« Je n’ai rien à cacher sur mes ambitions… »
Dans un récent entretien accordé au Magazine « L’Essentiel des relations internationales » dans un dossier spécial Mali, le président du mouvement Benkan, Seydou Mamadou Coulibaly, non moins président de CIRA Holding SAS ne cache pas ses ambitions de contribuer à redonner l’espoir au peuple malien…
En proposant un Pacte citoyen aux Maliens en avril dernier, Seydou Mamadou Coulibaly a occupé une place importante sur l’échiquier politique malien. Pas encore candidat à la présidentielle de 2022, il évoque néanmoins sa vision pour son pays.
L’Essentiel des relations internationales : Monsieur, quel regard portez-vous sur la transition actuelle et comment l’accompagnez-vous pour que, demain, le Mali soit de nouveau une nation forte et stable ?
Seydou Mamadou Coulibaly : Il faut avoir conscience de l’extrême fragilité de notre pays, cela impose à tous les Maliens sans exclusive de travailler sans relâche dans la dynamique de recherche de solutions pérennes et durables pour permettre l’atteinte du triptyque « paix, sécurité et développement ». Le Mali vit une crise importante depuis une décennie ; les conséquences sont désastreuses. L’Unicef affirme dans ses différents rapports que plusieurs milliers d’écoles sont fermées dans le nord et le centre du pays. Que deviendront ces enfants déscolarisés si la crise perdure ? Que deviendront ces jeunes hommes et ces jeunes femmes désolidarisés et rendus vulnérables par l’insécurité grandissante ? C’est donc l’avenir du Mali qui est fortement menacé. Vous comprendrez pourquoi le Mali et les Maliens n’ont qu’une seule option, celle de travailler à la réussite de la transition en cours. Cette phase transitoire doit être fortement soutenue, accompagnée et aidée par les Maliens, de tout bord et de toute obédience, car c’est du Mali dont il s’agit, notre bien commun.
Malgré les nombreux défis qui nous assaillent, les vicissitudes inextricables, je constate une volonté de bien faire de la part des autorités en place. Comme de nombreux Maliens désireux de paix, de quiétude, de justice sociale et de développement, je m’emploie au quotidien à travers différentes actions à contribuer à l’édification d’un Mali nouveau, débarrassé de ses pesanteurs culturelles et socioéconomiques, un Mali où il fera bon d’y vivre. C’est en cela qu’on pourra contribuer à maintenir l’espoir. Je suis avant tout un acteur économique et, comme pour bon nombre de mes collègues du secteur privé, la situation est très difficile et nous oblige à nous adapter aux défis de l’heure et à constamment innover pour maintenir notre activité.
Aujourd’hui, la gravité de la situation m’a obligé à aller au-delà du seul constat d’échec collectif. C’est pourquoi, avec des hommes et des femmes épris de paix et de justice, des acteurs non issus de la classe politique conventionnelle, des acteurs économiques pour l’essentiel, nous avons décidé de faire irruption sur le terrain politique avec une seule boussole, celle de rassembler, de fédérer toutes les bonnes énergies, y compris celles dormantes, et les mettre au service du Mali.
Vous avez exprimé comme objectif de mettre en place un nouveau « pacte social » avec la population malienne, de l’intérieur comme de l’extérieur. Quels sont les principaux axes de celui-ci ?
