«Nous ne sommes pas le seul pays sahélien exposé au narco-terrorisme ou le seul pays dans la sous-région à connaître les rébellions, mais nous sommes passés champion dans la signature des accords, lesquels, de plus en plus, compromettent l’avenir du Maliba. Pourquoi le Mali est le seul pays dans la région qui n’arrive pas jusque-là à pacifier son territoire, vaste soit-il, depuis 1963 ? La question mérite d’être posée et les Maliens continuent de s’interroger. Depuis 1963, le pays vit au rythme des rébellions cycliques, les unes plus violentes que les autres. Et à chaque fois, la situation se calme autour d’une table de négociation où un accord est engendré.
Des accords en cascade
L’accord de paix à Tamanrasset en 1990, négocié par l’Algérie qui prévoyait la décentralisation du Nord et la réintégration des troupes touarègues. Le Pacte national signé en 1992 par le gouvernement et un groupe de coordination des rebelles touaregs. Le Pacte prévoit la régénération économique du Nord, des initiatives de réconciliation nationale, la décentralisation et l’intégration des Touaregs au sein de structures militaires et civiles.
En 2006, les accords d’Alger sont signés par le gouvernement et l’ADC. Ils portent principalement sur la sécurité et la croissance économique à Kidal, la huitième région du Mali et la plus éloignée de la capitale. Suivra l’accord préliminaire du 18 juin 2013 à Ouagadougou qui a permis la tenue des élections présidentielle et législatives. Et aujourd’hui, on parle de l’accord d’Alger du 1er mars 2015 qui consacre dans les faits une large autonomie au Nord, voire même un fédéralisme sous le vocable de régionalisation.
Le constat, c’est que toutes les rébellions ont été toujours sanctionnées par des accords, soit 5 en tout signés en 25 ans par les présidents Moussa Traoré, Amadou Toumani Touré, Dioncounda Traoré et Ibrahim Boubacar Kéïta. On remarque aussi qu’à part l’accord préliminaire de Ouagadougou, tous les autres ont été concoctés et signés en Algérie, sans qu’on y arrive à la paix. Au contraire, ces accords nous éloignent à chaque fois de la sauvegarde de l’intégrité territoriale et du vivre-ensemble. Un autre constat est que ces accords, les uns après les autres, n’ont jamais été respectés par les parties signataires, les belligérants. Ce qui corollairement engendre de nouvelles rébellions et négociations. Un mythe de Sisyphe donc.
Un autre aspect de ces rébellions et accords, c’est le fait de réintégrer et réinsérer les combattants rebelles. Ce qui constitue une prime à la rébellion au détriment de la Constitution. La Constitution du Mali stipule que les Maliens naissent égaux devant la loi. Ils sont égaux en droits et devoirs. Mais dans la pratique, c’est autre chose. Les jeunes du Sud majoritaires n’accèdent à la fonction publique qu’à travers un concours où le besoin est insignifiant. Ils sont donc abandonnés au chômage et contraints d’aller mourir en Méditerranée.
Par contre, des oisifs de la pire espèce qui prennent chaque fois les armes contre leur patrie, tuent leurs frères et désolent tout un pays, sont dorlotés comme des enfants gâtés de la République, avec à la clé une prime importante à leur rébellion se traduisant par leur intégration massive au sein de l’administration sans concours. Des supers Maliens en fait ! Ayant pris goût à cet état de fait, les Touaregs de la ville rebelle, Kidal, ne peuvent jamais abandonner une rébellion aussi bénéfique et devenue pour certains un fonds de commerce.
Les coupables sont connus
Pourquoi le Mali est le seul pays qui signe ces accords compromettants les uns après les autres dans la région ? Nous ne sommes pas le seul pays sahélien pourtant, mais c’est chez nous qu’il y a toujours des rébellions et des accords. Le voisin nigérien a connu des rébellions touarègues, mais là, l’Etat qui se veut fort négocie rarement, préférant écraser ses rebelles. Le Burkina Faso ne connaît pas de rébellion (pas quand même touarègue) depuis la nuit des temps. Le Tchad ne connaît pas de rébellion à caractère sécessionniste, pourtant il y aussi des Touaregs là-bas. L’Algérie non plus. Mais, c’est au Mali que les rébellions sont fréquentes avec le lot d’accords jamais respectés. À quoi est due cette situation ? Certainement à la faiblesse de l’Etat inhérente à la personnalité de certains de nos dirigeants.
Quand le général Moussa Traoré signait les accords de Tamanrasset, son pouvoir était fragile, mourant. Le Pacte national a trouvé que le Mali était dirigé par un pouvoir transitoire avec à sa tête un certain lieutenant-colonel Amadou Toumani Touré. C’est le même ATT, devenu général, qui a aussi signé les accords d’Alger de 2006 quand l’Etat était aussi faible. ATT était un général faiblard qui aspirait à la paix, mais qui n’a jamais su faire sien l’adage qui dit que ‘’Qui veut la paix prépare la guerre’’. L’accord préliminaire de Ouagadougou a été signé par un régime moribond de Dioncounda Traoré, alors que c’est un IBK très fragile, bousculé et trimbalé par la communauté internationale, qui signe l’accord d’Alger du 1er mars 2015, lequel comporte des germes de la désintégration future du Mali.
Ces dirigeants, signataires d’accords problématiques pour le Mali, ont été à mille lieues d’Alpha Oumar Konaré qui a su tirer son épingle du jeu en usant de la diplomatie et… surtout du premier président du Mali, Modibo Kéïta, au régime fort dont les Maliens sont aujourd’hui nostalgiques. C’est en cela qu’il faut peut-être donner raison au sage Seydou Badian Kouyaté, l’auteur de l’hymne national du Mali, quand il enseigne que ‘’Si Modibo était là, la Minusma ne serait pas là’’.
Aujourd’hui, par la faute de cette faiblesse de l’Etat, une horde d’impérialistes s’est abattue sur le Nord de notre pays en nous faisant une guerre par procuration et en voulant faire main basse sur nos ressources au nom d’une large autonomie. Mais comme on le dit généralement chez nous : «Qui n’est rien……n’a rien».
(Source : Les Citoyens Actifs)
Le Reporter Mag 27/06/2015