Le Pr Makan Moussa Sissoko use de son «Droit de réponse»

Monsieur le Directeur de Publication, vous avez le droit d’être contre les réformes pour les raisons que seul vous savez. Comme d’autres s’y opposent pour des raisons alimentaires pensant que leurs intérêts corporatistes sont plus importants que ceux de l’ensemble de la population. Chacun peut défendre son opinion sans essayer de jeter l’opprobre sur son voisin. La Constitution est un acte politique, j’accepte volontiers une opposition politique.

Oui, Monsieur le Directeur de Publication, votre droit d’opposition ne vous donne pas l’autorisation de laisser écrire n’importe quoi par n’importe qui, surtout si on a la prétention de donner comme titre à son journal «22 Septembre».

Je m’adressais à un juriste qui a compris mes propos, Maître Tall s’est ensuite adressé au grand public sur le même sujet. Les images sont disponibles à l’ORTM. Mais allez expliquer à un ignorant «la compétence subordonnée» ou la «compétence liée» quelle sinécure? Il faut venir de la planète Mars pour raconter tant d’inepties en quelques lignes. Le dernier paysan de Bitangoungou, de Nampala ou ailleurs, qui dispose dune radio, sait que les résultats de l’élection présidentielle en France sont publiés, proclamés par le ministre de l’Intérieur.

Je me permets, non pas pour le perroquet de service, mais pour l’information complète de vos lecteurs, de vous renvoyer à la loi 2005-14 portant règles générales pour les élections en République du Bénin.

Article 112 : «Conformément aux dispositions de l’article 117 al.2 de la Constitution:

La Cour Constitutionnelle:

– veille à la régularité de l’élection du Président de la République

– examine les réclamations, statue sur les irrégularités qu’elle aurait pu, par elle-même relever et proclame les résultats du scrutin».

Evidemment pour statuer sur la régularité du scrutin, et pour examiner les réclamations, il faut que les résultats soient publiés, ce que précise clairement l’article 99 de la loi précitée :

«Immédiatement après le dépouillement, le résultat du scrutin est rendu public et affiché…Il peut être rendu public par tous moyens d’information…».

C’est à partir de cette publication que la compétence de la Cour court. J’avoue que cela n’est pas facile à comprendre pour un simple d’esprit.

On est loin de la situation où l’on prend les résultats en otage jusqu’à 12 jours après la clôture du scrutin. Je vous invite à relire sereinement les propositions du CARI relatives à la Cour Constitutionnelle.

Professeur Makan Moussa Sissoko

Notre réponse: «Makan Moussa Sissoko persiste dans l’erreur»

Dans notre parution N°201 du jeudi 25 août 2011, nous titrions: «Débat sur la révision constitutionnelle: quand l’expert Makan Moussa se plante». Dans cet article, nous avons rapporté les déclarations qu’il a faites sur l’ORTM: « Dites-moi un seul pays dans le monde où c’est la Cour constitutionnelle qui proclame les résultats». Nous avions trouvé cette déclaration peu fondée. Malheureusement, le Professeur Sissoko continue de persister dans l’erreur, en nous envoyant un droit de réponse dans lequel il prend les exemples de la France et du Bénin pour dire que ce n’est pas la Cour ou le Conseil constitutionnel qui proclame les résultats. Il refuse de reconnaître qu’il s’est trompé, ou qu’il a fait un lapsus. Nous lui demandons de revoir très amicalement sa copie.

Le ministre de l’Intérieur français dont il parle ne proclame que des résultats provisoires, tout comme, d’ailleurs, au Mali. En France, c’est le bien, en effet, le Conseil Constitutionnel, qui a une compétence d’attribution et dont «les décisions s’imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles. Elles ne sont susceptibles d’aucun recours. L’autorité de la chose jugée ne s’attache pas seulement au dispositif mais aussi aux motifs qui en sont le soutien nécessaire. En matière électorale, le Conseil constitutionnel admet cependant les recours en rectification d’erreur matérielle»,  qui proclame les résultats définitifs des élections, qui sont des actes juridiques. Pour preuve, l’article 58 de la Constitution française de 1958 stipule on ne peut plus clairement «Le Conseil Constitutionnel veille à la régularité de l’élection du président de la République. Il examine les réclamations et proclame les résultats du scrutin».

