IBK : l’homme de l’espoir
Il est difficile de tirer le bilan d’IBK, après une année de gestion, survenue dans des conditions inédites. Ce qui est sûr, c’est qu’IBK est un grand patriote. Il aime son pays et son peuple, riches d’une mosaïque de culture, d’histoire et de ce qu’il appelle l’humanisme soudanien. Comme référence politique, il cite à chaque occasion le père de l’indépendance du Mali, Modibo Keïta. Au cours de sa récente visite en Chine, il a eu une pensée pieuse envers lui. L’an un d’IBK a permis de conforter les institutions de la République, ébranlée par les douloureux évènements de 2012 : occupation du pays, soutenue par un putsch. L’an deux s’annoncent très promoteur avec les investissements de près de six mille milliards annoncés. Cependant, les douze mois passés à la tête du pays ont été assombri par la polémique autour de l’achat de l’avion présidentiel et le marché d’armement passé de gré à gré.
Dioncounda : Mission accomplie
Son prédécesseur, Dioncounda Traoré, surveillé par le putsch Sanogo, a bien géré la transition, dans un délai raisonnable, malgré les soubresauts, les complots, les intimidations, l’agression dont il a été victime. Il était donné pour mort. Mais, l’enfant béni de Nara a survécu. Avec intelligence, patience, persévérance, il a dompté Sanogo et son équipe, qui finalement ne juraient que par lui. Il a réussi les deux missions essentielles de la transition, à savoir, le retour à l’ordre constitutionnel normal et à la tenue de la présidentielle. Qu’il en soit vivement félicité.
ATT: des réalisations palpables anéanties par la mauvaise gestion du nord
Avec l’avènement d’ATT II au pouvoir en 2002, la troisième République, celle de la démocratie, renvoie un candidat indépendant à Koulouba. Pour la première fois, cet homme d’Etat, qui ne veut faire de mal à personne, parvient à réunir autour d’une même table les frères ennemis de l’ADEMA, du RPM et de l’URD. Tous sont invités à savourer le gâteau gouvernemental. Ils répondent présents, et tant mieux pour la démocratie malienne sans opposition. ATT a pris le pouvoir dans un contexte international très difficile, avec la montée vertigineuse du baril du pétrole et la guerre en Côte d’Ivoire, pays par lequel la plus grande quantité des marchandises maliennes transite. Conséquence: l’Etat était obligé de perdre des recettes au niveau du cordon douanier avec des exonérations sur les hydrocarbures, afin de les rendre accessibles aux consommateurs.
Parmi les réalisations d’ATT, ce qui crève l’œil c’est bien les logements sociaux à Bamako et à l’intérieur du pays. C’est une œuvre utile de solidarité nationale, qui soulage les moins nantis. ATT, c’est également la construction d’hôpitaux à Bamako, Mopti, Sikasso. C’est aussi la réalisation de ponts: Wabaria à Gao, troisième pont à Bamako, des petits ponts dans presque tous les cercles et certains villages du Mali. ATT, ce sont les échangeurs au niveau du Rond-point de la Colombe à Bamako, ce sont cinq kilomètres de routes bitumées dans chacune des capitales régionales.
Le président ATT a beaucoup œuvré pour le désenclavement extérieur du pays, avec les routes Ansongo-Niger, Kayes-Dakar, Bamako-Conakry, Bamako-Mauritanie, etc. Il a également relancé la recherche pétrolière, dont les résultats attendus permettent d’être optimistes. Il s’est présenté comme un homme de paix, de dialogue, dans le conflit du Nord.
Une attitude que nous avions qualifié à l’époque de laxiste, pour la bonne raison qu’on tuait tous les jours des Maliens et qu’ATT, au lieu d’agir, continuait de tendre sa main aux assassins.
La grande faiblesse du régime d’ATT, c’est bien le manque de fermeté à l’endroit des hors la loi. Si la situation a perduré au Nord, c’est parce que l’Etat a adopté une attitude de faiblesse. Celle-ci nous a conduits aux événements de 2012 : occupation du pays, aggravée par un putsch. Toutes les réalisations d’ATT ont été anéanties par sa mauvaise gestion de la question du nord.
