Le milliardaire et sénateur russe Souleïman Kerimov (à l’arrière) est conduit dans un véhicule de police au tribunal de Nice, le 22 novembre 2017 / © AFP / Yann COATSALIOU
Le milliardaire et sénateur russe Souleïman Kerimov a été mis en examen mercredi par un juge d’instruction de Nice pour blanchiment de fraude fiscale et placé sous un strict contrôle judiciaire, qui lui interdit de quitter les Alpes-Maritimes.
Il devra remettre son passeport russe aux autorités, et verser un cautionnement de cinq millions d’euros, a précisé à l’AFP le procureur de la République de Nice, Jean-Michel Prêtre.
M. Kerimov, dont l’interpellation lundi à l’aéroport de Nice a provoqué la colère de Moscou, a également l’obligation de « se présenter plusieurs fois par semaine » aux services de police et l’interdiction d’entrer en contact avec certaines personnes liées au dossier.
Le parquet avait requis son placement en détention provisoire, mais le juge des libertés et de la détention a choisi de lui imposer ce strict contrôle judiciaire.
M. Kerimov est soupçonné de s’être approprié plusieurs propriétés mitoyennes sur la presqu’île du Cap d’Antibes, havre pour milliardaires, par des achats successifs réalisés sous un prête-nom et pour des montants sous-déclarés.
Il pourrait avoir à rembourser « plusieurs dizaines de millions d’euros » au fisc français, selon une source proche du dossier.
Son factotum dans l’Hexagone, un homme de nationalité française, a été mis en examen également. Trois autres gardés à vue seront convoqués ultérieurement par le juge, a précisé une source proche du dossier.
L’affaire, à l’instruction depuis trois ans, avait déjà débouché sur des saisies, une perquisition en février et les mises en examen d’un avocat fiscaliste de la Côte d’Azur et de deux hommes d’affaire suisses.
Avec la mise en examen de M. Kerimov, la justice française a frappé plus fort: le milliardaire est détenteur d’un passeport diplomatique, qu’il n’aurait pas utilisé lundi, voyageant pour raisons privées.
Le chargé d’affaires français à Moscou a été convoqué après que la Douma, chambre basse du Parlement, eut voté une résolution dénonçant une violation de la convention de Vienne sur l’immunité diplomatique.
« Le statut de sénateur de Souleïman Kerimov, ainsi que le fait qu’il soit citoyen de la Russie, constituent un gage que nous entreprendrons tous les efforts possibles, les efforts maximaux pour protéger ses intérêts juridiques », a déclaré le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov.
« M. Kerimov bénéficie d’une immunité de juridiction pénale étrangère pour les seuls faits accomplis dans l’exercice de ses fonctions », a réagi le Quai d’Orsay.
– 21e fortune de Russie –
C’est au détour d’une banale enquête pour trafic de stupéfiants que la police française a été mise sur la piste, intriguée par les allées et venues avec de l’argent liquide de la secrétaire de l’avocat fiscaliste antibois Philippe Chiaverini.
Classé 21e fortune de Russie par le magazine Forbes qui estime son patrimoine à 7 milliards de dollars (6 milliards d’euros), l’oligarque de 51 ans est un familier de la Côte d’Azur.
En septembre, Nice-Matin avait révélé que la villa « Hier » au Cap d’Antibes, évaluée 150 millions d’euros et dont M. Kerimov était soupçonné être le propriétaire occulte, avait été frappée d’une saisie pénale. Dans un droit de réponse, le financier suisse Alexandre Studhalter avait annoncé un recours et démenti être l’homme de paille de M. Kerimov.
Le nom d’un autre entrepreneur suisse, Philippe Borghetti, apparaît dans le dossier. Tout comme MM. Chiaverini et Studhalter, il est mis en examen pour blanchiment de fraude fiscale, ce dont il se défend « avec la plus grande énergie », selon son avocat Me Philippe Soussi.
Originaire du Daguestan, une république russe voisine de la Tchétchénie, M. Kerimov a fait fortune lors de la chute de l’URSS. Il a notamment détenu des parts dans le numéro un mondial des engrais agricoles Uralkali et contrôlé le club de football daguestanais d’Anzhi Makhachkala, qu’il avait hissé un temps au sommet en achetant des joueurs de premier plan comme le Camerounais Samuel Eto’o ou le Brésilien Roberto Carlos.
Après d’importantes pertes financières, il a cédé la plupart de ses actifs et détient désormais, avec sa famille, le producteur d’or Polyus.
Il a également été député du parti ultranationaliste LDPR avant de représenter le Daguestan au Conseil de Fédération, la chambre haute du Parlement russe.
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(©AFP / 23 novembre 2017 09h05)