Après avoir traité, dans la 1ère partie, les 5 facteurs qui favorisent l’émergence de toute sorte de criminalité, à présent, nous nous intéressons aux enjeux géopolitiques de la lutte contre le terrorisme. Ces enjeux géopolitiques ont trait principalement à 3 aspects. D’abord, les enjeux pour les réseaux criminels, ensuite les enjeux pour les systèmes étatiques ou supranationaux et enfin, ceux pour les populations.
Les enjeux pour les réseaux criminels
Les enjeux pour les réseaux criminels sont multiples mais sont axés autour de leur développement voire de leur survie. Il s’agit de la pérennisation de l’activité criminelle en rivalité avec les structures légales. A partir du moment où des êtres humains décident de se lancer dans une activité hors du cadre légal, ils perçoivent tout l’intérêt lucratif et fiscal de continuer cette action. L’argent arrive assez facilement et ils n’ont aucun compte à rendre aux institutions budgétaires nationales. Toute la difficulté réside alors pour les Etats dans le fait de les faire revenir dans le cadre légal. Lorsque Boko Haram, DAECH ou AQMI cherchent à s’implanter et s’étendre, ils le font toujours sur des zones instables, quitte à favoriser cette instabilité et se présenter comme un interlocuteur. Ils seront ainsi en mesure soit de négocier en contrepartie de la mise en place régionale de la charia, soit de pacifier des territoires comme le Hezbollah est parvenu à le faire au Liban. L’implantation de terreaux terroristes ou criminels ne peut s’accomplir dans des zones économiquement et politiquement stables, ils n’auraient aucune légitimité et ne bénéficieraient que de peu d’écoute.
Les enjeux pour les systèmes étatiques ou supranationaux
Les enjeux pour les systèmes étatiques ou supranationaux sont principalement autour de la crédibilité de ces systèmes. Au-delà des simples rivalités, les phénomènes de rupture entre les centres et leurs périphéries constituent un enjeu de taille à prendre en compte puisqu’ils seraient dans l’avenir de nature à provoquer la constitution de micro-territoires du crime. Ces micro-territoires seraient alors des proies faciles pour y instaurer rapidement des foyers djihadistes qui serviraient de relais et de postes avancés pour les labels AQMI ou DAECH par la suite comme ce fut le cas dans le passé en Libye, au Nigeria avec Boko Haram et au Mali dans l’Azawad. Ce premier enjeu pour les Etats en appelle un autre, la détection de cellules terroristes en mesure de déstabiliser des régions entières. C’est la méthode justement employée par Boko Haram, implantée dans la partie septentrionale du Nigeria mais qui rayonne par des attaques, des rapts ou des attentats-suicides au Cameroun ou au Tchad.
Les enjeux pour les populations
Ils sont nettement plus pesants et urgents. Le plus important d’entre eux concerne la gestion de leurs potentiels déplacements gigantesques qui ne manqueront pas d’avoir lieu. En raison des dérèglements climatiques annoncés, sources de famines, de sécheresses et donc de migrations non régulées, ce « néo-nomadisme » de populations appauvries, usées et sans grandes ressources risque de devenir une menace constante pour les Africains, réfugiés ou déplacés. Ils deviendront à la fois des proies pour les réseaux criminels, recrutement d’enfants, viols, agressions en tous genres, traite d’êtres humains, migrations clandestines et également des acteurs potentiels de ces trafics.
L’Afrique a clairement les moyens humains et matériels pour combattre efficacement les réseaux criminels existants et ceux naissants en son sein. Mais comme tout remède nécessite un bon diagnostic initial, l’analyse géopolitique doit s’adapter aux besoins de sécurité publique du continent africain pour apporter les réponses adéquates en engageant des programmes ambitieux dès maintenant et sur du long terme.
Source: Diploweb.com
Ahmed M. Thiam
Source: journalinfosept du 21/05/2016