Modibo Kéïta se retournerait dans sa tombe
« Le père de l’Indépendance », communiste par-dessus-le-marché, qui a voté non à l’indépendance au référendum de 1958, pour, disait-il, ne pas favoriser la balkanisation de l’Afrique, serait bien déçu. La démocratisation et la décentralisation des années 90 décrétées par l’Occident (comme les indépendances de 1960) ne semblent marcher nulle part. L’échec patent du « miracle ivoirien », qui semble parti de là, n’incite pas à l’optimisme. En effet, ce pays, après un développement fulgurant jusqu’en 1985, en est réduit, en 2000, à solliciter le statut de PPTE (Pays Pauvre Très Endetté), pour gérer l’Etat en butte à une pression sociale irrésistible. Et depuis 2011 à gérer une grave crise postélectorale. Dans les trois autres géants d’Afrique noire, le Nigéria, la RDC et l’Afrique du Sud, c’est le marasme… Le Sud, c’est, désormais une gouvernance maîtrisée, rangée, sûre d’elle-même, du fait d’un respect pointilleux des normes occidentales en la matière : lutte contre l’excision, adoption de lois anti-terroristes, publicité de l’alcool, défense des droits des homosexuels, nouveau Code de la Famille.
Le Guide se retournerait dans sa tombe
Que des Tamashek, dans l’Azawad, soient si sûrs d’être une nation, on a toujours pensé que c’était du fait du racisme, de la part de gens indignés d’être, avec leurs frères du Niger, les seuls Blancs, dans le monde, à être commandés par des Noirs ! Mais ces Noirs étaient avec eux sous le même joug, et, du coup, ne les prenaient pas vraiment pour des « Blancs ». D’ailleurs, il y a aussi la Mauritanie, et surtout l’Algérie, qui avait mené une guerre de libération héroïque contre le colonisateur français. Ce que l’Afrique noire partageait avec la Libye du Guide, c’est que ce pays était le seul du monde arabe à avoir rejeté tout complexe envers l’Occident, notamment en refusant d’entrer dans l’Union méditerranéenne. Kadhafi se retournerait dans sa tombe en voyant ce que ses amis ont fait au Mali avec ses armes et son argent.
Et puis, au Mali, ne sommes-nous pas tous musulmans ? Ce qui passe aujourd’hui, en ces temps de démocratie et de décentralisation, ce n’est pas que le gouvernement n’ait pas respecté son engagement de retirer l’armée au Sud ou de favoriser le développement du Nord avec l’important financement extérieur… Ce n’est pas non plus un retournement de veste viscéral et massif. Non : dans leur grande majorité, les cadres tamashek et arabes, ainsi que la population, restent fidèles aux accords signés avec les régimes Alpha et ATT. L’attaque du 17 janvier 2012, c’est, sur un air de printemps arabe, une nouvelle rébellion fondant son idéologie sur la récente indépendance du Sud-Soudan, sur la revendication de la différence et après une longue lutte armée légitimée par l’Occident et l’ONU.
Ibrahima KOÏTA
Madikama 09/11/2012