Le Général Moussa Traoré et sa relation avec les journalistes d’Etat GMT, loin de l’image du dictateur et de la caporalisation de la presse

La mort du président Moussa Traoré, affectueusement appelé par notre génération « GMT » en ce « mardi » 15 août 2020, un mardi  « fétiche » de plus dans sa riche carrière militaro politique, m’offre l’occasion de rendre hommage à « un grand patriote » et de prier pour le repos éternel d’un musulman pieux qui avait, malgré certaines apparences, le Mali à cœur.

Je signale que j’ai travaillé à différents niveaux de l’administration publique (entre 1978 et 1991), dont les plus significatifs sont : Professeur de Lycée, Journaliste, conseiller du Premier ministre Mamadou Dembélé de 1986 à 1988, DGA de la RTM de 1990 à 1992.

Témoin privilégié, à partir de la RTM, du coup d’État d’ATT contre le président GMT, j’ai vécu ces événements de l’intérieur, avec de nombreux camarades restés dans l’anonymat. Il s’agit de la fin du régime le plus long de l’histoire du Mali indépendant (23 ans). Cependant, nous n’avons jamais eu droit à la parole, en tant que journaliste d’Etat, pour dire notre part de vérité.

Journaliste, historien, je me suis toujours refusé à prendre la parole, malgré les injures, les calomnies et les contre-vérités qui ont émaillé cette  partie de notre histoire récente à l’endroit des journalistes des organes d’Etat et des « caricatures » qui ont écorné l’image de cet homme, de sa relation avec la presse et qui vient de nous quitter.

Ma nomination, par un Ministre de son Gouvernement Nyamanto Diarra, comme DGA de la RTM, à 36 ans, coïncide avec les effervescences politiques au Mali.  Alors nous avons été pris, très tôt, à la RTM entre le marteau et l’enclume. J’évoquerai avant, avec votre permission mon passage à « l’école des ministres Djibril Diallo et Drissa Keïta », au ministère d’Etat chargé de l’Hydraulique, de l’Energie, des Mines et de l’Artisanat, deux de ses éminents cadres. Les gouvernements GMT étaient de taille réduite et y rentré récompensait davantage les hommes d’expérience et de compétence, à mon avis. Ce passage fut suivi de ma nomination comme Conseiller à la communication à la Primature, le premier poste du genre au Mali et sous la houlette du Professeur Mamadou Dembélé, pour qui le service de l’Etat est un sacerdoce, un homme rigoureux, d’une grande culture, avec lequel j’ai entretenu des relations filiales jusqu’à son récent décès. Dès mon retour à la RTM, (en 1988) je fis quelques passages comme rédacteur en chef par intérim, choisi par mon ami, le red’chef feu Oumar Sangaré pour assurer son intérim lors de ses déplacements divers comme reporter ou pour ses formations. Puis vint le premier Directeur journaliste de formation de la RTM et de Radio Mali, Mamadou Kaba.

J’ajoute que la RTM, ce sont les forces invisibles constituées de journalistes et de techniciens, une équipe, mieux, une famille à cette époque et c’est cela qui nous permettra de réaliser ensemble ce dont il est question ici : le 26 mars 1991 et les 5 jours historiques qui l’ont précédé. Tout cela me ramène à de vieux souvenirs si importants,

Mamadou Kaba, à peine nommé, m’a choisi comme adjoint et s’est fait entourer d’une nouvelle équipe à tous les postes. Je dois à ce propos vous raconter une anecdote qui date du 1er mai 1990, inoubliable fête du travail. Le président GMT, que je ne voyais qu’en de rares occasions, lors des reportages, à l’aéroport ou à la présidence, nous avait fait l’honneur de nous recevoir à sa table, sur insistance de son très dynamique conseiller à la communication Thiona Mathieu Koné, qui donna, à mon avis, ses lettres de noblesse à la profession de conseiller en communication au Mali. Le thème du jour, nous l’apprîmes de la bouche du maître des lieux : « le multipartisme est-il synonyme de démocratie » ?

