Monsieur le Directeur de Publication du 22 septembre
Dans votre livraison du 29 Avril 2016, Yaya Samaké écrit : Soumana Sako monte au créneau contre Le Mali sous Moussa Traoré. Monsieur Samaké prête au Premier ministre de Transition la phrase suivante : «Nous n’allons pas permettre aux gens qui ont profité de la démocratie de salir notre démocratie».
« Notre démocratie » : Il est difficilement compréhensible que ceux-là qui disent avoir déclenché une révolution pour instaurer ‘’le gouvernement du peuple par le peuple et pour le peuple’’, se laissent aller à une division manichéenne du peuple « en propriétaires de la démocratie», autorisés à dire n’importe quoi, même des inepties et en «profiteurs de la démocratie», véritables parias tolérés simplement et tenus de solliciter d’abord la permission avant de remuer la langue.
Au regard de l’éthique politique moderne, un Etat véritablement démocratique jugerait inacceptable une telle posture hérétique. L’on comprend mieux pourquoi le nôtre en construction s’est délité et est tombé en panne.
Ceci dit, les auteurs de Le Mali sous Moussa Traoré sont des citoyens libres jouissant de tous leurs droits civiques. Personne ne peut les empêcher de dire et d’écrire leur part de vérité. Ceux qui ont brisé le mythe et en ont souillé l’esprit sont à chercher ailleurs.
Selon Yaya Samaké, Soumana Sacko aurait qualifié la publication du livre de «falsification de l’histoire».
S’agissant pourtant de l’état de nos forces de défense, il nous donne entièrement raison en confirmant la dissolution de l’Escadron blindé. La justification en serait le souci d’éviter un coup de force. Ainsi donc, par peur du coup d’Etat, la décision a été prise de réduire la puissance de l’armée en l’amputant d’un régiment aussi essentiel que celui des blindés. Nous en subissons aujourd’hui les conséquences.
Par ailleurs, le Mouvement démocratique que Soumana Sacko brandit aujourd’hui comme un épouvantail n’a cependant guère ménagé l’éphémère ministre des Finances et du Commerce de Moussa Traoré. Durant toute la période de la Transition, ses hérauts n’ont eu cesse de déconstruire ‘’la réputation surfaite’’ de l’homme. Pour s’en convaincre il suffit de relire les coupures de journaux de l’époque.
Soumana Sacko, qu’il le veuille ou non, appartient à l’histoire du Mali sous Moussa Traoré.
C’est sous Moussa Traoré que l’étudiant de la 4è année ENA, interpellé pour des besoins d’enquête sur une tentative de déstabilisation présumée, a été libéré à temps pour qu’il ne rate pas l’occasion de se présenter à son examen de fin d’études. Vingt ans plus tard, sous le régime de la « démocratie », les étudiants de l’AEEM arrêtés suite à des manifestations ne bénéficieront pas de la même mansuétude.
Le jeune fonctionnaire ‘’opposé à la dictature militaire’’ bénéficiera cependant d’une bourse de formation postuniversitaire, avec l’aval du « dictateur ». Beaucoup de cadres, militants engagés du parti unique constitutionnel, n’ont pas eu cette opportunité.
Voilà qui dément l’allégation qui prétend qu’il fallait obligatoirement détenir la carte du parti pour accéder aux hautes fonctions de l’Etat.
Soumana affirme qu’il n’avait aucune relation avec Moussa Traoré. Il a pourtant été Conseiller technique, Directeur de Cabinet, Ministre. A ce propos, il confie à Abdoulaye Koné : « Le Colonel Tiécoura Doumbia, alors Directeur de la Sécurité d’Etat, avait eu l’honnêteté intellectuelle et professionnelle de signaler au Général Moussa Traoré qui s’apprêtait à me nommer Ministre des Finances et du Commerce mon opposition à l’UDPM et à la direction du Mali par l’Armée » (Procès Verbal du 5 août 2014). Malgré tout, Moussa Traoré maintiendra sa proposition ; preuve que ce qui importait pour « le dictateur », ce n’était pas les options personnelles, mais l’engagement au service du pays.