La plus grande maladresse du pouvoir ATT, c’est d’avoir arrêté un journaliste, un enseignant et quatre directeurs de publication (Samby Touré, Hamèye Cissé, Alexis Kalambris, Birama Fall) dans la désormais affaire de la « Maitresse du président de la République ». Un article banal qui serait passé inaperçu, si les sbires du régime n’avaient pas mis le grappin sur son auteur. Plus jamais ça!
Alpha: le démocratie
La troisième République naquit à la faveur de la chute du régime dictatorial de Moussa Traoré et de l’instauration du multipartisme intégral, consacré par la Constitution du 25 février 1992, adoptée par le peuple malien.
C’est bien ce cadre nouveau qui a inspiré le président Alpha Ouma Konaré et continue d’en faire autant pour Amadou Toumani Touré, tous deux démocrates convaincus, qui ont activement pris part à cette révolution.
L’histoire contemporaine de notre pays retiendra que c’est sous le président Konaré que l’Etat moderne du Mali a vu le jour, avec la mise en place des institutions démocratiques prévues par la Constitution, à l’exception de la Haute Cour de Justice, installée il y a peu par le régime d’IBK. Il s’agit, en plus du président de la République, du Gouvernement, de l’Assemblée Nationale, de la Cour Suprême, de la Cour Constitutionnelle, du Haut Conseil des Collectivités Territoriales, du Conseil Economique, Social et Culturel.
La première tâche du président Konaré à la tête du Mali a été la consolidation de la démocratie, à travers un gouvernement de « large ouverture » et une « gestion concertée du pouvoir » avec les partis signataires du pacte républicain (PSPR): l’ADEMA-PASJ, l’US-RDA, le PDP, le RDT et certaines formations politiques lilliputiennes. C’était entre 1992 et 1996.
Mais le régime d’alors a eu maille à partir avec la puissante AEEM, qui perturbait les cours, dictait sa loi, cassait et brûlait tout sur son passage. Sans oublier l’affaire du Trésor, qui a éclaboussé un ministre d’alors, l’affaire de la tontine Bâ Diallo et le crépitement des armes dans les régions du Nord. C’est dans cette atmosphère douloureuse que le président Konaré a débuté l’exercice du pouvoir. Durant son premier mandat, il jouait au pompier et est parvenu, à partir de 1994 avec l’avènement d’IBK à la Primature, à mettre fin à la chienlit et à l’irrédentiste rébellion arabo-berbère qui a endeuillé le Mali. Alors commencent les grandes œuvres de construction nationale, avec la modernisation de la capitale, dotée de routes bitumées, d’échangeurs, de monuments importants tant pour l’histoire et l’anthropologie que pour l’esthétique, c’est-à-dire l’embellissement de la ville.
Le président Konaré a réhabilité également toutes les grandes figures politiques et historiques du Mali, ainsi que tous les enseignants qui ont contribué au développement de l’école. Un mémorial a été construit pour Modibo Kéïta, des lycées portent le nom de Fily Dabo Sissoko et de Hammadoun Dicko. Plusieurs autres portent le nom des héros de notre histoire, comme Soundiata Keïta, Soumangourou Kanté, Soni Ali Ber…
Le désenclavement interne et externe a également été amorcé, avec de nombreuses études et la recherche des bailleurs pour leur concrétisation. Des projets de développement, comme le barrage de Taoussa, qui existaient depuis longtemps, ont connu des avancées sous Alpha Oumar Konaré. Les aménagements hydro-agricoles se sont intensifiés dans la région de Tombouctou, à l’Office du Niger et dans la région de Mopti.
Pour la première fois, le Mali a abrité la Coupe d’Afrique des Nations, en 2002. Ce fut une grande fête, transformée en projet de développement dans les régions qui ont abrité une poule. Le Nord du Mali en a été exclu. Les promesses faites par Alpha à cette jeunesse ne se sont pas toujours concrétisées, même au nom de la continuité de l’Etat.
Il faut relever que le régime d’Alpha Oumar Konaré a construit plus d’écoles et de salles de classes que les deux régimes précédents réunis. C’est lui qui a créé, en 1996, l’Université du Mali, sur « l’existant ». Pour autant, l’école a été le talon d’Achille du régime, avec la baisse des niveaux des apprenants, le manque d’enseignants, la double vacation, la double division, le recrutement de maçons, de menuisiers, aide-comptables, électriciens, etc. (niveau CAP) comme enseignants. Certains sans diplôme! Cette situation a complètement dégradé l’éducation et le niveau d’étude a logiquement baissé.
