LES BOUILLONS INDUSTRIELS

Des assaisonnements qui fragilisent notre système immunitaire
Entre un impact négatif sur la sexualité masculine et les effets pervers
sur la santé cardio-vasculaire…, les bouillons culinaires servent à
assaisonner les mets, mais à empoisonner notre corps.

«Les temps sont durs et la dépense quotidienne est difficile à gérer. Préparer
un repas pour une famille de plus de dix personnes avec une modique
somme, ce n’est pas facile. Tout est cher et les femmes n’ont pas d’autres
choix que d’utiliser les cubes pour donner l’illusion du goût» ! C’est l’argument
d’une ménagère pour justifier l’usage démesuré des bouillons culinaires dans
sa cuisine. Et pourtant, cet argument ne résistera pas à une analyse profonde.
En effet, les bouillons ne coûtent pas moins chers que le soumbala (moutarde
africaine) et le datou (dérivés des graines du Néré), des produits locaux
hautement nutritifs, des produits d’assaisonnement qu’on serait tenté de
qualifier de bio.
Malheureusement, rares sont les ménagères qui sont convaincues qu’on peut
faire de délicieuses sauces sans ces bouillons commercialisés dans des
emballages aux couleurs vives et souvent «brandés» avec des prénoms
féminins. Selon des nutritionnistes, ces cubes de bouillons sont composés
majoritairement de sels et d’ingrédients chimiques appelés «exhausteurs de
goût». Ainsi, selon une étude réalisée en mai 2021 par des chercheurs du
Réseau des chambres d’Agriculture du Niger, certains bouillons cubes
contiennent le guanylate et l’inosinate disodiques, des produits interdits chez
les enfants, et des colorants (jaune orangé E110, rouge cochenille E124,
jaune de quinoléine E104). Ces chercheurs ont étudié la composition des
différents bouillons utilisés en Afrique de l’Ouest à partir de la liste des
ingrédients sur les emballages.
L’étude note que pour certains cubes, ces ingrédients sont «en lettres»
(inosinate disodique, glutamate, maltodextrine), et pour d’autres en chiffres
(E150d, E631, E330) ou en abrégé (HVP)… Mais, toujours en très petits
caractères pour une raison bien évidente : décourager la lecture ! Et cela
d’autant plus que les entreprises qui fabriquent ces bouillons insistent sur le
fait qu’ils sont «sans danger». Et ils ont leurs arguments. «Tous les ingrédients
utilisés sont approuvés par les autorités réglementaires. En outre, nous avons
en place un système de qualité rigoureux pour vérifier la qualité et la sécurité
de nos produits tout au long du processus de fabrication, des matières
premières que nous utilisons au produit fini. Au cours de leur fabrication, les
produits Maggi subissent plus de 400 contrôles qualité», défend par exemple
Nestlé qui fabrique les produits Maggi.
«Contrairement à certaines idées reçues, les bouillons ne contiennent aucun
ingrédient dangereux pour la santé. Les bouillons servent uniquement à
relever le goût des préparations. Toutes les accusations présentant les
bouillons comme des produits toxiques ou nocifs sont donc complètement

fausses et totalement mensongères», renchérit «Patisen» (Sénégal) qui
fabrique les bouillons «Adja». Et de conseiller, «du point de vue alimentaire, il
faut éviter tous les excès. Il n’est donc jamais bon de manger trop gras, trop
sucré, trop épicé ou trop salé».
Qu’est-ce que cela signifie pour notre santé ?
L’avis général est que nous devons limiter les aliments transformés dans notre
alimentation. Pour certains, cela inclut naturellement les cubes de bouillon.
«J’ai abandonné complètement les bouillons. J’utilise des crevettes et des
crabes que je fais moudre avant de l’ajouter à la cuisson. J’utilise aussi des
plantes aromatiques pour donner du goût avec du sel, de l’ail et du laurier… Je
n’utilise pas de bouillon. Quand j’utilisais les bouillons, mes pieds étaient
enflés, j’avais du rhumatisme. Mais maintenant que j’ai arrêté, je me sens
mieux», déclare une vendeuse dakaroise rencontrée au «Marché Castor».
«Ils sont riches en sels, en sucre ainsi qu’en matières grasses avec beaucoup
d’autres additifs, notamment le glutamate et beaucoup d’exhausteurs qui sont
industriels, qui ne sont pas les meilleurs. Et, bien sûr, le mélange de tout ça
dans un petit cube anodin, c’est beaucoup de risque», a confié à «BBC
Afrique» Aïcha Jasmina Fall, nutritionniste sénégalaise, en déconseillant
l’utilisation de bouillons.
Au-delà de la rude concurrence entre producteurs de bouillons cubes
industriels, de nombreuses voix ne cessent de s’élever pour dissuader les
ménages de consommer le «sésame culinaire». Et de nombreuses
publications scientifiques et médicales révèlent à travers des sites de
consommateurs ou dans des revues que les exhausteurs de goûts sont nocifs.
Le principal ingrédient décrié est le Glutamate monosodique dont la
concentration dans les cubes d’assaisonnement industriels surpasse
exagérément les proportions tolérées de 6 grammes journalier en apport de
sodium.
Les sociétés savantes de cardiologie et d’urologie n’ont de cesse de pointer
du doigt les bouillons industriels comme source de maladies
cardiovasculaires, notamment l’hypertension artérielle, l’obésité, le diabète…
Ils peuvent aussi causer des maladies de la sphère génitale, notamment les
troubles sexuels, l’inflammation de la prostate… ces produits peuvent être
aussi à la base de maladies gastriques, comme la colopathie, et même de
maladies psychiatriques, notamment troubles du comportement et maladie de
parkinson.
Quant à l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), elle explique la
consommation excessive de sel comme l’une des principales causes des
maladies non-transmissibles, particulièrement certains types de cancers, les
maladies cardio-vasculaires, les accidents vasculaires cérébraux (AVC) et
l’hypertension. Elle recommande donc de réduire la consommation de sel de
moins de 5 grammes par jour par adulte. Ce qui représente environ une
cuillère à café de sel par jour.
Quand on consomme le bouillon et qu’on ne peut pas s’en passer, l’idée est de
ne pas ajouter à cela du sel. On peut préparer un mets avec, mais ne pas

