Quelques heures plus tard, l’Iran a rouvert son ambassade à Londres, en présence de son chargé d’affaires et de son vice-ministre des Affaires étrangères iranien Mehdi Danesh Yazdi.
Dans un premier temps, les deux ambassades auront à leur tête des chargés d’affaires, auxquels succéderont des ambassadeurs dans quelques mois, a déclaré le chef de la diplomatie britannique, Philip Hammond.
Celui-ci a assisté à la levée de l’Union Jack dans les jardins de l’ambassade à Téhéran, opulent édifice du XIXe siècle qui avait été mis à sac par des manifestants en novembre 2011. Dans la foulée, Londres avait expulsé les diplomates iraniens en Grande-Bretagne.
« Cette cérémonie marque la fin d’un chapitre dans les relations entre nos deux pays et le début d’un nouveau, qui promet, je le crois, des jours meilleurs », a-t-il déclaré.
L’inscription « Mort à l’Angleterre » est encore visible sur les portes de la salle de réception de l’ambassade saccagée il y a quatre ans.
Les relations entre Téhéran et les puissances occidentales se sont peu à peu améliorées depuis l’élection du président Hassan Rohani en 2013, mais l’accord de juillet conclu à Vienne avec le groupe P5+1, qui réunit les membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU (États-Unis, Russie, Chine, France, Grande-Bretagne) et l’Allemagne, a accéléré les choses.
À la conquête d’un « marché frontière »
Dans les semaines ayant suivi l’accord, qui prévoit d’encadrer les activités nucléaires de l’Iran en échange d’une levée progressive des sanctions, les ministres allemand et français des Affaires étrangères, Frank-Walter Steinmeier et Laurent Fabius, de même que la Haute Représentante de l’Union européenne pour la politique étrangère et de sécurité commune, Federica Mogherini, se sont rendus à Téhéran.
Un des objectifs, pour nombre de capitales, est de se positionner au mieux en vue de la réouverture d’un marché de plus de 78 millions d’habitants, un bouleversement que certains investisseurs comparent à l’ouverture de l’économie russe après l’effondrement de l’Union soviétique en 1991.
« C’est un vaste marché émergent qui s’ouvre, un vaste « marché frontière ». L’Iran a le potentiel d’une superpuissance dans le domaine de l’énergie », note Norman Lamont, ancien ministre des Finances qui préside aujourd’hui la British Iranian Chamber of Commerce. « Mais il est également nécessaire d’être prudent parce que nous ne savons pas quelles sanctions américaines vont rester », ajoute-t-il.
Le secrétaire Hammond est accompagné par une petite délégation d’hommes d’affaires et de représentants d’entreprises, dont le groupe pétrolier Royal Dutch Shell, la société Amec Foster Wheeler présente dans les services liés à l’énergie et à l’industrie minière ou la compagnie écossaise d’ingénierie industrielle Weir Group.
Le retour du vieux renard
« En premier lieu, nous voulons garantir le succès de l’accord nucléaire, y compris en favorisant le commerce et les investissements lorsque les sanctions seront levées », a expliqué le chef de la diplomatie britannique.
Philip Hammond a déclaré au gouverneur de la banque centrale d’Iran, Valiollah Seif, que les banques britanniques, qui ont en mémoire les amendes imposées par le passé par les autorités américaines, souhaitaient parfaitement respecter les règles lorsqu’elles reprendront leurs affaires en Iran.
« Le désir est très grand de la part de nos entreprises de saisir les occasions que représente l’ouverture de l’Iran, et nos institutions financières sont très désireuses de soutenir ces opérations, mais il va de soi que cela doit se faire dans le respect des règles », a dit le secrétaire au Foreign Office.
Philip Hammond est le deuxième secrétaire au Foreign Office à se rendre en Iran depuis la révolution islamique de 1979. Seul Jack Straw l’a devancé. C’était en octobre 2003, dans le cadre d’une tentative de médiation portant déjà sur le programme nucléaire iranien menée avec ses homologues de la « troïka » européenne, le Français Dominique de Villepin et l’Allemand Joschka Fischer.
À Téhéran, les futurs diplomates britanniques devront s’atteler à reconstruire une relation de confiance alors que le Royaume-Uni est encore qualifié de « Petit Satan » ou de « Vieux renard » (« Old Fox »). L’agence de presse iranienne Fars, dans son édition électronique, présente ainsi la réouverture de l’ambassade comme « le retour du renard ».
Le bâtiment édifié au XIXe siècle en plein « Grand Jeu », quand l’Empire britannique tentait de stopper l’expansion de la Russie tsariste, avait été qualifié en 2011 d’« ambassade du mal « par le guide suprême de la révolution islamique, l’ayatollah Ali Khamenei.
Il faisait allusion à l’« axe du mal » du président américain George W. Bush, sur lequel l’Iran côtoyait l’Irak et la Corée du Nord, mais aussi à la découverte, signalée en 2007 par la presse iranienne, d’un tunnel secret entre l’ambassade et une boutique de tapis qu’utilisaient « des espions et des prostituées » pour échapper à toute surveillance.
http://ici.radio-canada.ca/ 23/08/2015