Le premier ministre malien, Cheikh Modibo Diarra, a confirmé le souhait de son pays de l’adoption rapide d’une résolution des Nations unies autorisant la mise en place d’une « force militaire internationale composée de tous ceux qui veulent nous aider à reconquérir les territoires occupés du Nord ». Il a reçu le soutien appuyé de François Hollande. Tout en rappelant qu’il appartient « aux Africains eux-mêmes d’organiser l’intervention », le chef de l’Etat français a réclamé, « au plus vite, une nouvelle convocation du Conseil de sécurité de l’ONU » afin de finaliser « dans les prochaines semaines » cette force panafricaine. La France apportera son « soutien logistique », a-t-il précisé, en soulignant : « Toute perte de temps serait une complication supplémentaire. »
Plusieurs pays voisins du Mali, dont le Niger, se sont fait l’écho de la France. Mais le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon, a été le premier à mettre en garde contre une décision hâtive, estimant que « toute solution militaire pour résoudre la crise sécuritaire dans le nord du Mali devrait être envisagée avec une extrême prudence », car « elle pourrait avoir de graves conséquences humanitaires ».
LE MALI EST UNE « POUDRIÈRE » POUR HILLARY CLINTON
Les Etats-Unis ont également fait part de leur réticence. Pour Mme Clinton, le Mali est une « poudrière », et seul « un gouvernement démocratiquement élu aurait la légitimité de négocier un accord politique au nord du Mali, de mettre fin à la rébellion et de restaurer l’Etat de droit ». Les Américains ne devraient pas être les seuls, au sein du Conseil de sécurité, à ne pas précipiter l’envoi de troupes au nord du Mali. Les 15 pays membres ont déjà demandé à Bamako et à la Communauté économique des pays d’Afrique de l’Ouest (Cédéao) de clarifier les modalités d’une telle intervention.
« Si l’on s’achemine vers la constitution d’une force hybride du type de celle déployée au Darfour avec un commandement à deux têtes, ONU et Union africaine, c’est l’échec assuré », estimait en aparté une source diplomatique en soulignant la complexité de fonctionnement d’une chaîne de commandement non unifiée. Un autre diplomate rappelait les divisions au sein de la Cédéao, notamment entre la Côte d’Ivoire, qui en assure la présidence, et le Burkina Faso.
« La France assumera toutes ses responsabilités », a redit à l’issue de la réunion sur le Sahel, lors d’une conférence de presse, François Hollande, pour qui « il ne peut être question de négocier avec des terroristes ». « Nous ne pouvons pas conditionner notre position (…) par rapport aux otages [six Français sont détenus par Al-Qaida au Maghreb islamique dans le nord du Mali]« , a ajouté M. Hollande. Il a rappelé que « la France ferait tout pour la libération de ses ressortissants ».
« BEAUCOUP DE MESSAGES EN ARABE SUR TWITTER »
Ce volontarisme affiché par Paris dans le dossier malien ne passe pas inaperçu au sein de la nébuleuse djihadiste et, sur Internet, les réseaux salafistes ont commencé à cibler la France. Recherché par la police de son pays dans le cadre de l’enquête sur l’attaque, à Tunis, le 14 septembre, de l’ambassade américaine, le Tunisien Abou Ayad, chef du groupe Ansar Al-Charia, s’est lui-même exprimé sur le sujet. « France, pays en ruine, nous t’annonçons ce qui te déplaira par la volonté de Dieu », écrit-il, avant de citer, photo de militaires français à l’appui, l’article d’un quotidien parisien sur une intervention militaire au Mali.
D’autres sites, irakiens notamment, ont diffusé des messages similaires. « Ils ont commencé d’abord à ricaner sur l’appui logistique mais depuis vingt-quatre heures, ces sites en parlent de plus en plus sur le thème : le « retour de la France croisée » », constate Mathieu Guidère, professeur d’islamologie et de pensée arabe à l’université Toulouse-II. « Beaucoup de messages en arabe sur Twitter tentent d’ameuter sur ce thème, poursuit-il. C’est difficile de localiser leur provenance mais il y en a de Belgique, de France, de Tunisie… »
Cet activisme sur les réseaux sociaux arabes inquiète ce spécialiste qui n’avait pas relevé de mobilisation semblable lors la publication de caricatures de Mahomet dans l’hebdomadaire satirique Charlie-Hebdo.
Alexandra Geneste (à New York) et Isabelle Mandraud pour leMonde.fr
Malgré les appels pressants du président Hollande et du Premier ministre malien Cheikh Modibo Diarra (photo) pour l’adoption d’une résolution de l’ONU autorisant l’emploi de la force dans la crise malienne, les États-Unis restent réticents.
Scepticisme américain
Les réticences les plus inattendues sont venues de la délégation américaine, qui a exprimé ses doutes par l’intervention de la secrétaire d’État, Hillary Clinton, en faveur d’une restauration préalable de l’état de droit au Mali.
Selon Emmanuel Saint-Martin, correspondent de FRANCE24 à New York, les divergences entre la France et les États-Unis portent davantage sur la question du calendrier que sur la nécessité d’une intervention militaire.
« Les Américains disent ‘on ne peut pas envoyer des troupes comme ça maintenant, il faut d’abord reconstruire un ordre démocratique et légal’, c’est-à-dire organiser des élections. François Hollande a répondu qu’on ne pouvait pas organiser des élections si le territoire était divisé et si le Nord n’était pas d’abord reconquis ».
Le secrétaire général des Nations unies est également resté prudent face aux requêtes pressantes de Paris et Bamako.
« Toute solution militaire (..) devrait être envisagée avec une extrême prudence. Elle pourrait avoir de graves conséquences humanitaires », a averti Ban Ki-moon.
Ces réticences jettent un doute sur la capacité de la France et du Mali à convaincre le Conseil de sécurité « dans les prochaines semaines », comme l’avait souhaité François Hollande.
Ce dernier s’est félicité, mercredi, de la seule avancée concrète à l’ONU sur le dossier malien : la nomination par Ban Ki-moon d’un envoyé spécial pour le Sahel « chargé de parachever la stratégie et de superviser sa mise œuvre ».
FRANCE24 27/09/2012