Une autre zone d’ombre du régime, c’est l’arrestation, en 1997, des leaders de l’opposition radicale, le Collectif des partis politiques de l’opposition (COPPO), suite à la débâcle électorale du 13 avril. Des doyens comme Seydou Badian Kouyaté, feu Almamy Sylla et d’autres plus jeunes, notamment Me Tall, Choguel Maïga, feu Mohamed Lamine Traoré, ont connu les geôles du régime Konaré. Il fallait peut-être le faire, au nom de la raison d’Etat.
Moussa Traoré: Le dictateur
Une page de l’histoire de notre pays est ainsi tournée, avec l’instauration d’un régime d’exception par le Comité militaire de libération nationale (CMLN), avec un fonctionnement collégial: Moussa Traoré, Tiécoro Bagayogo, Kissima Doukara, Karim Dembelé, Missa Koné, Malick Diallo, Mamadou Sanogo, Yoro Diakité, Filifing Sissoko, Youssouf Traoré, Joseph Mara, Charles Samba Sissoko, Amadou Baba Diarra, Mamadou Cissoko…
Ces militaires, qui avaient promis le retour à un ordre constitutionnel normal, ont vite fait de prendre goût au pouvoir. Durant dix ans (1968-1978), ce fut la grande terreur, la confiscation de toutes les libertés. Et, surtout, l’incompétence des militaires à poursuivre le développement et l’industrialisation du pays, amorcés sous le régime précédent.
Avec l’éviction de Yoro Diakité de son poste de 1er vice-président du Comité et du chef du gouvernement et celle de Youssouf Traoré plus tard du ministère de l’Education, la déstabilisation du CMLN commence et les guerres intestines prennent le dessus sur le réalisme politique. C’est dans cette atmosphère que des tracts ont circulé. Ils dénonçaient les ministres commerçants et les châteaux de la sécheresse. Résultat, Oumar Ly, Ibrahima Ly, Bakary Konimba Traoré, Sadibou Cissé, Cyr Mathieu Samaké, Adama Samassékou, etc. sont arrêtés et dispersés dans les différentes prisons du pays. Le régime policier du CMLN est allé jusqu’à arrêter le sociologue Kary Dembelé pour avoir « injurié le Comité militaire pendant un de ses cours à l’ENSUP et critiqué l’épouse d’un militaire » qui était étudiante dans cette école. De même, Victor Sy avait été arrêté pour avoir « insulté » et traité le Comité militaire « d’incapable ».
A l’époque, le vécu est ainsi résumé: « Si l’on est pas content du Comité militaire, on doit quitter le pays… et, si l’on y reste, on ne doit surtout pas le critiquer ». Voilà comment le pays était tenu par les militaires. Et c’est bien dans ce contexte que la grève de l’Union nationale des élèves du Mali (UNEEM), dirigée par Abdoul Karim Camara dit Cabral, à qui Tiébilé Dramé avait remis le flambeau de la lutte, éclata en 1980.
Les conséquences de l’irruption des militaires sur la scène politique furent désastreuses, avec des arrestations multiples dans leurs rangs de soldats soupçonnés, à tort ou à raison, de fomenter un coup d’Etat, aussi bien que dans ceux des civils, accusés « d’insulter ou de critiquer le régime ». Les prisons de Taoudénit, Kidal, Inakounder, Andéraboukane et autres ont accueilli plusieurs personnalités. Certaines d’entre elles y ont perdu la vie (Ybrahima Ly, Cabral, etc.) et d’autres ont retrouvé miraculeusement la liberté (Bakary Pionnier, Tiébilé Dramé, Dioncounda Traoré, Victor Sy…) Au cours de cette période sombre de l’histoire de notre pays, nombreux sont les dignes fils du pays qui se sont exilés à Dakar, en France, en Côte d’Ivoire, en Guinée…
Mais une ère nouvelle s’était ouverte, avec l’arrestation en février 1978 de la bande de Tiécoro Bagayogo, suivie de la création de l’Union démocratique du peuple malien (UDPM). L’espoir était donc permis, avec ce parti unique constitutionnel. La gestion politique change à partir de là. Plusieurs détenus politiques recouvrent progressivement la liberté, notamment feu Mamadou Gologo El Béchir (ancien ministre) et feu Mahamane Alassane Haïdara (ancien président de l’Assemblée nationale). Plusieurs autres cadres de l’US-RDA libérés seront administrativement réhabilités.
