Leçon de géopolitique : Georges W. Bush et Tony Blair seront-ils les premiers occidentaux à être traduits devant la Cour Pénale Internationale (CPI) ?

La Cour Pénale Internationale parviendra-t-elle un jour à poursuivre et à juger des suspects occidentaux soupçonnés d’avoir commis des « crimes graves » ? En tous cas, de plus en plus de voix s’élèvent pour dénoncer d’autres forfaits portant atteinte à l’humanité à travers le monde. Et pour justifier sa supposée impartialité comme toute juridiction, la CPI devra à un moment ou à un autre passer outre les considérations géostratégiques et géopolitiques. Récemment, l’étau s’est resserré davantage autour de Georges W. Bush et de Tony Blair par rapport aux crimes commis en Irak et en Afghanistan à partir de 2003.

Deux rapports les épinglent, celui de Feinstein paru aux Etats-Unis il y a un peu plus d’un an et un autre, Chilcot, publié au Royaume-Uni plus récent. Tous deux accusent les administrations Bush et Blair en Irak ou en Afghanistan au cours d’interventions militaires discutables dans leurs fondements ou dans leurs déroulements. La CPI devra enquêter…

Trois éléments doivent permettre à la Cour de prouver qu’elle n’est pas créée uniquement pour juger les faibles en assurant l’impunité face aux plus puissants. Tout d’abord, le statut de Rome instituant la CPI stipule l’imprescriptibilité des faits commis. Ensuite, rappelons qu’elle peut enquêter et poursuivre les responsables de crimes de génocide, crimes contre l’humanité ou crimes de guerre dès lors qu’ils sont commis sur le territoire d’Etats parties ou lorsque les personnes accusées sont des ressortissants d’Etats parties à son statut. Chose tout à fait possible puisque si l’Irak ne reconnaît pas la compétence de la CPI, les crimes imputables aux forces britanniques pourraient relever de la Cour car le Royaume-Uni est bien un Etat partie au statut de Rome.

Enfin, n’oublions pas que la Cour peut s’autosaisir d’une affaire qu’elle juge en avoir les compétences. Plusieurs fois ce fut le cas, en Côte d’Ivoire, en Guinée ou encore au Kenya. Alors pourquoi ne s’autosaisit-elle pas pour connaitre la réalité des graves crimes commis en Irak et en Afghanistan et poursuivre Bush et Blair ? Les rapports Chilcot et Feinstein pourtant rédigés par un comité d’experts indépendants, anglais et américains, ne pourraient avoir aucun intérêt à travestir la vérité. Et d’ailleurs, c’est cela même le rôle de toute juridiction, qu’elle soit civile ou pénale, nationale ou internationale : de séparer le vrai du faux et de dire le droit en faisant foi de la vérité. La CPI joue là une phase cruciale de son existence. En ignorant les crimes commis par les administrations Bush et Blair, elle passerait pour une cour de paille créée pour juger uniquement les pauvres africains. Dans le cas contraire, en prenant en charge ces dossiers, elle aura accompli son devoir. D’autres dossiers brûlants doivent attirer son attention dont la tragique guerre de Syrie.
Ahmed M. Thiam