Le Sacré et le profane : Avis d’un citoyen sur le projet de révision Constitutionnelle

Au sortir de la crise du 26 Mars 1991, le peuple malien a adopté par référendum organisé le 25 Février 1992, sur l’ensemble du territoire national, sa nouvelle constitution. A l’époque, la situation sécuritaire partout au Mali avait permis à tous les maliens de se prononcer lors de ce référendum constitutionnel, conférant ainsi une haute valeur à ce texte fondamental, auquel nous devons tous désormais un respect absolu. Ce respect absolu lui confère un caractère sacré incompréhensible pour un profane.
Cette Constitution nous a permis de naviguer durant deux décennies dans un contexte démocratique jusqu’à la crise politico-sécuritaire de 2012. Lors de cette crise, en moins d’une semaine, nous avons perdu le contrôle de plus des 2/3 de la superficie du pays, occupés par des Jihadistes. Malgré cette tragédie nationale, à l’occasion des élections présidentielles de Juillet 2013, dans un sursaut populaire sans précédent, le Peuple malien a élu Ibrahim Boubacar Keita Président de la République sur la base de sa volonté affichée à faire régner la paix dans tout le Mali. C’est justement sur le terrain de la paix que le nouveau Président du Mali était le plus attendu.
Il s’est passé beaucoup de choses entre temps et aujourd’hui, force est de constater que la paix est loin de régner partout au Mali. L’Etat et l’administration sont absents dans une bonne partie du centre et du Nord du pays. Cette absence de l’administration, pour raison d’insécurité, est la cause majeure de la non-tenue des dernières élections municipales dans de nombreuses communes et je ne vois pas cette situation changer avant le 9 Juillet prochain. Au moment où une bonne partie du Mali continue de vivre cette crise sécuritaire aux multiples causes et aux conséquences désastreuses pour les paisibles populations, la priorité DOIT ETRE LA PAIX ET PARTOUT LA PAIX.
Le texte fondamental, notre constitution, qui est devenu notre commun sacré suite au référendum de 1992 est donc intouchable avant que l’on puisse permettre à tout malien partout où il se trouve de se prononcer par référendum pour désacraliser ou non l’ancien et sacraliser ou pas le nouveau commun, c’est-à-dire la nouvelle Constitution. Tout malien doit et a le droit de se prononcer sur notre futur commun. Tant que cela n’est pas possible, le risque est grand d’augmenter la frustration de beaucoup de nos compatriotes vivant dans les zones abandonnées par l’administration malienne. Nos frères et sœurs qui vivent dans ces zones sont perdus et ne savent plus quoi penser de l’Etat ou du Jihadiste au risque de basculer vers ce dernier, tant ils se sentent abandonnés par l’un, tant l’autre tente de les convaincre qu’il n’est là que pour les protéger.
En voulant précipiter ce Référendum qui ne peut pas se tenir partout, il y a un grand risque d’exacerbation de la crise de confiance entre les populations et l’Etat. Si malgré tous ces risques, les instigateurs de cette réforme constitutionnelle veulent passer en force pour la faire adopter, sans pouvoir assurer l’accès aux urnes à tous les maliens, cela équivaudrait à profaner notre sacré commun.
Les profanes qui se jetteraient et se consumeraient dans le feu sacré pensant l’éteindre en étant convaincu que ce serait source de Miséricorde pour eux, sauront-ils résister au trou noir qu’accouchera la profanation du sacré ?
Au-delà de cette réflexion philosophique, j’en appelle au sens de la responsabilité et au devoir patriotique de chacun pour se mobiliser de manière pacifique afin d’obtenir le retrait du texte. En effet, non seulement la situation sécuritaire précaire empêche une grande partie des maliens d’aller voter mais le projet de révision contient en soit de sérieuses lacunes. Je fais référence notamment aux dispositions permettant au Chef de l’Etat de nommer un tiers des Sénateurs ou encore de procéder à des révisions Constitutionnelles sans consulter les populations. Ces dispositions extrêmement polémiques ne servent ni la paix ni à l’apaisement du climat social pour lesquels le Président IBK a pourtant été élu.
Restons donc mobilisés car la voie de la force n’aura jamais la force de votre voix !
Aliou Boubacar DIALLO, Président d’Honneur de l’ADP-Maliba et Citoyen malien