kati. Ceci dit, avec les interventions des différentes communautés religieuses du Mali et des plus hautes autorités, les ardeurs se sont calmées et beaucoup sont revenus à la raison. Espérons que le retour de nos compatriotes au bercail se fera rapidement, afin qu’ils reprennent leur cours de vie normal. Et surtout que d’autres personnes ne fassent pas de leur séjour à l’étranger un fonds de commerce.

KOULOUBA: ATT se décharge sur l’Etat-major

Pour calmer le courroux des femmes de militaires, le Président de la République, Amadou Toumani Touré, a décidé de les rencontrer dans la grande salle des banquets. Apparemment bluffé par celles qui n’avaient pas hésité à titiller les grilles du palais, la veille, ATT s’est tout d’abord lancé dans des démentis: «on vous a dit qu’il n’y avait pas à manger. C’est faux. Les militaires peuvent dire qu’ils ne trouvent pas la nourriture à leur goût, mais tous ont à manger. D’ailleurs, ils ont une PGA (Prime Générale d’Alimentation) spéciale, qui s’ajoute à leur salaire. On m’a accusé d’être de mèche avec les rebelles. Cela m’a fait trop mal, car je ne peux pas aimer mon pays et être avec des gens qui veulent nous détruire». Le Chef suprême des armées a ensuite attaqué la partie militaire: «Je ne donne pas les ordres» a-t-il lancé, avant de se rebiffer… mais sans convaincre. «Depuis que les militaires ont quitté Bamako, pour ma part les ordres ont été donnés. Sur le terrain, ce sont les chefs qui jugent la situation et donnent les ordres…». L’extrait que nos confrères de l’ORTM nous ont proposé s’est terminé par ces mots: «On a soutenu que les soldats n’avaient pas assez de munitions. Comment peut-on envoyer des militaires sur le terrain et ne pas leur donner des munitions? En tout cas, nous avons du matériel sur le terrain et nous en enverrons encore plus». Parole d’ATT!

Rassemblées par Paul Mben

22 Septembre 06/02/2012