V.paradoxa est une espèce qui se régénère très bien et de manière très naturelle. Bien que le pouvoir germinatif de la semence soit très limité, cette dernière germe facilement sans conditions spéciales. La majorité de la régénération doit provenir d’une première germination issue de graine. Les semis sont cependant très sensibles aux conditions du milieu et résistent mal aux aléas (sécheresse, feu, piétinement, etc.) pendant les premières années.
Ceci explique le nombre important de rejets et de cicatrices sur les souches observé sur le terrain. Ceci explique également la grande différence entre la densité des semis (hauteur=50 cm) et la densité de la régénération dans les classes supérieures (Kelly 2005). Tout comme les adultes, la régénération a également une croissance très lente et dépendante des conditions du milieu.
L’importance de la régénération constitue un facteur de garantie de la pérennité de la ressource mais les pratiques paysannes actuelles (réduction voire l’abandon de la jachère, l’élimination systématique de la régénération en champ) compromettent cet état de fait.
Il y a lieu alors d’entreprendre (la recherche et le développement) d’importantes actions de formation et d’information en rapport avec cette tendance néfaste. La recherche doit aussi jouer un rôle primordial dans les investigations en matière de gestion et de conduite de la régénération naturelle en étroite collaboration avec les services de développement, les paysans et/ou organisations paysannes, et les structures d’appui au monde paysan (ONG, Bureaux d’Etudes, etc.).
Toutefois, le socle de ces actions est le changement de la tendance des pratiques actuelles paysannes (élimination de la régénération) car on ne peut aménager, gérer ou conduire ce qui n’existe pas. Il faut donc qu’on permette d’abord à la régénération de s’installer en l’épargnant partiellement dans les champs, en pratiquant la jachère et en laissant le temps à cette dernière de permettre son installation et son développement ; et ensuite entreprendre les actions sylvicoles nécessaires et appropriées.
Hall et al. (1996) ont évoqué une sérieuse protection de la régénération naturelle et karité comme une option de gestion qui permet le renouvellement des parcs vieillissants et qui évite les ennuis de la pépinière (coût) et les problèmes associés à la transplantation.
Kessler & Boni (1991) ont également évoqué le système de jachère améliorée comme autre alternative pour la promotion de la régénération. Selon ces auteurs, la jachère améliorée restaure plus rapidement la fertilité du sol si certaines ou toutes les mesures suivantes sont adoptées : semis d’herbacées de qualité et des légumineuses pour éviter les effets du surpâturage et la culture par des migrants, la protection contre les feux.
Ce serait peut être une illusion de préconiser de nos jours une régénération artificielle du Karité à grande échelle. Ce n’est cependant pas une option à écarter et qui peut s’imposer d’elle-même dès que les acteurs seront conscients d’un danger ou d’une menace de disparition de la ressource qui, comme nous l’avions évoqué, subit de nombreuses contraintes d’ordre divers. On dit souvent ‘’mieux vaut prévenir que guérir’’ alors on doit éviter d’attendre que cette dernière option s’impose et dès à présent (alors que la régénération est présente et abondante) travailler pour améliorer sa gestion, promouvoir sa conduite et garantir la pérennité de l’espèce.
Mais au cas où elle (régénération artificielle) s’impose, des auteurs ont évoqué des voies pour la réussir. Ainsi Adomako (1985) a évoqué une plantation d’enrichissement en semant directement les semences issues «d’arbres plus» dans les trouées en s’assurant d’une protection adéquate pendant le jeune âge.
Osei-Amaning (1996) attire l’attention sur le fait que, pour s’assurer d’un succès, la position topographique et le type de sol doivent être soigneusement considérés avant toute plantation d’enrichissement. Il déclare que des sites faiblement drainés ou sujets à des inondations doivent être évités tout comme le doivent des sols à forte proportion d’argile ou de sable.
Nous rappelons qu’à travers notre étude, malgré les contraintes qui pèsent sur l’espèce, nous pouvons dire que V.paradoxa n’est pas présentement une espèce menacée de disparition à court et moyen terme. Cependant on constate un manque alarmant de jeunes sujets de karité dans les champs à cause de l’élimination systématique de la régénération par les travaux de labour.
D’autre part, le raccourcissement de la durée de la jachère voire son élimination permet de moins en moins le recrutement de jeunes pieds lors de la remise en culture alors que les adultes vieillissent. Il est alors important et urgent de porter à la connaissance des paysans la nécessité de sélectionner et d’épargner des jeunes sujets de karité dans le champ dans le souci de substitution aux adultes vieillissants.
Ceci pourra être fait dans le cadre de la conduite de la régénération naturelle évoquée plus haut avec l’appui de la recherche et du développement. Les sujets épargnés pourraient même servir pour des actions sylvicoles pour l’amélioration de la croissance du Karité et la réduction de la phase juvénile.
Bokary Allaye KELLY
PRF/CRRA-Sikasso (Source: IER Info N°55)
Le Progrès 01/11/2012