Des hommes crédibles, à l’image d’Alpha Oumar Konaré, militant du parti clandestin PMT, avaient même adhéré à l’UDPM, ce qui a permis à Alpha de décrocher le portefeuille du ministère de la Jeunesse, des Sports, des Arts et de la Culture dans les années 78-80. On met à son actif la création de l’Union nationale des jeunes du Mali (UNJM), affiliée à l’UDPM. C’est elle qui finira par phagocyter l’UNEEEM de Cabral. La participation de Konaré au gouvernement de Moussa Traoré est jusqu’à aujourd’hui mal comprise par certains. Ce qui est sûr, c’est que des cadres du PMT, dirigé par feu Abdrahamane Baba Touré, ont infiltré les structures de l’UDPM et les institutions de la République. C’est ainsi que l’ancien ministre Ousmane Sy a siégé dans la Commission décentralisation du Bureau Exécutif Central (BEC) de l’UDPM, piloté alors par Bouillé Siby de Nioro du Sahel, décédé il y a trois ans. De même, Soumeylou Boubèye Maïga, l’un des leaders les plus légitimes du Mouvement démocratique, était membre du Conseil Economique, Social et culturel, présidé par le Général Amadou Baba Diarra. Ce n’est pas tout, feu Boubacar Sada Sy, l’un des bailleurs de fonds du PMT, dirigeait la CMDT, fleuron de notre économie. Même N’Golo Traoré, le dernier ministre des Affaires Etrangères du régime UDPM était étiqueté PMT. Contrairement au PRMD de feu Mamadou Lamine Traoré, l’une des composantes de l’ADEMA-Association, la formation politique clandestine de feu Abdrahamane Baba Touré a collaboré, d’une manière ou d’une autre, avec l’UDPM de Moussa Traoré.
Mais ce dernier refusa systématiquement l’ouverture démocratique et défendit la « démocratie à l’intérieur du parti ». Son régime se consolidait et marquait des points à l’extérieur, où il était présenté comme un homme de dialogue, de paix, un homme pragmatique et modéré, un homme efficace et discret. Ce qui lui a valu de diriger l’OUA de 1988 à 1989. Au cours de son mandat, il s’était battu farouchement contre l’apartheid et avait plaidé en faveur de l’indépendance de la Mozambique et de la Namibie. Le Mali, à travers lui, avait apporté son concours aux mouvements de libération nationale. La diplomatie d’alors, avec feu Aliou Blondin M’Baye était active, engagée et compétente.
Auparavant, Moussa Traoré avait participé à la création de la CEDEAO, avec son homologue Moussa Yacouba Gowon du Nigéria, qui s’est déplacé à Bamako en février 1973 pour la signature du protocole d’accord entre nos deux pays créant cette organisation. De même, le Liptako-Gourma, l’OMVS, le CILSS ont été portés sur les fonts baptismaux avec la collaboration effective de Moussa Traoré.
Son régime a également fait des réalisations: l’ITEMA, la cimenterie de Diamou, l’Industrie malienne de cyclomoteurs, la CMDT, l’Ecole de Médecine et de la Pharmacie et l’ECICA (toutes ont vu le jour en 1970). S’y ajoutent l’aéroport international de Bamako-Sénou (1975), la SEPAMA de Kita (1976), le barrage de Selingué (1982), celui de Manantali (1989), le Palais de la culture, l’UMPP et la télévision nationale (les trois en 1983), la route Sévaré-Gao (mai 1987), le Pont Fadh (1989), le Palais des congrès (1990). Sans compter les recherches minières, lancées entre 1970 et 1980 avec la SOGEMORK, ce qui a permis, au nom de la continuité de l’Etat, aux sociétés minières de s’installer dans notre pays. Il y a également des aménagements hydro-agricoles à l’Office du Niger, à Mopti et à Diré.
