Les relations commerciales entre les deux pays seront au menu de ce séjour. Paris voudrait que la Chine soit un client un peu plus gourmand.
Si les relations commerciales entre Pékin et Paris sont harmonieuses, elles sont totalement déséquilibrées. La Chine est le 2e pays fournisseur de la France, elle représente 1% des investissements étrangers réalisés dans le pays. La France, elle, est le 19e pays fournisseur de la Chine. Résultat : un déficit commercial de 26 milliards d’euros pour Paris. La France, d’ailleurs, n’essaie pas de rattraper son retard, sa priorité aujourd’hui c’est de rééquilibrer ces échanges. Pour cela elle compte s’appuyer sur quelques valeurs sûres : le luxe, l’aéronautique, le nucléaire, la santé, mais aussi sur ce qui a toujours fait le succès de la France à l’étranger : son art de vivre. En France, on mange bien et l’on vit bien. Et cela s’exporte.
Prise de conscience
La Chine souffre des « effets secondaires » de sa forte croissante économique. Les villes sont extrêmement polluées et la classe moyenne – des consommateurs urbains – est restée traumatisée par les scandales sanitaires à répétition connus par la Chine ces dernières années. Elle souhaite mieux se nourrir, et mieux vivre. Luo Fei, le PDG de Biostime, entreprise spécialisée dans le lait pour bébé en Chine, l’a bien compris. Et c’est parce que son entreprise mise sur la qualité qu’il a décidé d’investir à l’étranger, notamment en France, en Normandie dans la coopérative d’Isigny-Sainte-Mère. C’est là qu’est produit une partie du lait de la marque : « Nous avons choisi Isigny parce que c’est une coopérative. Tout y est fait, de la production au produit fini, ce qui n’existe pas du tout en Chine. Nous avons une exigence de qualité que nos partenaires français comprennent parfaitement, d’autant qu’ils sont venus ici en Chine pour se rendre compte d’eux-mêmes de notre travail et de nos attentes, nos cadres se sont rendus en France aussi. Cette confiance mutuelle, pour nous, c’est primordial ». En 2013, les exportations françaises dans l’agroalimentaire ont augmenté de 3,3%, et de 15% pour ce qui relève de la « ville durable ».
Du lait pour bébé et des éco-quartiers
Car, mieux vivre, dans des « villes durables », moins polluées : c’est une autre spécialité française, et, dans ce domaine, le marché a du potentiel. D’ici 2020, deux éco-quartiers devraient voir le jour en Chine. L’un, à Chengdu, dans le centre du pays, l’autre, à Chenyang, à l’est. Des quartiers 100% français, 100% durables. Michèle Papalardo est la fédératrice du projet Vivapolis, qui met en lien tous les acteurs français de la ville durable : « A l’origine, Chenyang est une ville de sept millions d’habitants, construite autour des usines – des usines d’industries très lourdes – donc, une ville extrêmement polluée. Aujourd’hui, les autorités ont sorti toutes les usines du centre de la ville et elles développent de très grands quartiers industriels avec une démarche de développement durable. C’est là qu’intervient l’offre française. C’est clairement ce que les Chinois nous demandent de faire. D’ailleurs, dès 2007, dans son plan quinquennal, le gouvernement chinois avait clairement fait une priorité d’arriver à des villes à la fois industrielles et environnementalement acceptables ». Le premier éco-quartier à Chenyang devrait sortir de terre dans cinq ans. S’il séduit, il pourrait être décliné dans plusieurs villes du pays, ce qui représenterait un énorme marché. L’accord sera signé cette semaine, après plusieurs années de discussions.
Du temps et de l’humain
Faire des affaires en Chine, peut-être plus qu’ailleurs, est une question de temps, d’hommes, de confiance, bien plus que d’argent. Plusieurs PME françaises se sont cassées le nez en voulant s’implanter en Chine, sans toujours mesurer l’importance d’une représentation quotidienne de leur entreprise dans le pays. C’est la conclusion qu’avait tiré Frederic Bouilhaguet, l’un des fondateurs et directeur de Resonate MP4, une entreprise basée à Saint-Denis, près de Paris, spécialisée dans les produits de traitements vidéo lorsqu’il a été question d’ouvrir un bureau en Chine. Cela fait plus de deux ans qu’il est à Pékin : « Au début, il y a une communication qu’il faut instaurer, mais comme avec n’importe quelle culture à l’export. Mais si vous l’instaurez et que vous la travaillez, vous pouvez aller beaucoup plus loin qu’avec un Anglo-saxon ou un Allemand par exemple. Moi ça m’a beaucoup rassuré, je me suis dit : on peut faire quelque chose en Chine malgré la différence culturelle, et pour utiliser la perméabilité potentielle du marché chinois, il faut que je sois sur place ! C’est comme une goutte d’eau, si elle n’est pas sur la surface, elle ne pénètre jamais même si la surface est perméable ». Cette semaine sera riche en affaires conclues. Un important contrat pour Airbus, l’avionneur européen, est notamment espéré.