En Égypte comme en Tunisie, les projets politiques des islamistes au pouvoir divisent plus qu’ils ne rassemblent. Au Caire, le président Mohamed Morsi, issu des Frères musulmans, a été renversé par l’armée mercredi 3 juillet. À Tunis, le parti Ennahda du Premier ministre Ali Larayedh est enlisé dans le processus d’adoption de la Constitution. À l’épreuve du pouvoir, les formations islamistes montrent leur faiblesse.
Tamarrod germe en Tunisie
En Tunisie, plusieurs militants de l’opposition et représentants de la société civile appellent, via les réseaux sociaux, à la désobéissance civile pour destituer l’Assemblée nationale constituante (ANC). Le mouvement d’opposition Tamarrod (« rébellion », en arabe), qui a éclos en Égypte, est en train de germer en Tunisie. Celui qui se présente comme le porte-parole de Tamarrod Tunisie, Mohamed Bennour, était l’invité de la chaîne privée Nessma TV, mardi 2 juillet, où il a tenu à préciser que son mouvement n’appelle ni à la violence ni à l’anarchie.
Il a également détaillé ses revendications : la dissolution de l’ANC, l’annulation du projet actuel de Constitution et la désignation d’un comité d’experts pour la rédaction d’une Constitution qui représenterait tous les Tunisiens. Il veut également qu’une date soit fixée pour des élections législatives, espérées d’ici la fin de l’année.
« Solidarité avec le peuple égyptien »
Ces derniers jours, plusieurs partis politiques tunisiens ont exprimé leur soutien au mouvement de protestation anti-Morsi Égypte. Lundi 1er juillet, le parti de centre-gauche Voie démocratique et sociale (Al-Massar, centre-gauche) a publiquement salué « la ténacité et la détermination » du peuple égyptien à « défendre sa dignité et ses droits fondamentaux », ainsi que « son combat légitime pour la liberté, la démocratie et la justice sociale ».
D’autre part, Hechmi Hamdi, fondateur du parti de l’Amour et ancien président d’Al Aridha (courant de la réforme nationale) affirme, dans un communiqué, sa « solidarité avec le peuple égyptien dans (…) sa quête de justice sociale ». L’opposition tunisienne suit de près le mouvement de contestation en Égypte avec lequel elle se trouve des similitudes.
En revanche, Ennahda s’est fendu d’un communiqué lundi soir sur la page Facebook de son chef, Rached Ghannouchi pour apporter son soutien à Mohamed Morsi et aux Frères musulmans égyptiens. Tout en appelant les opposants et les partisans du « président élu » au dialogue. Une manière de rappeler qu’eux aussi ont la légitimité des urnes, au cas où des troubles surviendraient en Tunisie.
L’islam politique en question
Dans un entretien à FRANCE 24, le Premier ministre tunisien Ali Larayedh a jugé « peu probable » que le scénario égyptien se reproduise en Tunisie. « Le niveau de conscience des Tunisiens leur permettra de faire la part des choses (…) Ils savent les efforts que nous déployons, compte-tenu des contraintes actuelles et de nos possibilités », explique le chef du gouvernement. « Malgré tous les défis auxquels nous faisons face, rien ne justifie un tel mouvement de contestation en Tunisie surtout qu’on a toujours préconisé le consensus et le dialogue », a-t-il ajouté.
Ali Larayedh a, par ailleurs, réitéré la volonté de son gouvernement d’organiser les élections avant la fin de l’année. « Les choses avancent, même s’il y a des lenteurs. Nous avons fait une promesse, de faire tout ce qui est en notre pouvoir pour respecter ces échéances. Si l’Assemblée avance dans le sens du consensus et que la Constitution est adoptée en juillet, alors ce sera possible », a-t-il précisé, ajoutant qu’un retard de quelques semaines ne serait pas d’une grande gravité. Pour lui, Ennahda sortira à nouveau vainqueur des prochaines élections.
Malgré tout, certains voient dans ce mouvement de contestation la fin annoncée de l’islam politique tel que les Frères musulmans et Ennahda ont essayé de l’exercer. Dans une tribune, un blogueur tunisien résume : « Finalement, les islamistes auront, à leur cœur défendant, fait progresser comme jamais l’idée de laïcité dans les pays arabes. »
France 24