Ce qui par contre continue d’intriguer c’est pourquoi Soumana Sacko a accepté de collaborer, malgré qu’il en ait ?
Son bref passage au Département des Finances lui a valu le surnom de « Monsieur Salaires ». Les jeunes de Bamako et de tout le Mali auraient certainement bien aimé découvrir l’astuce conforme à l’orthodoxie financière que Soumana Sako a utilisée pour régulariser le paiement des salaires durant cette période ; régularisation qui du reste, s’est limitée aux seuls fonctionnaires de Bamako et à l’armée.
Soumana Sako est parti du gouvernement sur un coup de tête suite à l’affaire dite de l’or de la Sabena, une affaire aux relents sulfureux. Il y a beaucoup à dire aux jeunes de Bamako et du Mali : qu’est-ce qui s’est réellement passé, comment l’opération s’est-elle déroulée, pourquoi n’a-t-elle pas abouti et pourquoi devenu Premier ministre, Zorro n’a pas rouvert le dossier ?
Comme on le voit, il y a matière à débats et beaucoup d’autres livres à écrire sur le Mali sous Moussa Traoré.
Soumana Sacko, après son départ du gouvernement dans les conditions que l’on sait, n’a pourtant pas été jeté aux oubliettes. Il a été tout de suite nommé Directeur général adjoint du Contrôle Général d’Etat, service rattaché à la Présidence de la République, chargé de détecter les pratiques de corruption et de délinquance économique et financière.
Lorsqu’il voulut quelques temps après, intégrer le système des Nations Unies, sa candidature au poste d’Economiste principal du PNUD a été appuyée par le Président Moussa Traoré.
Soumana Sacko ne bénéficiera pas du même soutien à l’issue de son passage à la primature. Il le dira dans l’entretien accordé au Procès Verbal : du 8 juin 1992 à ce jour, il n’a été ni désigné ni soutenu par les autorités maliennes pour l’obtention de postes internationaux. Au contraire, elles s’y seraient même opposées. Il n’a occupé aucun poste professionnel ou politique au niveau de l’Etat malien, à cause, précise-t-il : «d’un ostracisme politique indigne d’une République démocratique.». Ainsi celui qui, bien qu’étiqueté opposant, a franchi à une vitesse fulgurante, tous les échelons de l’appareil d’Etat sous « la dictature », dénonce la stigmatisation dont il est l’objet dans la République démocratique qu’il a contribué à asseoir.
Tout ceci aurait dû pousser Soumana Sacko à reconnaître la part d’égards que le Président Moussa Traoré avait pour lui et à faire par conséquent preuve d’humilité et de retenue.
A ce propos il y a lieu de rappeler pour l’histoire, l’émission du Club de la presse de Radio Kledu réalisée à l’Ex Caisse Autonome d’Amortissement par Tiona Mathieu Koné. Soumana Sacko, l’invité surprise, a surpris plus d’un dans l’assistance, par sa sincérité lorsqu’il affirma qu’il fallait relativiser le jugement sur Moussa Traoré. Pour justifier son point de vue, il raconta que de retour de Bangui, quand il fut nommé Premier ministre, il s’est rendu à Niamina, son village natal où il a été reçu par les notables dans le Vestibule du Chef. Il demanda leurs bénédictions après leur avoir expliqué les circonstances qui ont conduit à la chute du régime de Moussa Traoré. Les anciens lui ont donné leurs bénédictions, déploré la mort tragique des enfants mais ont tenu à lui notifier ceci : « N’den, Musa ka basi ma se anw ma ! Fiston, en ce qui nous concerne, nous n’avons pas subi de préjudice de la part de Moussa ».
L’enfant de Niamina qui rêve d’être le Président de tous les Maliens, croit-il aujourd’hui, que par cette phrase, les sages de Niamina ont falsifié l’histoire ?
LES AUTEURS de Le Mali sous Moussa Traoré
Source: Le 22 Septembre 12/05/2016