Nous étions une quinzaine de journalistes d’Etat de l’ESSOR et de la RTM, plus un doyen, journaliste affecté aux Affaires étrangères, Mamadou Bandiougou Diawara. Nos doyens, Feue Aïssata Cissé, Mamadou Kaba, Gaoussou Drabo répondirent en chœur « oui » et s’expliquèrent, ce qui ma enhardi. Je récupérais le micro pendant une quarantaine de minutes où, sans détour, je dénonçai les allégations qui faisaient de notre pays un vieux foyer de démocratie et le présentais comme des « clichés » inventés de toutes pièces par les thuriféraires du régime de l’époque. Dans l’entourage du président, rares étaient ceux qui, comme mon défunt cousin Bouyé Siby et Djibril Diallo, entre autres, courageusement, disaient au président GMT d’ouvrir le pays au multipartisme. C’était les plus audibles à mon sens.

Je sortis de l’exercice avec les compliments de mes amis, de mes aînés et l’estime de notre hôte du moment, GMT, qui me laissa parler sans se fâcher et pourtant j’étais à l’antipode des thèses qu’il déclamait. J’en profite pour réfuter une autre contre-vérité : jamais je n’ai « ouvert » la radio aux putschistes dirigés par ATT, lors des événements de mars 1991. Je n’ai jamais vu feu le Général Ouologuem qui a lancé cette information, certainement à partir d’une erreur d’homonymie. GMT, lui-même, plusieurs fois après la rencontre décrite plus haut, m’appela « Cheickna » et je rectifiais en insistant sur « Seïdina. »

Au petit matin du 26 mars 1991, on envoya, certes, me chercher à l’immeuble Marabout où je logeais, à moins d’un kilomètre à vol d’oiseau. Et quand je pénétrai dans la cour de la RTM, je fus reçu par le commissaire Anatole Sangaré et mon collègue et grand-frère de Nioro-du-Sahel, Mamadou Diarra dit Bill, qui, lui, comme à l’accoutumée, voulait me réconforter par sa présence. L’antenne était déjà ouverte et je me trouvai face au lieutenant-colonel ATT que je n’avais jamais  vu que de loin en reportage, en 1984, lors d’une mission présidentielle de GMT à Diéma, alors qu’il était le patron de la sécurité militaire et moi reporter de la radio, donc très loin l’un de l’autre. Il était entouré de Cheickna Touré, journaliste, Cheickna Cissé, paix à son âme, Djibril M’Bodge, feu Lamine Coulibaly, entre autres et s’apprêtait à rentrer en studio pour lire sa première déclaration. Je signale, au passage, que la radio ne s’ouvre pas avec un « bouton », Certes, la maison mère est à Bozola, mais la réalité des commandes est sur la route de Kati aux émetteurs. Cette rectification faite, je signale aussi que c’est ATT qui eut le réflexe de demander « le journaliste le plus gradé » (sic) pour assurer les affaires courantes en attendant l’arrivée du Directeur Mamadou Kaba qui ne tarda d’ailleurs pas à nous rejoindre. Je ne pense pas qu’il m’ait connu auparavant. C’est un ami à lui et mon confrère, Hama Barry qui me montra à lui comme étant le DGA.  Il se tourna vers moi et me dit sur un ton calme « Prenez les affaires en main ici en attendant l’arrivée du Directeur. Je ne veux aucune image de l’arrestation du Général [Moussa Traoré]» a-t-il dit péremptoire.

Je n’ai plus eu des nouvelles de GMT et ne l’a revu qu’à l’enterrement de Feu Bouyé Siby à la Zawiya de Niaréla où je lui fis de la place au premier rang pour s’incliner une dernière fois sur ce compagnon resté fidèle parmi les fidèles.

GMT eu la gentillesse de me rappeler qu’il m’a reconnu en me remerciant d’un « Merci ! Seïdina » à l’antipode de ses laudateurs qui continuent à croire que les journalistes, que nous sommes, avons été parmi les « tombeurs » de l’homme.

Dors en paix GMT et que tes prières nous aident à nous sortir de l’impasse, de la surenchère et du clientélisme dans laquelle nous sommes plongés au Mali.

Seïdina Oumar Dicko                 

Journaliste – Historien – Ecrivain