Maladie occultée par la crise sanitaire liée au Covid-19 (comme le VH/Sida, la tuberculose), le paludisme demeure pourtant celle qui fait le plus de victimes en Afrique subsaharienne.
Ainsi, selon les Nations unies, le paludisme fait plus de 400 000 morts chaque année et la majorité des victimes sont de jeunes enfants en Afrique.
Et chaque année, on dénombre plus de 200 millions de nouveaux cas de cette maladie parasitaire mortelle.
Le Mali, à l’instar de la communauté internationale, a célébré dimanche dernier la Journée mondiale de lutte contre le paludisme célébrée le 25 avril de chaque année.
«Zéro palu, tirer un trait sur le paludisme» était le thème de célébration de cette 14e édition.
«Ce thème a été retenu en partant du principe que chaque cas de paludisme est évitable et chaque décès lié au paludisme est inacceptable», a expliqué le représentant de l’Organisation mondiale de la santé au Mali (OMS), Boubacar Sidibé, lors d’un point de presse animé mercredi dernier (21 avril 2021).
Selon lui, en 2019, la région africaine de l’OMS concentrait 94 % des 229 millions de cas avec 409 000 décès imputables à cette maladie dans le monde.
Les différents acteurs sont conscients que l’objectif «Zéro palu» est un horizon encore lointain dans les pays africains où cette pathologie représente «un fréquent motif de consultation dans les structures de santé».
Elle a une importante charge de morbidité et de mortalité, notamment au niveau des femmes enceintes et des enfants de moins de 5 ans.
«Entre 2000 et 2019, l’incidence du paludisme a baissé de 29 % et le nombre de décès a diminué de 60 % dans le monde», a déclaré le président du Programme national de lutte contre le paludisme (PNLP), Boubacar Sidibé.
Il a rappelé que 2 666 266 cas de palu ont été officiellement enregistrés en 2020, dans notre pays, dont 1 708 décès.
Face à ce problème de santé public, l’Etat malien a adopté plusieurs politiques de prévention et de prise en charge dont la gratuité des tests et médicaments antipaludéens pour les femmes enceintes et les enfants âgés de moins de cinq ans.
Mais, malheureusement, l’impact des ces mesures est faiblement ressenti au niveau des populations.
Par ailleurs, le représentant de l’OMS a révélé lors du point de presse que le paludisme fait perdre à l’Afrique, chaque année, en moyenne 1,3 % en terme de croissance économique.
Et d’ajouter qu’en 2019, deux femmes enceintes sur trois n’ont pas reçu trois doses ou plus de traitement préventif intermittent. Privées de cette protection, plus de 11 millions de cas de paludisme ont été notifiés chez les femmes enceintes.
Selon les Nations unies, le nombre de pays qui ont éliminé le paludisme ou sont en bonne voie d’y parvenir ne cesse de croître.
Mais, ces avancées risquent d’être compromises par la pandémie au Coronavirus qui focalise toutes les attentions et les moyens aux dépens d’autres maladies comme le palu, la tuberculose et le VIH/Sida.
En 2020, le Covid-19 a ainsi été un obstacle supplémentaire à la fourniture de services de santé essentiels partout dans le monde. Même si, selon un rapport de l’OMS, la plupart des campagnes de prévention du paludisme ont pu se dérouler l’année dernière sans retard important.
Et l’accès garanti aux moyens de prévention du paludisme (moustiquaires imprégnées d’insecticide, médicaments préventifs à usage pédiatrique…) a facilité la mise en oeuvre de la stratégie de riposte au Covid-19 en réduisant le nombre d’infections palustres et diminuant du coup la pression sur les systèmes de santé.
«L’OMS a agi rapidement pour fournir aux pays des orientations afin qu’ils adaptent leurs mesures de lutte et assurent la prestation de services contre le paludisme en toute sécurité pendant la pandémie», a souligné le rapport.
L’espoir repose sur un vaccin efficace à 75 % d’ici 2030
Toutefois, l’OMS craint que même des perturbations modérées de l’accès au traitement n’entraînent un nombre considérable de décès. Ainsi, selon le rapport, une perturbation de 10 % de l’accès à un traitement antipaludique efficace en Afrique subsaharienne pourrait entraîner 19 000 décès supplémentaires.
Des perturbations de 25 % et 50 % dans la région pourraient entraîner 46 000 et 100 000 décès supplémentaires, respectivement.
«Alors que l’Afrique a montré au monde ce qu’il est possible de faire si nous sommes unis pour mettre fin au paludisme en tant que menace pour la santé publique, les progrès sont au point mort», a déploré Dr Matshidiso Moeti, Directrice régionale de l’OMS pour l’Afrique.
«Le Covid-19 risque de compromettre davantage nos efforts de lutte pour vaincre le paludisme, particulièrement le traitement des personnes atteintes de la maladie», a-t-elle alerté.
Et de conclure que, malgré l’impact dévastateur de la COVID-19 sur l’économie des pays africains, «les partenaires internationaux et les pays doivent déployer davantage d’efforts pour que les ressources soient disponibles afin d’étendre les programmes de lutte contre le paludisme qui ont un réel impact sur la vie des gens».
«Le paludisme peut être vaincu par un engagement politique fort, des investissements suffisants et un arsenal de stratégies que nous pourrons atteindre notre objectif commun : un monde exempt de paludisme», a souligné le Secrétaire général de l’ONU, António Guterres, dans un message publié à l’occasion de la 14e Journée mondiale de lutte contre le paludisme.
Et l’expérimentation d’un vaccin antipaludique dans certains pays africains a donné des résultats probants notamment au Ghana et au Kenya.
Et lors du point de presse de mercredi dernier, le Professeur Issiaka Sagara de MRTC (Centre de recherche et formation sur le paludisme) a précisé que des expériences au Mali et au Burkina Faso sur ledit vaccin ont permis de renforcer son efficacité contre le paludisme.
Il a également indiqué que les recherches visent à trouver un vaccin avec une efficacité de plus 75 % d’ici 2030.
«Malgré les difficultés rencontrées, nous constatons un réel engagement des autorités et des partenaires pour l’accès universel aux stratégies et des avancées en vue de l’accélération du contrôle vers l’élimination du paludisme au Mali à l’horizon 2030», a conclu le Dr Idrissa Cissé.
N’empêche que, pour le moment, la meilleure arme contre le palu est la prévention à travers l’assainissement de notre environnement et l’utilisation des moustiquaires !
Kader Toé