Il est important de rappeler que le Mouvement Bɛnkan a été créé le 4 mars 2021 à Bamako, et le premier évènement de Bɛnkan s’est tenu à Mopti le 10 avril 2021. Au cours de cet évènement, j’ai officiellement reçu le manifeste qui exprime la volonté des membres du Mouvement en faveur d’un Mali meilleur. Nous aurons l’occasion de présenter officiellement nos différents axes dans le détail. Mais je peux d’ores et déjà attirer l’attention sur le fait que la situation globale du pays n’est pas le fait du hasard. La dégradation continue de la situation depuis trois décennies est le fait de la mauvaise gouvernance. Au sein de Bɛnkan, nous estimons que rien ne peut être possible sans une gouvernance vertueuse. Nous sommes aussi convaincus que si les Maliens sont dirigés par de bons exemples, ils sauront relever les défis qui se dressent sur le chemin. Le Mali a l’avantage de posséder une population très jeune ― près de 75 % des Maliens ont moins de 40 ans. Un autre chiffre interpelle : près de 80 % de l’activité économique relève du secteur informel, qui est porté par les jeunes. L’État n’a pas su stimuler ce domaine hautement stratégique. Nous portons également un regard attentif sur la diaspora malienne à travers le monde. Beaucoup souhaitent investir au Mali, nous pensons qu’il est urgent de créer les conditions pour améliorer le climat des affaires afin d’accompagner le retour de nos compatriotes désirant rentrer au bercail pour y investir. Ceci doit être une priorité absolue des gouvernants. Le manifeste de Bɛnkan s’appuie beaucoup sur les relations sociales car le vivre-ensemble a été mis à rude épreuve ces dernières années. Nous estimons qu’il faut créer les conditions de retour au mieux vivre ensemble à travers le renforcement des liens de confiance entre les gouvernants et les gouvernés ; et entre l’armée et les populations. Aucune nation ne peut prospérer sans une bonne politique de défense et de sécurité, et sans cohésion nationale. Ce sont ces différentes actions qui finissent par installer durablement le processus de développement à travers une politique maîtrisée et axée sur les résultats.
Quelle vision et quels mots d’ordre souhaitez-vous mettre en avant au travers de votre Mouvement Bɛnkan – Le Pacte citoyen ?
Nous avons voulu un mouvement rassembleur, car avant toute chose, nous estimons qu’un peuple est toujours plus fort lorsqu’il est uni autour d’objectifs communs. C’est aussi l’occasion de rappeler que le Mali possède une culture riche, fondée sur des valeurs sociétales anciennes qui lui ont permis de s’organiser dans la paix durant plusieurs siècles. Bɛnkan s’appuie sur la somme des expériences du passé pour éviter les erreurs et envisager un avenir radieux pour les générations futures. Bɛnkan veut incarner l’exemplarité dans la conduite de toutes ses actions. Toutes les autres valeurs ne peuvent avoir de sens que si celles et ceux qui sont devant les incarnent de la meilleure des façons.
Vous êtes de plus en plus présent sur le terrain, dans le pays. Quels messages portez-vous auprès de la population malienne ?
Ce qui est encourageant, c’est le fait que beaucoup de Maliens gardent espoir et sont prêts à s’engager en faveur du changement positif. Nous allons à la rencontre de ces populations avec beaucoup d’humilité, car le Mali est vaste et les expériences sont diverses et multiples. Nous ne pouvons donc pas avoir la prétention de nous présenter à eux en tant que simples messagers, mais en tant que citoyens désireux de travailler avec d’autres concitoyens dans le but de permettre à notre pays de sortir de la situation de crise dans laquelle il est plongé. Nous pratiquons la démocratie participative, nous n’oublions pas que l’arbre à palabre fait partie des piliers de cohésion de notre société. Nous voulons discuter avec tous les Maliens et soumettre nos convictions aux critiques et aux adhésions, pour constituer un socle de confiance autour des idées et des solutions plurielles novatrices et inclusives pour favoriser la transformation positive de la société malienne.
Vous n’avez pas à ce jour annoncé vos ambitions. Pouvez-vous à présent nous en dire un peu plus sûr celles-ci ?
Je n’ai rien à cacher sur mes ambitions, mais je reste aussi convaincu que chaque chose doit se faire en son temps. Je suis pour l’instant le président du Mouvement Bɛnkan – Le Pacte citoyen. Des femmes et des hommes ont placé leur confiance en moi ― c’est d’ailleurs aussi l’occasion ici de leur exprimer toute ma gratitude et ma reconnaissance. Je n’ai pas droit à l’erreur et je dois incarner l’exemplarité. Mon ambition est de permettre à Bɛnkan d’exister et de devenir une force de proposition importante dans le pays. Le Mali est actuellement dirigé par une transition, c’est une période marquée par la faiblesse des équilibres ; la moindre étincelle peut avoir des conséquences graves, nous en sommes conscients, et c’est la raison pour laquelle nous rappelons inlassablement que l’avenir du pays dépend de la réussite de la transition.
PROPOS RECUEILLIS PAR LAURENT BOU ANICH