Entrons plus dans les détails, pour mieux vous rafraîchir la mémoire, Professeur Sissoko. En France, d’après les textes, en matière d’élection présidentielle «Le Conseil établit la liste des candidats. Il reçoit les déclarations des candidats concernant l’état de leur patrimoine et les comptes de leur campagne électorale. Le Président sortant doit lui remettre une nouvelle déclaration de patrimoine un mois avant la fin de son mandat. Il contrôle le bon déroulement des opérations électorales qu’il peut, ou doit, décider de reporter en cas d’empêchement ou de décès d’un candidat. Il peut annuler l’élection ou les résultats de certains bureaux de vote, pour irrégularités, la saisine étant effectuée par les candidats dans le délai de 48 heures après la clôture du vote. Il proclame officiellement les résultats».

Au Bénin, vous-même, Professeur, avez écrit dans votre droit de réponse que l’article 117 alinéa 2 de la Constitution de ce pays indique: «La Cour constitutionnelle veille à la régularité de l’élection du président de la République, examine les réclamations, statue sur les irrégularités qu’elle aurait pu par elle-même relever et proclame les résultats du scrutin».

Voilà donc que, Professeur, vous nous donnez raison. Alors, pourquoi vous plaignez-vous, en nous traitant au passage «d’ignorant», de «perroquet de service» et même de «simple d’esprit», ce à quoi l’usage du droit légitime de réponse ne vous autorise pas. Professeur, vous vous trompez de combat! Nous ne sommes, à 22 Septembre, ni pour ni contre les réformes constitutionnelles, chaque membre de notre rédaction étant libre de voter oui ou non à celles-ci, en son âme et conscience. Au lieu de vous remettre en cause, vous vous en prenez à notre modeste personne. Nous n’avons fait que notre travail. Demain ou un autre jour, si vous ou une autre personnalité profère publiquement des contrevérités auxquelles nous sommes capables d’apporter la contradiction, nous n’hésiterons pas un instant  à le faire, même si, manifestement, cela ne vous plait pas, comme tout le monde a pu le constater lors de votre débat télévisé. Certains se demandent même sur quelle planète vous vivez.

Vos propos «dites-moi un seul pays dans le monde où c’est la Cour constitutionnelle qui proclame les résultats» sont inexacts, une fois de plus. Nous  pouvons vous citer également de nombreux autres pays dans lesquels c’est la Cour ou le Conseil Constitutionnel qui proclame les résultats de l’élection du président de la République. C’est le cas de la Centrafrique, où la Constitution du 28 décembre 1994 accorde le droit à la Cour Constitutionnelle de «veiller à la régularité des élections présidentielles, législatives, régionales, municipales, d’examiner et de proclamer les résultats du scrutin».  C’est aussi le cas du Tchad. En effet, la Constitution du 14 avril 1996 de la République du Tchad stipule que «le Conseil Constitutionnel connaît du contentieux des élections présidentielles, législatives et sénatoriales. Il veille à la régularité des opérations du référendum et en proclame les résultats». Egalement en République du Congo, «le Conseil Constitutionnel veille à la régularité de l’élection du président de la République, il examine les réclamations et proclame les résultats du scrutin».

Monsieur l’expert, ayez l’humilité de reconnaître que vous vous êtes planté. Vous nous avez aussi insulté. Mais, en bons petits frères, nous passons là-dessus et vous renvoyons à l’école et à des ouvrages comme «Justice constitutionnelle et systèmes politiques aux Etats-Unis, en Europe et France» de Jean Marcou, édité par les Presses universitaires de Grenoble en 1997 et «Justice constitutionnelle en Europe» de Dominique Rousseau, édité par les éditions Montchrestien en 1996.

La Rédaction

 

Le 22 Septembre 01/09/2011