Et si l’honneur de l’Afrique dans la géopolitique passait par le sport ? Relégué au rôle de simple figurant sur l’échiquier international, par la candidature du Maroc pour l’organisation de la Coupe du Monde de football 2026, le continent noir pourrait reprendre des couleurs. En face, le royaume chérifien devra batailler dure, notamment contre la candidature conjointe des Etats-Unis d’Amérique, du Canada et du Mexique. Certains voient en cette confrontation, une lutte très déséquilibrée. En réalité, le Maroc a toutes ses chances.
Le Maroc vient de déposer officiellement sa candidature pour l’organisation de l’un des plus grands évènements sportifs de la planète. Il s’agit aussi et surtout de la candidature de tout un continent. Le royaume qui est à sa cinquième tentative après les échecs de 1994, 1998, 2006 et 2010, compte bien remporter la bataille. Mais avec l’union des USA, du Canada et du Mexique, beaucoup pensent que la compétition pour décrocher le précieux sésame prend l’allure d’un combat de David contre Goliath. Car, en effet, sur le plan des infrastructures, la candidature américaine semble bien plus intéressante (23 villes présélectionnées, pour 16 villes candidates retenues avec des stades « déjà construits et opérationnels », d’une capacité moyenne de 68 000 places). Egalement, sur le plan des recettes, si important à la FIFA, la candidature compte effectuer la vente de 5,8 millions de billets d’entrée, avec un chiffre d’affaires pour la billetterie atteignant 2,1 milliards de dollars. Des chiffres à faire frémir tout le continent africain qui rêve de vivre encore une fois le bonheur d’accueillir le monde du football sur son sol. D’autant plus que l’alternance tacite des continents pour l’organisation des évènements met l’Afrique en pole position.
Toutefois, rappelons que l’Amérique d’aujourd’hui est loin de faire l’unanimité à travers le monde. L’on pourrait même affirmer que les USA ont rarement été aussi décriés. En cause, le nouveau locataire de la Maison Blanche, qui, entre déclarations incendiaires et amateurisme politique, met du plomb dans l’aile de l’Aigle américain. Donald Trump, agace et irrite beaucoup sur l’échiquier international, et il se pourrait même qu’il soit un des principaux handicaps à la candidature américaine. L’image de marque des USA ne cesse de dégringoler avec les divers déboires et démêlés de Trump, et aussi à cause du leadership de leur grand rival de l’est, la Russie, qui n’a jamais été aussi puissante avec à sa tête Vladimir Poutine dont le charisme fait pâlir le monde entier. Autre handicap de la candidature américaine, c’est sa grande étendue géographique. Ce fait n’arrange pas les délégations des équipes nationales qui devront assez fréquemment se déplacer et changer de fuseau horaire.
La candidature africaine, elle, malgré sa relative modestie, offre une seule et même assise physique à l’évènement. Aussi, le Maroc se situe à seulement 14 kilomètre de l’Europe, avec un fuseau horaire bien à son avantage. Autre point fort de la candidature marocaine, c’est sa dimension affective. Elle est portée par tout un continent. Même le rival algérien est prêt à soutenir le Maroc, comme le montre les déclarations du nouveau président de la Fédération algérienne, Kheireddine Zetchi qui dit que son pays est prêt pour être « aux côtés du Maroc s’il a besoin du soutien d’un pays frère ». Des stars africaines du football comme Didier Drogba ou encore Samuel Eto’o sont de très bons ambassadeurs pour la candidature africaine.
Rendez-vous est donné pour le 13 juin prochain à Moscou lors du Congrès de la FIFA en marge du début de la Coupe du Monde. Fait important à noter, pour la première fois, le choix sera opéré sur vote des 211 représentants des fédérations membres.
Sport et géopolitique, souvent liés
Plusieurs fois, la géopolitique et le sport se sont entremêlés, donnant lieu à des scènes inédites. L’on se rappelle, qu’en 1998 en France lors de la Coupe du monde de football, avec la confrontation entre les équipes des USA et d’Iran, une relation d’amitié était née entre les sélectionneurs des deux formations malgré les relations politiques tendues entre les deux pays. Egalement, l’image dans les tribunes d’un supporter américain embrassant une iranienne fit le tour du monde. Avant le début de la saison 2017-2018 en Europe, c’est le mirobolant achat du footballeur brésilien Neymar (222 millions d’euros) du FC Barcelone au Paris Saint-Germain, version qatarienne, défraya la chronique. Là aussi, le Qatar, à travers son soft power, voulait montrer à la face du monde entier, qu’il était innocent des accusations de « bailleur du terrorisme » dont il faisait l’objet de la part de pays du Golfe et aussi des USA. Le richissime Emirat avait ainsi réalisé un énorme coup de com’, en alliant d’une même pierre, géopolitique, show-business et sport.
Ahmed M. Thiam