Pour Tiébilé Dramé, ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale, le Mali est un pays d’une vieille civilisation faite de brassage réel entre différentes communautés. Invité de la rédaction de France 24 le weekend dernier, le chef de la diplomatie malienne défendait ainsi la nature cosmopolite d’un pays ébranlé par de récentes violences intercommunautaires. « Les violences sont en réalité le fruit d’une stratégie des groupes terroristes opposant les communautés les unes aux autres », a-t-il laissé entendre. Sur la lancinante question du G5 Sahel, le ministre souhaite que soit impliquée la CEDEAO, qui a eu dans le passé un volet sécurité et défense avec des résultats importants.
Le ministre des Affaires étrangères a été on ne peu plus clair : la principale menace pour le Mali aujourd’hui, c’est la menace terroriste. Divers groupes, les uns se réclamant d’Al Qaeda, les autres se réclamant de l’Etat islamique, opèrent sur le territoire malien au nord-est, à l’ouest et au centre en particulier. « Il y a eu quelques éruptions de violence, mais la réaction des pouvoirs publics, de l’opinion nationale malienne, fait de sorte que nous nous engageons dans une voie d’apaisement », a évoqué le ministre.
A côté de l’action militaire, le gouvernement malien a initié une approche politique par la création d’un cadre politique de gestion de la crise du centre, par la nomination d’un secrétaire permanent et par la désignation par le président de la République d’un haut représentant chargé du centre du pays. Ces décisions indiquent, selon Tiébilé Dramé, une forte volonté des politiques, des autorités nationales de gérer la crise au centre. Le but est de faire en sorte que le pays ne soit pas débordés par ceux qui depuis 2012 cherchent à le détruire.
Le chef de la diplomatie malienne est persuadé que son pays est confronté depuis 2012 à une guerre qui est imposée par le terrorisme international, par les représentants de divers groupes terroristes. « La crise du centre, c’est le prolongement direct de la crise du nord », a-t-il souligné. « C’est le nord du pays qui a d’abord été occupé par AQMI, le MUJAO. Et cela s’est étendu au centre du pays, une bonne partie du centre s’est retrouvée sous le joug du MUJAO. Ce mouvement là est aujourd’hui oublié, mais ses conséquences demeurent et sont dangereusement vues par les populations ».
L’interview a apporté un éclairage sur l’évolution de la violence dans les régions de Mopti et de Ségou. Le ministre des Affaires étrangères a expliqué que quand les éruptions de violence ont commencé, le Mali était face à une insurrection djihadiste sous la forme de la Katiba de Macina ou de groupuscules dont les liens sont aujourd’hui clairement établis avec l’Etat islamique surtout ceux qui opèrent dans le Gourma malien.
Le gouvernement a pris la mesure de la situation, a dit Dramé. C’est pourquoi différentes initiatives sont en cours. Non seulement une action militaire pour faire baisser la tension, mais aussi obtenir du Conseil de sécurité des Nations Unies que la MINUSMA, la force onusienne présente au Mali pour le nord puisse avoir une présence accrue au centre. « C’est acté, c’est décidé par la dernière résolution du Conseil de sécurité des Nations Unies. Déjà la MINUSMA est sur le terrain, et nous attendons qu’elle ait une présence beaucoup plus accrue aux côtés de nos forces », a poursuivi le chef de la diplomatie malienne.
Au commencement de l’instabilité dans la région de Mopti, il y avait les groupes d’autodéfense pour protéger les communautés face aux actions des groupes terroristes. « Ces groupes d’autodéfense ont pu commettre çà et là des actions qui sont répréhensibles. Les communautés veulent se défendre… Si elles continuent dans les dérives constatées à Ogossagou ou à Sobane Da, il est évident que des mesures fortes doivent être prises pour les contenir », a déclaré le ministre des Affaires étrangères.
Au sujet des crimes graves commis récemment, Tiébilé Dramé a indiqué qu’il n’y aura pas d’impunité parce que des enquêtes sont en cours. Selon lui, de nombreuses interpellations ont été effectuées par le procureur antiterroriste. Des dizaines de personnes ont été entendues certaines sont détenues à la prison de Mopti. « Je veux dire qu’il n’y a pas d’impunité. Cela dit, si les acteurs locaux prennent conscience qu’il faut aller vers la paix, qu’il faut se donner la main, qu’il faut résoudre les difficultés qu’il y a, c’est ce que recherche le gouvernement », a-t-il ajouté.
La présence des forces internationales au Mali et dans les Etats du Sahel a aussi été évoquée lors de l’interview. Le ministre des Affaires étrangères a affirmé que le Mali et les Etats de la sous-région ont besoin des forces internationales. En fait, pour lui «il y a un effort interne réel à fournir qu’il ne faut pas négliger non plus. Nos armées nationales font face, nos peuples payent un lourd tribut et consentent d’énormes sacrifices pour faire face à cette guerre qui nous est imposée. Donc c’est une conjonction des efforts de nos partenaires avec nos efforts internes, les efforts de nos armées et de nos peuples pour faire face à cette menace ».
Par ailleurs, il a mis en garde ceux qui dans les pays du Sahel souhaitent le départ de ces forces internationales, estimant qu’ils devraient faire attention à ce type de revendication parce que ce sont des demandes émises par l’EIS, par AQMI, par le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans. « Donc il faudrait faire attention à ne pas avoir les mêmes revendications que ceux qui souhaitent aujourd’hui détruire nos pays ».
En fin, la lancinante question du G5 Sahel a été abordée, le ministre souhaitant que soit impliquée la CEDEAO qui a eu dans le passé un volet sécurité et défense avec des résultats importants. « Aujourd’hui au regard de l’extension de la menace terroriste, au-delà du G5 Sahel, il est pertinent que les chefs d’Etat de la CEDEAO se réunissent. Et c’est la décision qu’ils ont prise d’y associer ceux de nos voisins qui ne font pas partie de la CEDEAO comme le Tchad et la Mauritanie d’y participer », a raconté Tiébilé Dramé.
Soumaila T. Diarra