LE PVI TRANSFORME EN TONTINE LES PATRONS Près de 7 milliards FCFA d’irrégularités dont 2 472 150 000 FCFA de subventions injustifiées

Moussa B COul 2

A vrai dire, au niveau du CNPM, le Programme de vérification des importations (PVI) est géré comme s’il s’agissait d’une tontine mise à sa disposition, au regard des nombreux constats d’irrégularités relevées dans le cadre de la gestion de ce Programme consistant à effectuer une série de vérifications que l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) désigne, dans sa phase départ, sous les termes « Inspection Avant Expédition des Marchandises ». Le PVI trouve son fondement au Mali dans le Décret n°89-196/P-RM du 15 juin 1989 qui l’a institué.

C’est suite à une saisine du Premier ministre par lettre n°0001035/PM-CAB du 4 décembre 2013, que le BVG a initié la mission de vérification du Programme de vérification des importations dont la gestion a été confiée par l’Etat au Conseil national du Patronat du Mali (CNPM) depuis le 31 mars 2000, à travers des mandats successifs du gouvernement.

Le BVG s’est intéressé à la gestion de programme par le CNPM pour la période allant de 2007 à 2013, au cours de laquelle, les budgets approuvés par les autorités de tutelle totalisent en recettes et en dépenses le montant de 68,73 milliards de FCFA. Comme le précise le BVG, « les recettes sont essentiellement constituées par les droits de contribution institués par le Gouvernement à la charge des importateurs. Les honoraires de la société de contrôle BIVAC International en charge du PVI depuis le 1er janvier 2007 constituent en moyenne 86% des dépenses engagées ».

Le BVG, dans le cadre de cette mission de contrôle, a constaté que «le contrôle interne mis en place pour la gestion du PVI présente des insuffisances», notamment au niveau du contrat de BIVAC International, lequel comporte des dispositions défavorables à l’Etat malien. «Le souci de maintien des honoraires de BIVAC International relatifs au scanning et à l’Inspection Avant Expédition des Marchandises (IAEM), à des proportions soutenables par les recettes de contribution, n’est pas pris en compte par le contrat signé avec BIVAC International, toute chose qui expose l’Etat à assumer le déficit éventuel engendré», précise le BVG.

Mais ce qui est plus grave : le CNPM n’a pas pu justifier les subventions qui lui ont été accordées sur les ressources du PVI de 2007 à 2013. Il n’a pas fourni les documents relatifs à l’utilisation de la subvention notamment l’état détaillé et les pièces justificatives y afférentes. Le montant total des subventions non justifiées pour la période 2007 à 2013 est égal à 2,47 milliards de FCFA.

En plus, Le CNPM a payé des subventions en sus du montant inscrit au budget du PVI. En effet, un montant de 240 millions de FCFA a été décaissé au profit du CNPM à titre de subvention en dépassement du montant autorisé dans le budget du PVI de l’exercice 2009. De même, le CNPM a payé 370 millions de FCFA à l’Autorité Routière sous forme de subvention alors que ce montant n’était pas dans le budget. Le montant total des subventions indûment décaissées en sus des dotations budgétaires est de 610 millions de FCFA.

Par ailleurs, l’organisation patronale a accordé des jetons de présence indus aux membres du Comité de gestion du PVI. Au lieu de 600 000 FCFA de jetons de

Présence, le CNPM a payé à chaque membre dudit comité 1,5 million de FCFA pour le 1er semestre 2009, soit un écart de 900 000 FCFA par membre. Il en résulte un surplus de paiement total de 27 millions de FCFA.

De même, le CNPM a procédé au paiement de la somme de 19,80 millions de FCFA à titre de rappel de jetons de présence de 2008, alors que le paiement au titre de cet exercice avait déjà été effectué, conformément au taux en vigueur de 100 000 FCFA par mois. Le montant total des indemnités indûment payées par le CNPM au cours des périodes concernées est de 46,80 millions de FCFA. Ah, la grande tontine des patrons du Mali.

