Le pape François a célébré au dernier jour de son voyage apostolique au Mexique une messe à Ciudad Juarez, à la frontière avec les Etats-Unis. Il a plaidé pour la sécurité et l’accueil des immigrés et dénoncé la « tragédie humaine » des migrations forcées.
Le pape a grimpé le long d’une rampe ornée de fleurs jusqu’à une croix érigée par la ville en mémoire des migrants qui ont péri en tentant de rejoindre le territoire américain depuis Ciudad Juarez, où la violence liée au trafic de drogue a fait des milliers de morts il y a plusieurs années. François s’est recueilli face au Rio Grande, qui sépare la cité mexicaine de la ville texane d’El Paso.
Jorge Bergoglio a alors célébré une messe sur cette scène installée à 70 mètres seulement de la clôture qui sépare les deux pays, devant des dizaines de milliers de fidèles rassemblés de part et d’autre de la frontière. Une connexion vidéo permettait la retransmission en direct de la cérémonie dans un stade universitaire d’El Paso.
Evoquant l’immigration, le pape a déploré dans son homélie le sort de migrants « réduits en esclavage, emprisonnés, victimes d’extorsion » et s’en est pris avec virulence aux trafiquants d’êtres humains. « Ce sont des frères et soeurs qui sont jetés par la pauvreté et la violence, par le narcotrafic et le crime organisé. »
Et François de continuer: « l’injustice est encore plus radicale pour les jeunes qui sont de la chair à canon, persécutés et menacés quand ils essaient de fuir la spirale de la violence et l’enfer de la drogue. Il y a aussi toutes ces femmes injustement privées de leur vie », a affirmé le Saint-Père. « Plus de mort, ni d’exploitation! Il est encore possible de changer », a-t-il enfin lancé à la foule.
Débattu aux primaires
Ces propos interviennent en pleines primaires aux Etats-Unis, où les candidats à l’investiture républicaine pour la présidentielle de novembre ont fait de la lutte contre l’immigration illégale l’un de leurs principaux thèmes de campagne.
Donald Trump, notamment, a accusé le Mexique de « tuer » les Etats-Unis avec sa main-d’oeuvre bon marché et l’envoi sur le territoire américain « de criminels, trafiquants de drogue et autres violeurs ». Le milliardaire a présenté le pape comme quelqu’un de « très politique », suggérant que le gouvernement mexicain l’avait convaincu de célébrer cette messe « transfrontalière » à Ciudad Juarez.
« Laisser entendre que le pape est un instrument du gouvernement mexicain, non. C’est vraiment très étrange », a répondu le père Federico Lombardi, porte-parole du Vatican, peu avant l’arrivée du pape dans la ville-frontière.
« Le pape parle toujours des problèmes liés à l’immigration. Si M. Trump venait en Europe, il se rendrait compte que le pape, sur l’immigration, tient le même langage à tous, Italiens, Allemands, Français ou Hongrois. »
Critique du capitalisme
Quelques heures avant la messe, François s’est livré à une sévère critique du capitalisme devant des chefs d’entreprises et des représentants syndicaux de Ciudad Juarez.
« Les flux de capitaux ne peuvent décider des flux de population », a déclaré le pape, dénonçant « la mentalité dominante qui cherche le profit maximum, immédiat et à n’importe quel prix » ainsi que « l’exploitation des employés considérés comme des objets que l’on jette après usage. Les esclavagistes d’aujourd’hui auront des comptes à rendre à Dieu », a-t-il ajouté.
François devait par ailleurs rencontrer les parents des 43 étudiants disparus, mais ceux-ci ont fait savoir qu’ils n’assisteraient pas la messe, faute de moyens.
Le pape, qui a entamé sa visite vendredi, quittera le Mexique dans la soirée pour regagner Rome.
(ats / 18.02.2016 02h27)