Le Mali à l’heure des sanctions de la CEDEAO

carte cedeao

Pour tenter de contraindre les auteurs du putsch du 21 mars à rendre le pouvoir aux civils, la CEDEAO réunie lundi à Dakar (Sénégal) a décrété un embargo, fermant leurs frontières avec le Mali et gelant ses comptes à la banque centrale régionale. Ce pays, qui fait à peu près deux fois la taille de la France, importe tout son pétrole, qui est transporté en camion par la route depuis la Côte d’Ivoire et le Sénégal.

Le réseau électrique du pays risque aussi de pâtir de cet embargo dans les semaines ou même les jours qui viennent, parce qu’il est en partie alimenté par le gazole pendant la saison chaude.

La CEDEAO, qui représente 15 pays de la région, s’est montrée inhabituellement sévère dans sa condamnation du coup d’Etat. A l’expiration lundi du délai de 72 heures qu’elle avait donné à la junte pour rendre le pouvoir aux civils, l’organisation régionale a annoncé que les sanctions entraient en vigueur immédiatement.

Bathily Seye, propriétaire d’une chaîne locale de stations-service, « Afrique Oil », a affirmé que s’il n’était plus approvisionné, ses 15 pompes seraient rapidement à sec. « Nous n’avons pas notre propre essence. Elle est entièrement importée », a-t-il expliqué. « Il n’y a absolument rien ici. Nous n’avons aucune capacité de raffinage (…) Je n’ai pas de stock. Dans deux jours, je n’aurai plus d’essence. »

Dans une station Total, lundi à 21h, alors que l’embargo venait d’être annoncé, un jeune ingénieur est venu faire le plein de sa voiture. Il a ensuite demandé au pompiste de remplir un jerrican et un conteneur en plastique. « J’essaie de faire des réserves », a confié Mohamed Lamine Dembele. « S’ils gardent la frontière fermée, il sera très difficile pour nous de refaire le plein. Nous risquons de ne plus avoir d’essence dans tout le pays. »

L’instabilité provoquée par le putsch a par ailleurs permis à la rébellion touarègue de s’emparer du Nord du pays. Une faction djihadiste a même planté son drapeau à Tombouctou.

Un ancien ministre se présentant comme le négociateur en chef de la junte putschiste, Mohamed Ag Erlaf, a affirmé mardi que le principal groupe rebelle touareg était disposé à discuter de l’avenir du pays mais un porte-parole du Mouvement national de libération de l’Azaouad (MNLA) a démenti.

Moussa Ag Attaher a déclaré lundi soir sur la chaîne de télévision France-24 que son groupe n’avait pas de contact direct avec les militaires qui ont renversé le président Amadou Toumani Touré (ATT) et son gouvernement. Il a ajouté que ni le MNLA, ni le peuple malien, ni la communauté internationale ne reconnaissaient la légitimité du chef des putschistes, le capitaine Amadou Haya Sanogo, que la rébellion ne considère donc pas comme un interlocuteur valable.

L’insurrection a été lancée le 17 janvier dernier, après le retour au Mali de Touaregs libyens armés qui avaient combattu pour Moammar Kadhafi jusqu’à sa chute l’an dernier. Avant le coup d’Etat, les rebelles n’avaient réussi qu’à prendre le contrôle d’une douzaine de petites villes. Le président Amadou Toumani Touré, 63 ans, qui avait fui son palais encerclé par les putschistes à Bamako, n’est pas réapparu en public depuis. Démocratiquement élu en 2002 et 2007, il avait atteint la limite constitutionnelle de deux mandats et n’était pas candidat à la présidentielle fixée au 29 avril.

A Genève, des responsables de l’ONU ont fait part de leur préoccupation concernant l’instabilité, les groupes armés et la perpective d’une pénurie alimentaire au Mali, où 200.000 personnes ont fui leurs maisons pour chercher refuge ailleurs. Elisabeth Byrs, porte-parole du Programme alimentaire mondiale (PAM), a précisé que son agence « s’inquiétait particulièrement » de la perspective d’une pénurie alimentaire dans le pays.

A la demande de Paris, le Conseil de sécurité des Nations unies se réunissait mardi pour examiner la situation au Mali, afin notamment « de soutenir les efforts de la CEDEAO dans la recherche d’une solution » et de « condamner les actes perpétrés par AQMI » (Al-Qaïda au Maghreb islamique), selon le ministère français des Affaires étrangères.

La directrice générale de l’UNESCO s’est pour sa part inquiétée des combats autour du site de Tombouctou, classé au Patrimoine mondial. Elle a appelé les autorités maliennes et les rebelles à respecter l’obligation internationalement reconnue des pays à sauvegarder leur patrimoine en temps de guerre.

« Les merveilles architecturales en terre de Tombouctou que sont les grandes mosquées de Djingareyber, Sankoré et Sidi Yahia doivent être préservées. Avec les 16 cimetières et les mausolées, elles sont essentielles à la préservation de l’identité du peuple malien et de notre patrimoine universel », a ajouté Irina Bokova. AP

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(AP / 03.04.2012 16h50)