OUAGA S’EST SOUVENU HIER de sa nuit d’horreur, de ses morts, de ses blessés. La fière capitale sahélienne avait été épargnée jusqu’ à ce fatidique vendredi. Ce soir là, la kalach a crépité le feu et la mort. Elle a mis la capitale burkinabe au même dénominateur qu’à Paris et Bamako : débris de vitres, murs noircis, parquets souillé de sang, cris de douleur, d’angoisse et d’exaspération, corps inertes, survivants hébétés.
Et à Paris, Bamako, comme New York, Londres, Madrid hier et comme tous les jours que Dieu fait en Irak, en Syrie et au Yemen, la question sempiternelle et taraudante : où est la gloire de tuer ceux qui n’ont rien pour se défendre ? Les visages de Ouaga hier étaient ceux du recueillement, du deuil, de la tristesse et sans aucun doute de l’anxiété. Car pour avoir frappé une fois, les assaillants savent maintenant que le Burkina est vulnérable.
Alors que sous Compaoré ce pays n’avait jamais subi la moindre écorchure de la part de la nébuleuse jihadiste, en 2015 le fort Burkinabé avait subi trois incursions : un enlèvement, deux assauts qui ont causé la mort d’agents de sécurité. Toutes choses qui n’étaient qu’une répétition pour le soir de l’innommable carnage du 15 janvier dernier.
PAS DE PERIODE DE GRACE POUR KABORE donc. Le pays qui vient de le plébisciter est, lui aussi, dans le viseur des forces jihadistes. Celles-ci sont aujourd’hui loin d’avoir la puissance qui leur avait permis d’annexer les deux-tiers du territoire malien avant l’intervention française du 11 janvier 2013.
Mais le terrorisme conserve un pouvoir de nuisance qui s’exprime plus que souvent dans l’espace sahélien. Le président Burkinabé a promis d’être vigilant et s’est engagé à déclarer une lutte sans merci contre le terrorisme. La volonté politique et une gouvernance adéquate du secteur de la sécurité sont des atouts dans la victoire sur ce fléau.
Mais le savoir-faire est irremplaçable pour gagner la guerre qui vient d’être déclarée au Burkina. Si l’ex Rsp était vraiment outillé pour ce combat, il va donc falloir remobiliser ceux de ses éléments indiqués. Mais Ouaga craint aussi l’alliance objective entre Aqmi et le « Burkina fâché », en particulier les nostalgiques du régime Compaoré dont les éléments de l’ancien régiment aujourd’hui démantelé.
Dans une culture obsédée par la théorie du complot, le fait que certains de cet ancien régiment aient été inculpés dans l’affaire du dépôt d’armes secouant en ce moment la capitale burkinabé est hautement significatif.
Kaboré, en tout cas, est sur quatre fronts et c’est beaucoup : la menace jihadiste qui entrera par où elle peut frapper ; la diagonale Compaoré-Diendieré qui passe par Abidjan ; les huissiers d’une révolution qui veut ouvrir tous les placards, ses propres promesses électorales enfin dans un pays habité depuis peu par autant de Saint-Thomas.
Adam Thiam