Pour l’Etat malien, représenté par le ministre des Affaires étrangères et de la coopération internationale, Abdoulaye Diop, le projet d’Accord est «un document équilibré, qui prend en compte l’essentiel des préoccupations du gouvernement du Mali». Il est centré, a-t-il laissé entendre, sur le principe de la libre administration des collectivités, dans le cadre d’un Etat unitaire. On retrouve la même satisfaction chez le représentant de la Plateforme des mouvements d’autodéfense, Me Harouna Toureh, qui s’est réjoui du caractère rassembleur du document.
On notait quelques réserves de principe chez les représentants de la Coordination des mouvements de l’Azawad, qui avaient laissé entendre qu’ils allaient étudier le projet d’accord en détail, admettant en même temps la nécessité de parvenir rapidement à «un compromis courageux».
Du côté de la médiation dont l’Algérie est le chef de file, il n’était plus question de tergiverser. C’était à prendre ou à laisser, la cérémonie de paraphe du document ayant été programmée pour hier dimanche. Cette douce pression a certainement eu raison de ce soupçon de maximalisme chez la Coordination des mouvements de l’Azawad et le document a sans doute été paraphé hier dans la capitale algérienne par les parties.
Il faut du recul pour faire une analyse sérieuse du texte, à propos duquel il y a tant à dire et à redire. Cependant, un écrémage de ce projet d’Accord laisse apparaitre que l’Etat malien a renoncé à certaines de ses exigences. Certainement au nom de la paix. Il a accepté, par exemple, que figure dans le projet d’Accord la dénomination «Azawad». « L’appellation Azawad recouvre une réalité socioculturelle, mémorielle et symbolique partagée par différentes populations du nord Mali, constituant des composantes de la communauté nationale. Une compréhension commune de cette appellation qui reflète également une réalité humaine, devra constituer la base du consensus nécessaire, dans le respect du caractère unitaire de l’Etat malien et de son intégrité territoriale», peut-on lire dans le document.
En réalité, l’Azawad, selon l’historien Bakary Kamian, donc l’une des voix les plus autorisées, n’est rien de moins qu’une enclave se trouvant entre la ville de Tombouctou et Araouane, une localité située à un jet de pierre de la Cité mystérieuse.
L’article 13 du projet d’Accord fait cas de la «mobilisation en faveur d’un développement des régions du nord» et, à l’article 38, il est stipulé que «la Zone de Développement des Régions du nord bénéficiera, de façon prioritaire, des dispositifs de soutien de l’Etat prévus dans le présent Accord. A cet égard, les Parties conviennent de mettre en œuvre toutes les mesures à court, moyen et à long termes énoncées dans l’annexe relative au développement socio-économique et culturel».
On perçoit ici une discrimination positive en faveur des régions du nord. Probablement à cause des conditions géo-écologiques particulières. Pour la paix, ce n’est peut-être pas une concession de trop. Sinon, à Diafarana, village situé dans l’ex-arrondissement de Keleya, commune de Dogo,cercle de Bougouni, on chercherait avec une torche en plein jour un centre de santé digne de ce nom. En vain.
A quelques encablures de la capitale, dans certains villages du cercle de Kangaba, le berceau même de l’empire du Mali, on continue de vivre dans des huttes antédiluviennes.
Au chapitre du redéploiement des forces armées et de sécurité, on peut lire à l’article 21 «les forces armées et de sécurité reconstituées se redéployeront, de manière progressive à compter de la signature de l’Accord, sur l’ensemble des régions du nord. Ce redéploiement s’effectue sous la conduite du Mécanisme Opérationnel de coordination (MOC), avec l’appui de la MINUSMA». L’on est fondé à se demander si, dans la mise en œuvre de l’Accord, cette «progressivité» ne comporte pas quelques embûches.
La signature de l’Accord définitif devrait avoir lieu à Bamako. On peut parler d’avancée s’agissant de cette signature, si elle a lieu. Cependant, une chose est de signer un Accord, l’autre est de l’appliquer sur le terrain. On peut déjà présager que, à la lumière d’un passé récent, son application ne sera pas une mince affaire. Loin s’en faut. En la matière, des questions de fond demeurent.
Les futurs ex-combattants sauront-ils se dépouiller de leurs manteaux de corsaires, tournant le dos aux razzias des temps modernes pour se muer en bâtisseurs de la nation consciencieux? Leurs accointances avec les milieux du narcotrafic ne vont-elles pas les rattraper? La communauté internationale, France et Algérie en tête, pourra-t-elle arrêter de jouer au «bal masqué dans le Sahara malien» afin de jouer la carte du réalisme, une posture salvatrice pour la paix au Sahel et la sécurité mondiale? L’avenir nous le dira.
Yaya Sidibé
Source: Le 22 Septembre 2015-03-01 19:32:03