Mais, face au refus du président Moussa Traoré d’accepter l’ouverture démocratique réclamée par les associations politiques et les doléances de l’Association des Elèves et Etudiants du Mali (AEEM), le régime s’affaisse. Conséquence: les évènements de mars 1991, qui ont occasionné la mort de 610 élèves et étudiants et des centaines de blessés, précipitèrent sa chute.
Renversé par un coup d’Etat le 26 mars de la même année, Moussa Traoré sera condamné doublement à mort lors des procès « crimes de sang » et « crimes économiques » (les peines furent ensuite commuées en détention à perpétuité). Il est actuellement en liberté, pour avoir été gracié par le président Alpha Oumar Konaré en 2002.
Comme, on le voit, le tort causé au peuple malien par le régime CMLN-UDPM a anéanti tout ce que Moussa Traoré avait fait en termes de réalisations. Mais, au nom de la vérité historique, il faut le reconnaitre et le dire.
Modibo Kéïta : un grand patriote
Enfin, le père fondateur de la nation, Modibo Keïta, le meilleur de tous. En effet, le Secrétaire général d’alors de l’Union soudanaise RDA, Modibo Kéïta a proclamé l’indépendance de la République Soudanaise, appelée Mali, le jeudi 22 septembre 1960, au cours du Congrès extraordinaire de cette formation politique, tenu au Collège technique de Bamako, suite aux malheureux et douloureux évènements d’août 1960, qui consacrèrent l’éclatement de la Fédération du Mali, regroupant le Sénégal et le Soudan.
Depuis, beaucoup d’eaux ont coulé sous les ponts. Le Mali a changé et a vécu des soubresauts, disons des hauts et des bas. C’est ainsi que le pays a été dirigé par six Présidents et a connu trois Républiques: le Mali socialiste de Modibo Kéïta, dictatorial de Moussa Traoré et démocratique d’Alpha Oumar Konaré et d’Amadou Toumani Touré. Et, une transition (une parenthèse) dirigée par Dioncounda Traoré, sous l’œil perturbateur d’un certain Capitaine, pardon Général, Amadou Aya Sanogo.
Chacune des Républiques a fait des grandes réalisations, commis des erreurs, considérées comme des déficiences. Mais, globalement, les attentes des Maliennes et des Maliens ne sont toujours pas comblées. Le Mali demeure toujours un vaste chantier propice aux investissements, à l’amélioration des conditions de vie et de travail des populations.
Incontestablement, le père de la nation, Modibo Kéïta, était un grand patriote, un panafricaniste convaincu, un homme charismatique, honnête, courageux, travailleur, un « agitateur de haute classe à surveiller de près » selon le colonisateur.
Il incarnait la fierté et la dignité du peuple malien et des peuples africains. Son régime socialiste était confronté, au lendemain de l’indépendance du Mali, pardon du Soudan, à de dures épreuves, en raison de l’arrêt de la liaison Dakar – Niger. Le circuit commercial, le ravitaillement du Mali, qui n’a aucun débouché sur la mer, furent ainsi interrompus. Il fallut trouver des solutions de rechange pour désenclaver le Mali. C’est dans cette dynamique que furent créées 34 sociétés d’Etat et des sociétés mixtes: La Banque de la République du Mali (BRM), la Banque malienne de crédits et de dépôts (BMCD), la Société malienne d’importation et d’exportation (SOMIEX), la Société nationale d’entreprise et de travaux publics (SONETRA), les Ateliers et chantiers du Mali (ACM, regroupant la Compagnie de navigation, l’huilerie de Koulikoro et les ateliers de Markala), l’Energie du Mali (EDM), l’Office des céréales, fruits et légumes (transformé en OPAM), l’Office du Niger (ON), la Société nationale pour l’exploitation des abattoirs et annexes (SONEA), la Société des conserves du Mali (SOCOMA) à Baguineda, la Société des briqueteries du Mali, la Société d’Equipement du Mali (SEMA), la Société nationale de recherche et d’exploitation des ressources minières (SONAREM), Air Mali, la Régie de chemin de fer du Mali (RCFM), la Régie des transports du Mali (RTM), les Transports urbains du Mali (TUB), l’Office des postes et télécommunications du Mali (OPT), la Pharmacie populaire du Mali (PPM), la Librairie populaire du Mali (PPM), les Editions populaires et l’imprimerie Kassé Kéïta, l’Imprimerie nationale du Mali à Koulouba, la Société nationale des hôtelleries du Mali, l’Office malien du tourisme, l’Office cinématographique national du Mali (OCINAM), l’Union nationale des coopératives (UNICOOP), la Société de crédit agricole et d’équipement rural (SCAER), la Société de constructions radioélectriques (SOCORAM), la Société nationale des tabacs et allumettes (SONATAM), la Société des tanneries maliennes (TAMALI), l’Entreprise malienne du bois (EMAB), la Compagnie malienne des textiles (COMATEX), la Société des cimenteries du Mali (SOCIMA) et l’usine céramique de Djikoroni. S’y ajoutent des entreprises à vocation sociale: la Caisse nationale d’assurance et de réassurance (CNAR) et l’Institut national de prévoyance sociale (INPS), etc.