Les opérateurs économiques et notamment des organisations comme le Synacodem et le Groupement des commerçants n’avaient pas tort de poser le problème du coût des opérations d’importation et avaient même menacé de déclencher un mouvement de grève il n’y a guère longtemps. En effet, comme le constate le BVG, l’organisation et le fonctionnement des sites de scanning du PVI ne sont pas conformes aux dispositions règlementaires. La plupart des postes péage/pesage ne sont pas pourvus en agents de douanes contrairement aux dispositions de l’Arrêté n°08-1646/MF-SG du 10 juin 2008 portant adoption d’un manuel de procédures en matière de scanning des marchandises importées au Mali. Cette absence laisse la gestion des sites à la seule société de contrôle (BIVAC), ce qui ne permet pas de garantir le respect des formalités d’usage, des mesures de sécurité et de corroborer les informations statistiques relatives aux bulletins de scannage sur la base desquelles la société de contrôle est rémunérée ».

En plus, «le minimum en honoraire perçu par BIVAC International par intervention dans le cadre de l’IAEM est de 100 000 FCFA, correspondant au prix forfaitaire lorsque la valeur Free on Board (FOB) de l’importation n’atteint pas 16,67 millions de FCFA ou 20 millions de FCFA en fonction du taux applicable. Il en est de même pour le scanning des marchandises qui est facturé suivant un forfait de 50 000 FCFA par camion. Ces deux types d’honoraire sont pris en charge sur la contribution fixée à 0,75% de la valeur FOB et payée au moment de la levée de l’intention d’importation. Or, une seule intention d’importation peut être l’objet de plusieurs inspections et peut concerner plusieurs cargaisons. Par conséquent, chaque opération passée par la règle de l’honoraire minimum dégage un « surplus d’honoraire » auquel s’ajoutent les frais de scanning payés par camion. Ainsi à la longue, la contribution servant à prendre à charge ces frais ne pourra plus les couvrir. A titre d’illustration, l’écart dégagé relativement à l’application de ce minimum forfaitaire lié à l’IAEM sur la période sous revue s’élève à 5,30 milliards de FCFA».

Des irrégularités sont constatées en termes d’organisation et de méthodes inappropriées, voire inefficaces de gestion du contrôle des importations. C’est le cas au niveau du guichet unique de la Dncc, qui n’a pas constitué de bases de données suffisantes pour assurer les contrôles préalables sur les déclarations d’intention et procède à une détermination approximative du prix, à partir de la description de la marchandise sur la facture proforma fournie par l’opérateur, sans base de comparaison des prix pour éviter la minoration de la valeur FOB des marchandises à la levée des intentions d’importation.

De même, le Régisseur de recettes du CNPM n’a pas tenu de comptabilité conformément aux exigences de son arrêté de nomination. « Aucun document comptable n’est tenu pour retracer, à tout moment, la situation des versements effectués ainsi que le montant des disponibilités. Le Régisseur se limite à l’enregistrement des chèques reçus dans l’application informatique «TETRA» et à leur remise aux banques destinataires contre bordereaux de versement », comme constaté par le BVG.

Ce même Régisseur des recettes du Cnpm n’a pas pu justifier le reversement exhaustif des contributions collectées. En effet, le montant total des contributions collectées de 2008 à 2013 mais non reversées dans les comptes bancaires s’élève à 24,11 millions de FCFA. En outre, un montant de 639,20 millions de FCFA au titre de l’exercice 2007 n‘a pas été retracé dans les comptes du CNPM.

Le BVG conclut que la somme totale 680.914.242 FCFA fait l’objet d’une dénonciation à la justice. En d’autres termes cette somme doit faire l’objet de poursuites judiciaires. Elle concerne : des subventions indues à hauteur de 610.000.000 FCFA; 46 800.000 FCFA de jetons de présence indus ; 24 114 242 FCFA de droits de contribution non perçus.

Sans compter le montant total de 3 432 299 760 FCFA à recouvrer et relevant de la mauvaise gestion. Il s’agit de 1 371 133 855 FCFA de taux légal de contribution ; 639 205 574 FCFA de droits de contribution non retracés ; 2 061 161 905 FCFA au titre de droits de contribution non perçus et 2 472 150 000 FCFA de subventions non justifiées.

Reste à voir la suite réservée à ce dossier. Mais d’ores et déjà, c’est l’image du Cnpm qui se trouve écorchée par ce rapport accablant qui nous donne raison car nous avons toujours tiré la sonnette d’alarme sur la gestion du PVI, de l’attribution du marché à BIVAC à la gestion quotidienne de ce programme.

A.D.

Source: journallesphynxmali.com 30/05/2015