rajouter derrière encore plus de sel, car cela augmente le risque cardio-
vasculaire. En effet, avertit la nutritionniste, le «trop-plein de sel crée des
risques de maladie cardiovasculaire». Et d’ajouter, «le mieux, c’est de l’utiliser
dans les préparations pour qu’il soit dilué avec d’autres produits, de l’eau
notamment. Mais directement sur des aliments, ce n’est pas l’idéal». Les
bouillons naturels, des préparations faites à base d’herbes aromatiques,
d’épices, de viande, de poisson, de crevette et souvent d’une petite quantité
de sel, sont très prisés par celles et ceux qui veulent rompre avec l’hégémonie
des cubes.
«Je n’utilise pas les bouillons. Dans les marchés, il y a des épices naturelles
qui sont beaucoup plus efficaces que les bouillons», assure Awa Fatim
Moussa, une Malienne vivant au Sénégal. Elle a confié à BBC Afrique avoir
jeté son dévolu sur des épices naturelles comme la coriandre, le cumin ou le
laurier… afin de rehausser le goût de ses plats. Une autre dame, Sokhna Sall,
abonde dans le même sens. Sa recette ? Utiliser  «beaucoup d’ail, de persil et
de coriandre ainsi que les épices marocaines, paprika, cumin, cannelle pour le
poulet». D’autres femmes préfèrent utiliser des herbes aromatiques pour
remplacer les cubes. Tout comme elles ne sont pas moins nombreuses celles
qui disent avoir choisi les crevettes séchées et des fruits de mer.
Au Niger, les condiments locaux naturels tels que le soumbala (ou la moutarde
africaine) et le Gabou hamni ou «cocktail des gabous» constituent une
solution pour remplacer les bouillons cubes, selon le RESA. Le soumbala est
un condiment utilisé en Afrique de l’Ouest, connu pour sa très forte odeur.
C’est fabriqué traditionnellement avec des graines de Néré. C’est une épice
très nutritive !
Hamady Tamba
Source : BBC AFRIQUE
Les vertus nutritives et médicinales du soumbala
Fabriquée de façon traditionnelle à base de graines de Néré, le soumbala fait
partie de la biotechnologie classique et, selon les nutritionnistes, cache de
multiples vertus nutritionnelles et sanitaires. Se référant à une étude de
l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), l’un
d’entre eux révèle par exemple que 100 g de soumbala apportent à
l’organisme humain, 432 calories et contiennent 36,5 mg de protides, 28,8 g
de lipides et 378 mg de fer ainsi que de nombreuses vitamines (B2, B1, C,
PP). «Cette épice traditionnelle a un profil nutritionnel très riche en
macronutriments et en micronutriments. Les macronutriments se rapportent
aux protéines, aux lipides et aux glucides. Quant aux micronutriments, ils se
rapportent aux minéraux et aux vitamines», souligne-t-il.
Et d’ajouter, «le soumbala est très riche en protéines avec des quantités
raisonnables de lipides et de glucides, en fer, en iode, en calcium, en
phosphore, en vitamines». Ces protéines, selon un autre nutritionniste, jouent
un «rôle structural» au niveau musculaire, cutané et facilitent le transport de
l’oxygène dans l’organisme humain. Les glucides et les lipides contenus dans
le soumbala constituent ce que de nombreux spécialistes appellent «le

carburant le plus efficace et le plus rapide» disponible pour l’homme. Le fer
que contient cette «moutarde africaine», participe à la formation des globules
rouges et de nouvelles cellules. Ce qui est de nature à prévenir l’anémie.
C’est une épice fortement conseillée aux femmes enceintes, pour compenser
le manque de fer, et aux enfants souffrant de malnutrition. Le soumbala, pour
les nutritionnistes, est lié au développement durable en ce sens que cette
moutarde participe à une qualité alimentaire et à une bonne nutrition des
populations ainsi qu’à la prévention de nombreuses pathologies.
Et de nos jours, même les jeunes (cadres et autres) ne résistent pas au goût
du soumbala. Ce qui fait que certains restaurants et espaces de loisirs sont en
train de se bâtir une belle réputation autour des recettes à partir de ce
condiment comme les désormais célèbres poulets au… soumbala !
Alors pourquoi continuer à empoisonner vos familles avec des produits
d’assaisonnement chimiques dont seul Dieu connaît la vraie composition ?
H.T

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