Sur le plan politique et diplomatique, le régime de Modibo Kéïta a fortement condamné la « trahison des dirigeants sénégalais, qui ont proclamé l’indépendance de la République du Sénégal en reniant leur serment du 17 janvier 1959, en violation de la Constitution fédérale ne reconnaissant pas le droit de sécession ». Pour la petite histoire, tout le monde sait que ce sont les Français qui ont inspiré, préparé, déclenché et soutenu la sécession du Sénégal, en violation des accords franco-maliens.
En outre, Modibo Kéïta avait établi une politique de paix dans le monde et particulièrement en Afrique, où il a condamné toutes les guerres impérialistes et soutenu les peuples qui se battaient pour leur indépendance. C’est ainsi qu’il s’est battu pour la cessation des hostilités en Algérie. Le Mali a même servi de base arrière pour Alger. L’actuel président Abdelaziz Boutéflika était basé à Gao (Nord-Est du Mali) où il collectait des armes pour les acheminer vers son pays. Le Mali de Modibo Kéïta a fortement contribué à la libération de l’Algérie, qui accéda finalement à l’indépendance en 1962.
Cependant, le régime de Modibo Kéïta, n’a pas fait que du bien. En effet, on lui reproche d’avoir assassiné le trio Fily Dabo Sissoko, Hamadoun Dicko et Kassoum Touré. Les deux premiers sont du PSP, un vieux parti rival de l’US-RDA. Ils ont été accusés d’intelligence avec la France (ce qui constituait la pire infamie de l’époque). Ils furent donc arrêtés, jugés et condamnés à mort par un tribunal populaire, présidé par Diarra H. Dans cette mouvance, des barons de l’US-RDA qui s’était embourgeoisés ont également était mis à l’écart. A cela s’ajoutent les exactions de la Milice qui réduisait considérablement les espaces de liberté, si bien que, souvent, des membres d’une même famille ne se faisaient pas confiance.
L’avènement du franc malien (mis en circulation en juillet 1962), garanti plus tard par le Trésor français, et consécutif à la signature des accords monétaires de 1967, a provoqué un grand mécontentement, tant cela jurait avec les discours du régime sur le néocolonialisme français. Avec la création du Comité national de défense de la révolution(CNDR), le 22 août 1967, la fracture sociale s’est élargie et le mécontentement a grandi au sein de l’appareil politique de l’US – RDA, parce que l’Assemblée nationale venait d’être dissoute. Conséquence: Modibo Kéïta est proclamé par la jeunesse « guide unique ».
Voilà des germes semés par le père fondateur de la Nation qui ont servi de prétexte à un groupe d’officiers de l’armée nationale, avec à leur tête le Capitaine Moussa Traoré, pour mettre fin, le 19 novembre 1968, à la première République. Soulignons que Modibo Kéïta, né en 1936, est décédé en prison le 16 mai 1977. Les circonstances de son assassinat restent toujours ambigües malgré quelques indications sur sa mort contenues dans le livre du capitaine Soungalo Samaké (l’un des putschistes et surtout le geôlier de Modibo Kéïta), intitulé « Ma vie de soldat », publié par Librairie Traoré, la Ruche à livres (2007).
Chahana TAKIOU
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