Un ‘car rapide’ chargé de saveurs nouvelles et de toques à découvrir dans le cadre de la saison Africa2020. « Des gastronomies populaires accessibles à tous, une alimentation saine et de saison, une agriculture responsable portée par des professionnels engagés, un esprit de fête et de partage », nous promet Sandrina Martins, la directrice de ce lieu piloté par la Mairie de Paris.
En lever de rideau, comme pour chauffer les fourneaux, la chanteuse et maîtresse des platines Cléa Vincent partagera son afro-pop sensuelle avec les chanceux du vendredi soir. Et du samedi matin au dimanche soir, place à la régalade… Expo photo, films, marché des marques, ateliers, leçons de chefs, débat, brunch dominical, un riche programme concocté avec le Carreau du Temple par la Maison de l’Afrique et le Conseil présidentiel pour l’Afrique.
Trois questions à la directrice de la communication et du développement de la Maison de l’Afrique, Carole Sagbo.
Pourquoi êtes-vous partenaire de cet événement ?
C. Sagbo – La Maison de l’Afrique est née du souhait des responsables politiques et des milieux d’affaires africains de voir se créer à Paris un lieu de rencontres et un centre d’information pour permettre d’élargir le champ d’action des ambassades africaines en France et en Europe. Elle est aujourd’hui une plateforme de relations publiques au service des États africains et un lieu où se rencontrent et dialoguent la diaspora africaine et les acteurs de l’économie. Sa mission première est la promotion de l’économie, des arts et des cultures de tous nos pays. Les activités de promotion étant son cœur de métier, la Maison de l’Afrique organise régulièrement divers événements, en son nom propre ou à la demande des États et des institutions de tous secteurs d’activités.
Parmi les sujets de prédilection de la Maison figure la gastronomie, qui fait d’ailleurs l’objet d’une rubrique à part entière sur notre site internet. On oublie trop souvent que la cuisine fait partie intégrante de la culture. Il convient également de rappeler que l’Afrique c’est 54 États avec des zones géographiques ayant des influences différentes, des recettes certes communes à certaines régions, mais également des recettes propres à chaque pays. La cuisine africaine ne se limite donc pas au Yassa ou au Mafé.
Le festival Food temple Africa représente ainsi une opportunité unique de mettre à l’honneur l’Afrique et de présenter cette grande variété de produits alimentaires Made in Africa, certains encore méconnus, d’autres oubliés et qui reviennent au goût du jour. Il faut le reconnaître, nos gastronomies sont peu connues, pas populaires et souffrent de beaucoup de préjugés. Nous devons tous œuvrer à briser ces clichés et ces barrières qui nous éloignent des autres cultures, et travailler à populariser les cuisines africaines. Aussi, nous a-t-il semblé naturel de nous associer à cet événement haut en couleur qui, nous l’espérons, permettra de mieux faire connaître les gastronomies africaines, et de redonner leurs lettres de noblesse aux arts culinaires africains. La cuisine retisse les liens et a ce singulier pouvoir de nous rassembler par-delà nos différences, autour du plaisir originel et universel des arts de la table.
Selon quels critères avez-vous sélectionné les chefs et les exposants ?
CS – En qualité de partenaires principaux de ce festival gastronomique dédié à la savoureuse et généreuse cuisine du continent africain, la Maison de l’Afrique et le Conseil présidentiel pour l’Afrique (CPA) ont pleinement participé à la construction de son programme. Pour la sélection des chefs qui animeront des ateliers et des master classes pendant le festival, nous avons tout d’abord souhaité que l’Afrique soit représentée dans toute sa diversité. Ainsi peut-on retrouver des chefs originaires du Bénin (Georgiana Viou), du Sénégal (Rougui Dia et Fatou Meite), de Côte d’Ivoire (Moulaye Fanny), du Gabon (Anto Cocagne), du Cameroun (Christian Abegan), de Mauritanie (Harouna Sow), sans oublier le Haïtien Elis Bond, pour ne citer que ceux-là. Ces chefs ont également été sélectionnés pour leurs talents et styles culinaires uniques, ainsi que pour leur capacité à proposer une cuisine africaine hors des sentiers battus et qui brise les aprioris sur des plats encore trop peu connus. Leur cuisine s’inspire pour la plupart des classiques des cuisines africaines, revisitées et présentées de façon moderne, tout en conservant l’authenticité des saveurs africaines.
