Le scénario est toujours le même. Au petit matin, un 4×4 blanc fonce dans le camp para de Djikoroni. Les bérets verts qui s’y trouvent ciblent leurs actions.
Mercredi, c’est un adjudant qui était recherché. Ce militaire béret rouge était déjà parti et n’a donc pas été arrêté. Exaspérés par ces opérations coup de poing, les habitants se sont révoltés : « Des bérets verts sont venus chercher un béret rouge à l’intérieur du camp, raconte un témoin. Les enfants, les parents et les bérets rouges se sont levés, on leur a jeté des cailloux pour qu’ils puissent s’en aller. C’est des gens de Kati. Après, la Garde républicaine est venue nous jeter des gaz lacrymogènes. Mais ça ne va pas, il n‘y a pas d’arme, ils viennent, font ce qu’ils veulent, disent ce qu’ils veulent ».
Salvator Saguès, chercheur à Amnesty International, estime que les pratiques des bérets verts sont totalement illégales et ne peuvent pas perdurer. Les femmes des bérets rouges, 6qui ont manifesté à plusieurs reprises, n’en peuvent plus et demandent donc aux autorités de prendre leurs responsabilités : « A cause de ça, une femme enceinte a fait une fausse couche, des enfants ont été blessés, raconte l’une d’elle. Vraiment, on en a ras-le-bol. Il faut que le ministre de la Défense fasse quelque chose. S’il est incapable de neutraliser le pouvoir, alors quelqu’un d’autre doit le faire. On est fatigués, on est claqués même ».
Malgré la peur, les habitants du camp para de Djicoroni ont décidé de le jeudi dernier d’exprimer, une fois de plus, leur colère.
Des épouses des bérets rouges résistent
Des femmes de militaires ont défendu leur mari pour empêcher leur arrestation. Il s’agit des bérets rouges, des anciens proches du président déchu Amadou Toumani Touré. Des paras seraient venus mercredi matin dans une garnison de Bamako pour les arrêter.
Plusieurs dizaines d’épouses de soldats se sont physiquement opposées mercredi à ces hommes armés.“On en a assez de ces arrestations. Les femmes et les enfants, on a poursuivi les hommes venu pour l’arrestation. Ils ont lancé des gazs lacrymogènes, et nous avons pris des pierres, a déclaré à la BBC une des femmes. « Ensuite des policiers ont tiré », a-t-elle ajouté.
« Si quelqu’un revient ici pour arrêter nos maris, nous allons le kidnapper. On peut compter sur nous », a ajouté une autre épouse de béret rouge à l’AFP. Quelques dizaines d’éléments des forces de sécurité et de défense étaient visibles devant le camp dont l’accès était interdit. « Il n’y aura pas d’arrestation arbitraire. Nous allons scrupuleusement veiller au respect des libertés fondamentales », a déclaré un responsable du ministère malien de la Sécurité.
Plus de 300 femmes de soldats avaient manifesté le 16 juillet à Bamako pour réclamer la libération de leurs époux militaires détenus et la « vérité » sur ceux qui ont « disparu ».
Les putschistes qui ont renversé le président ATT, dirigés par le capitaine Sanogo, ont rendu le pouvoir le 6 avril, mais sont restés très influents à Bamako où ils ont procédé à l’arrestation de nombreuses personnes considérées comme des proches de l’ex-président, dont des militaires.
Cette semaine, Amnesty International a dénoncé des exactions commises par l’ex-junte sur des militaires après le 30 avril dernier. L’ONG demande aux autorités maliennes d’ouvrir des enquêtes sur les dizaines de cas de disparitions forcées, d’exécutions extrajudiciaires et de torture.
Abdoulaye Diakité
L’Indicateur du Renouveau
(03 Août 2012)