Pour ce qui est des exposants, nos choix se sont portés sur des marques africaines, présentant pour la plupart des produits d’exception sélectionnés avec le plus grand soin. En effet, la Maison de l’Afrique s’est particulièrement intéressée ces derniers mois aux produits d’épicerie fine sous influence africaine, notamment pendant l’organisation de son popup de Noël en décembre dernier. Nous avons ainsi pu découvrir de nombreuses marques proposant de très bons produits modernes et raffinés, au packaging soigné, des produits qui gagnent absolument à être mieux connus et permettent de faire une cuisine subtile, sans pour autant perdre l’identité africaine. Originaires d’Afrique et souvent cuisinés à l’européenne, ces produits sont en outre une réelle illustration du métissage des cultures, métissage qui se retrouve également dans la cuisine afro-fusion aujourd’hui très à la mode.
Le patrimoine culinaire africain n’a définitivement rien à envier aux autres et à travers cette sélection de chefs et d’exposants, c’est une autre image de l’Afrique et tout un pan de notre culture culinaire qui seront présentés. Et tout ceci gagne à être connu en Europe et partout ailleurs dans le monde, sans oublier la potentielle manne économique que représente cette gastronomie.
Quel est, quel sera la place du continent dans le devenir de l’industrie agro-alimentaire ?
Le continent africain a un rôle primordial à jouer au cours des prochaines années car le potentiel de son secteur agro-alimentaire demeure largement inexploité. Pourtant, le continent détient environ 65 % des terres arables de la planète et dépense chaque année plus de 50 milliards de dollars pour l’importation de denrées alimentaires. À titre d’exemple, le riz, aliment de base de nombreuses populations africaines, est encore le premier produit alimentaire importé. Le continent rassemble de nombreux autres atouts : la diversité des conditions agro-climatiques, ses importantes façades maritimes qui lui donnent une grande variété de territoires agricoles, pastoraux et halieutiques, propice à une production très variée, sans oublier sa population jeune et active.
Avec des rendements agricoles les plus faibles au monde, le secteur agricole est le moins rentable de l’économie locale. Ceci s’explique par la faible utilisation des intrants agricoles, les pertes post récoltes encore trop importantes et les techniques culturales peu adaptées. Selon les données de la Banque mondiale, la population africaine devrait doubler d’ici 2050 et plus de la moitié vivra dès 2030 dans les villes. En outre, avec l’élévation du niveau de vie, le marché des produits agro-alimentaires en Afrique pourrait fortement augmenter également d’ici 2030, passant de 313 à 1 000 milliards de dollars. La demande pour les produits agricoles et agro-alimentaires va de fait considérablement augmenter dans les prochaines années, parallèlement à un potentiel de production colossal.
Les secteurs de l’agriculture et de la transformation agro-alimentaire sont aujourd’hui de toute évidence en pleine mutation dans le monde entier et l’innovation s’avère indispensable pour nourrir une population croissante et pour faire face au changement climatique. En Afrique, les enjeux sont d’autant plus importants avec l’objectif d’autosuffisance alimentaire, la gestion du stress hydrique, les enjeux sociaux et économiques. Le développement de nouveaux modèles et solutions vont ainsi se révéler indispensables, pour relever les défis agricoles spécifiques au continent.
C’est d’ailleurs pour débattre de ces problématiques majeures et mettre en valeur les filières agricoles, les savoir-faire et les produits africains, que la Maison de l’Afrique et le Conseil présidentiel pour l’Afrique organisent une conférence dans le cadre du Food Temple Africa, le samedi 26 septembre. Cette dernière a un objectif double : mettre en valeur les gastronomies africaines et des filières de produits locaux d’excellence, notamment des filières agro écologiques africaines ; démontrer le potentiel économique des métiers de l’agribusiness et de la gastronomie, en Afrique et au sein de la diaspora, en valorisant des parcours d’excellence d’entrepreneurs et d’acteurs du secteur agricole sur le continent.
Pour terminer, entrons dans la confidence et dites-nous quels sont vos plats préférés ?
Je suis moi-même originaire de l’Afrique de l’Ouest et plus précisément du Bénin et ai toujours été passionnée par la cuisine. Très jeune déjà, j’aimais participer à la confection des mets aux côtés de ma mère et ai même songé un moment faire de la cuisine mon métier. Mes plats préférés sont surtout les sauces africaines à base de feuilles (le gboma dessi et l’adémè dessi qu’on retrouve au Bénin et au Togo, le ndolè du Cameroun) et la sauce gombo consommée dans de nombreux pays. Ayant quelque peu vécu en Ethiopie plus jeune, j’ai également une vraie appétence pour l’injera, galette à base de teff, une variété de céréale riche en fibres, en fer et en minéraux, sans gluten. Elle fait partie du quotidien en Ethiopie, où elle accompagne quasiment chaque repas pour saisir viande et légumes.